DÉPUTÉ DE TRIPOLI

OMAR MESKAOUI:

"LE POUVOIR DEVRAIT SE LIBERER DE SES PREJUGES POUR ETRE EQUITABLE"
“Ayant fait partie des trois Cabinets haririens, M. Omar Meskaoui dresse le bilan du précédent régime et s’étend sur la question de l’immunité parlementaire, pour avoir été convoqué, il y a quelques semaines, à titre de témoin, dans l’affaire “Sarmolen”, société ayant intenté un procès à M. Mouhib Itani, ancien directeur du port de Beyrouth, actuellement placé en garde à vue.
Il s’est dit peu convaincu de la justesse de l’incarcération de ce dernier et de l’ancien directeur général des Transports, estimant que “les poursuites dont ils sont l’objet transgressent les lois en vigueur.”
De plus, il souhaite que le Pouvoir se libère de ses préjugés pour être équitable”, trouvant une connotation politique à l’expression “ouverture des dossiers”.
 

M. Meskaoui juge satisfaisante l’interprétation faite par le président Nabih Berri des dispositions de la Constitution relatives à l’immunité couvrant les membres de l’Assemblée, celle-ci reposant sur le principe de la séparation des pouvoirs. On ne peut, précise-t-il, entreprendre des poursuites contre un député, ni l’arrêter, sans l’accord du bureau de la Chambre. Il en est ainsi dans tous les pays évolués, en France, en Syrie et ailleurs, sauf lorsque le parlementaire est pris en flagrant délit.
Le parlementaire nordiste fait état, ici, de l’arrêt rendu par la Chambre pénale de la Cour de cassation à l’encontre de M. Najah Wakim, député de Beyrouth, suite à un procès qui lui a été intenté, pour diffamation et outrage, par Bahije Tabbara, ancien ministre. Tout en faisant un parallèle entre cette affaire et celle dans laquelle est impliqué Chahé Barsoumian, ancien ministre du Pétrole.

En tant qu’ancien ministre des Transports, dans quelle mesure êtes-vous responsable des irrégularités commises au port de Beyrouth, pour lesquelles est poursuivi son ancien directeur général?
Ma responsabilité se limitait au contrôle des décisions du conseil d’administration de la compagnie du port. Cependant, je crois que l’affaire de la société “Sarmolen” dont le contrat a été résilié, est une question d’ordre administratif, exclusivement.
Je ne suis pas au courant de ce qui s’est passé entre Mouhib Itani et les responsables de la société qui a cessé d’exister. J’aurais souhaité que Mme Rabiha Ammache (le magistrat instructeur chargé de l’enquête dans cette affaire) prît connaissance de tous les documents portant ma signature.

Jugez-vous injuste l’arrestation du directeur général du port?
Du point de vue du principe, je ne m’immisce pas dans les décisions du Parquet qui a ordonné l’incarcération de M. Mouhib Itani. Mais du point de vue de la conviction, je ne trouve pas juste son arrestation. M. Itani a été interrogé longuement plus d’une fois et les faits qu’il a divulgués seront rendus publics un jour.

Aurait-on renoncé à recueillir votre déposition après que vous avez menacé d’ouvrir tout le dossier?
Tous les renseignements dont je dispose, je les ai fournis au juge d’instruction. Je n’ai menacé personne et n’ai rien à cacher.

En tant que l’un des membres des Cabinets haririens, dans quelle mesure vous considérez-vous responsable du gaspillage et des abus reconnus, d’ailleurs, par l’ancien Premier ministre?
En ce qui concerne le ministère dont je détenais le portefeuille, il n’y a eu ni gaspillage, ni abus. C’est pourquoi, je soutiens que l’arrestation de l’ancien directeur général des Transports est peu convaincante.
Puis, les gouvernements de M. Hariri confiaient, chaque fois, à des commissions ministérielles présidées par le vice-président du Conseil qui assume toujours cette charge, le soin d’examiner les infractions commises dans le domaine des biens maritimes.
En ce qui a trait au gaspillage provenant de l’exploitation des fonds maritimes, je tiens à préciser que l’argent prétendûment dilapidé est fictif.

Qu’en est-il de la corruption et du gaspillage dont ont été accusés les gouvernements précédents?
On ne peut attribuer la corruption et le gaspillage à un gouvernement déterminé. Cette question relève du Parquet. La corruption et le gaspillage ne sont pas un facteur politique de jugement, mais un délit. Aussi, ne faudra-t-il pas juger ces infractions à travers des considérations politiques.

Considérez-vous donc les poursuites judiciaires actuelles comme politiques et non juridiques?
On appelle, aujourd’hui, à l’ouverture de dossiers dont les éléments étaient déjà connus mais non révélés. Dans le concept d’autonomie de la Justice, celle-ci n’attend pas le climat politique favorable pour agir, son action n’étant pas liée à un régime déterminé.

Voulez-vous dire que la Justice est un moyen dont dispose le pouvoir politique?
Nous ne pouvons rien dire avant de connaître les décisions finales. Jusqu’à présent, aucun délit n’a été qualifié de la part des juges d’instruction. L’arrestation d’un prévenu doit durer une période déterminée, le temps nécessaire pour terminer les investigations. Le juge doit le libérer, ensuite, sous caution. Il n’est pas permis d’arrêter un prévenu durant un an, pour ensuite reconnaître son innocence. Les arrestations qui se font jusqu’à maintenant sont contraires à la loi.
Je souhaite que le Pouvoir se libère des préjugés et devienne juste. Le responsable ne doit pas être prisonnier de ses idées, mais accomplir ses devoirs envers tous les citoyens, sans distinction entre partisans et opposants.
L’assainissement des institutions ne se fait pas, uniquement, par l’action mais par l’engagement des responsables à œuvrer dans l’intérêt des citoyens en toute objectivité.

Croyez-vous que ce qui se passe, actuellement, contredit le discours d’investiture qui préconise l’autonomie du pouvoir judiciaire?
Nous faisons confiance au président Lahoud dont les idées formulées dans son discours d’investiture déterminent le champ d’action du Pouvoir.

Je ne trouve pas la nécessité de faire un bilan en ce sens; mais j’exprime mon avis en toute liberté. Le président Hariri est un ami et je défends le gouvernement contre les critiques injustes.

Comment vous situez-vous par rapport au régime actuel?
Je me considère en tant que citoyen exigeant ses droits de l’Etat. Nous devons appuyer le régime qui est la continuité de l’Etat.

... Et par rapport à Tripoli?
Je suis à égale distance de toutes les parties.

Comment sont vos relations avec le président Omar Karamé?
Bien que chacun de nous ait des avis politiques différents, nos relations ne sont pas mauvaises.

Comment concevez-vous le découpage administratif du Liban-Nord? Préférez-vous le découpage en trois circonscriptions, ou l’unité électorale de la région?
Je préfère la circonscription unique si cela assure l’égalité entre toutes les localités. Le développement nécessite des surfaces géographiques liées les unes aux autres. Si nous voulons faire des découpages administratifs et des mohafazats d’une certaine autonomie, il faut que ces derniers soient entiers, puisque le Liban est petit par sa superficie.
Je ne vois pas de mal dans les découpages administratifs si cela facilite le travail.

On parle d’une nouvelle contexture au sein du parlement, à l’image du régime. Croyez-vous que vous y adhérerez?
Je ne peux rien prédire, mais nous devons inverser la base, c’est-à-dire que le régime doit s’accorder avec la volonté des électeurs.

Propos recueillis par
HODA CHEDID

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