APRES LE REGLEMENT  DE LA "CRISE DES LIBERTES"
LE POUVOIR CONCENTRE SES EFFORTS AUX PROBLEMES INTERNES URGENTS

Tous les efforts se concentrent, en ce moment, sur l’éventuelle reprise des négociations de paix et les préparatifs en cours pour faire face aux développements qui pourraient survenir dans les prochains mois.

Pendant ce temps, les parties politiques s’activent pour leur propre compte et planifient leur action en vue de servir leurs intérêts. La nouvelle loi électorale constitue une obsession, alors que les dossiers chauds restent en tête des préoccupations officielles, en plus de la réforme administrative qui a marqué un temps d’arrêt.
Mais celle-ci sera poursuivie, “quoi que fassent les détracteurs du Pouvoir pour la torpiller”, comme l’a déclaré M. Mohamed Y. Beydoun, ministre de l’Education et de l’Enseignement supérieur, dans un discours qu’il a prononcé au camp des scouts musulmans au début de la semaine.
Cependant, deux faits ont retenu l’attention des observateurs au cours du dernier week-end: la visite du Dr Bachar Assad au palais de Baabda et celle que l’émir de Qatar, cheikh Hamad Al-Thani a éffectuée au Liban.
La rencontre Lahoud-Assad a permis un échange de vues sur “les développements de la conjoncture régionale et la réaffirmation de la coopération entre les deux pays dans les divers domaines”, selon l’ANI. De plus, les deux responsables ont effectué un large tour d’horizon de la situation intérieure, s’arrêtant longuement sur les tractations politiques opposant le gouvernement à ses détracteurs.
Les cercles informés assurent que la visite du Dr Assad n’était pas en rapport avec celle que le président Hariri avait effectuée, moins d’une semaine auparavant, au président Lahoud; elle avait été prévue une quinzaine plus tôt et le Dr Assad en avait informé le président Nabih Berri, quand il a déjeuné en sa compagnie à la table du général Ghazi Kanaan, chef du service des renseignements des troupes syriennes stationnées au Liban.
Les milieux proches des dirigeants syriens ne cessent de recommander à tous les hommes politiques qui se rendent sur les bords du Barada, de régler leurs problèmes internes entre eux, sans manquer de réitérer leur entière confiance au président Lahoud. MM. Hariri et Joumblatt ont entendu le même langage, ce qui n’a pas empêché le second de décocher, une fois de plus, ses flèches empoisonnées en direction du Pouvoir...
Quant à la visite de cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani, émir de Qatar, elle a revêtu une grande importance, en raison des entretiens ayant eu lieu entre le chef de la principauté et la nombreuse suite qui l’accompagnait, d’une part; le président Lahoud, le chef et les membres du gouvernement, d’autre part.
Les pourparlers bilatéraux ont débouché sur la signature d’accords dont notre pays peut tirer profit, surtout en ce qui concerne l’effacement des séquelles des dernières agressions israéliennes ayant pris pour cibles nos infrastructures: les centrales électriques de Jamhour et de Bsalim et les ponts reliant la capitale à la partie méridionale du pays.
Cheikh Hamad a mis l’accent d’une façon particulière, sur la nécessité impérieuse de raviver la solidarité interarabe, dans cette phase particulièrement délicate que traverse la région. (voir ailleurs le compte-rendu de la visite princière).
Cela dit, il nous faut revenir à l’entretien que le président Lahoud a eu, au palais de Beiteddine, avec le président Rafic Hariri, plusieurs semaines après leur dernière rencontre.
Il est difficile de révéler les sujets ayant fait l’objet de leur entretien, pour la simple raison que ce dernier s’est déroulé dans la plus grande discrétion. Les reporters de presse n’ont pas manqué de constater que l’ancien chef du gouvernement avait la mine plutôt sombre en quittant le palais présidentiel. L’ANI, quant à elle, s’est limitée à écrire que les deux hommes ont évoqué les problèmes intérieurs, avant d’ajouter: “La rencontre s’est caractérisée par la franchise et la transparence. Tout ou presque a été évoqué au plan interne, mais non la nouvelle loi électorale et les dossiers chauds faisant l’objet d’investigations et ayant entraîné l’arrestation d’un certain nombre de fonctionnaires, quelques-uns d’entre eux étant connus pour être proches de M. Hariri.”
Celui-ci s’est contenté de déclarer: “Aucun différend d’ordre personnel ne m’oppose au président de la République”, avant de partir pour la Sardaigne où sa famille passe ses vacances. Il s’était rendu, au préalable, au chevet de M. Mohamed Abdel-Hamid Beydoun, député du Liban-Sud, pour s’enquérir de son état de santé.
Cependant, d’après des sources renseignées, le chef de l’Etat n’a pas manqué de dire les quatre vérités au président Hariri, rappelant ses déclarations dans la Presse et ses prises de position foncièrement hostiles, non seulement au gouvernement, mais au Pouvoir. Aussi, a-t-il attiré son attention sur le préjudice qu’un tel comportement de sa part et de la part de ses alliés, cause à l’intérêt national. Et de plus, a observé le président Lahoud, ce comportement semble viser à couvrir les infractions et abus commis sous le précédent régime...
Tout compte fait, la nouvelle rencontre entre le président Lahoud et M. Hariri a donné des résultats identiques à la précédente; c’est-à-dire, rien de positif, ni de concret, les deux hommes restant sur leur position, le chef de l’Etat ne déviant pas des principes qu’il a clairement définis dans son discours d’investiture.
Au plan judiciaire, il y a eu de nouveaux développements cette semaine. En effet, M. Joseph Chaoul, ministre de la Justice, a transmis à la présidence de la Chambre la demande par laquelle le Parquet réclame la levée de l’immunité couvrant un membre de l’Assemblée, en l’occurrence M. Habib Hakim, député du Metn, impliqué dans l’affaire de l’incinérateur de Bourj Hammoud, projet dans lequel cinq millions de dollars ont été investis, sans connaître un début d’exécution.
Le président Berri a convoqué, hier jeudi, le bureau de l’Assemblée et la Commission de l’Administration et de la Justice, pour une réunion commune, à l’effet d’étudier la requête du palais de Justice.
Sur un autre plan, le chef du Législatif a défini sa position envers les tractations en cours, prélude à une éventuelle reprise des négociations de paix. De fait, il a émis les réflexions suivantes dans un discours prononcé au complexe culturel portant son nom à Tallet Ar-Radar: “La paix émane de la normalisation des relations interarabes et non des relations arabo-israéliennes”.
Puis, mettant en garde contre un excès d’optimisme, quant à l’assouplissement, par l’Etat hébreu, de ses positions suite à l’accession d’Ehud Barak à la présidence du Conseil, il a enchaîné: “La paix est un besoin autant syrien que libanais. Cependant, nous aspirons à une paix juste et globale, basée sur les résolutions de la Légalité internationale, lesquelles exigent un retrait israélien immédiat et inconditionnel des territoires arabes.”
Et d’enchaîner: “Nous continuerons à soutenir la Résistance jusqu’à la libération de notre territoire, tout en rejetant le fait pour notre voisin du Sud de la taxer de terrorisme, alors qu’Israël pratique le terrorisme d’Etat. Notre unité nationale et notre destin commun constituent les piliers stables sur base desquels nous édifions l’avenir.”
M. Berri s’est montré pessimiste quant aux négociations avec Barak et ses émissaires. Partant du fait que “celui qui veut la paix ne retourne pas de Washington avec soixante avions de combat, en plus d’un soutien militaire et financier accru de l’Amérique.”
Enfin, en ce qui a trait aux remous fomentés, la semaine dernière par la “crise des libertés”, on peut dire que tout est rentré dans l’ordre, suite aux prises de position des instances officielles.
En fait, le Pouvoir a détecté dans le branle-bas entretenu par la néo-opposition, une nouvelle cabale dirigée contre le “Cabinet des 16”, pour le mettre en mal avec les médias.
D’ailleurs, le Conseil des ministres a dénoncé, sans ambages, l’action pernicieuse des opposants, le président Hariri en tête, disant que cette dernière défigure l’image du Liban à l’étranger. Il est apparu, en effet, que la “coterie” de M. Hariri a pris sur elle de propager des rumeurs alarmistes, en vue de discréditer le Grand Sérail.
Il y a lieu de faire état, à ce propos, de la renonciation aux poursuites qui avaient été engagées contre un certain nombre de confrères, entre autres: MM. Melhem Karam en sa qualité de rédacteur en chef de quatre publications; Jamil Mroué, Paul Salam, Mme Viviane S. Dagher et Salam Greishi.

NADIM EL-HACHEM

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