Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD
A BOUT DE SOUFFLE...
 
La réforme n’en finit plus d’agoniser. Aura-t-elle cette mort peu glorieuse que lui prédisent certains, ou bien va-t-elle tel le Phénix renaître de ses cendres?
Jusqu’à présent, malgré les déclarations intermittentes et lénifiantes du Premier ministre, rien ne donne à croire que nous reverrons de sitôt les charrettes de Robespierre en route pour l’échafaud. Et à propos d’échafaud, nous n’avons assisté jusque-là qu’à la déconfiture de quelques directeurs généraux et de sous-fifres de moindre importance. Il est difficile d’admettre que ce sont ces quelques pelés et tondus, seuls, qui ont orchestré et exécuté des vols de l’ordre de 7 milliards de dollars, sans avoir été sponsorisés par des “parrains” intouchables ceux-là, du fait de la couverture dont ils jouissent au plus haut niveau, niveau auquel nous autres Libanais n’avons plus accès.
Faute donc d’avoir la permission de jouer dans la cour des grands, nous nous retrouvons à barboter au bas de l’échelle avec les petits fonctionnaires. Comme le disait jadis Michel-Ange: “Pas plus haut que la chaussure”… L’ennui c’est que ladite chaussure n’a jamais été à notre pied.
Je ne sais par quelle étrange alchimie ou mutation psycho-névrotique, un brave petit Libanais moyen se transforme brusquement en roquet hargneux à tendance sado-mégalomaniaque dès qu’il accède au rang de fonctionnaire de l’Etat. Les exemples qu’on pourrait citer rempliraient hélas! la totalité de la bibliothèque du Congrès américain.
Deux ou trois échantillons. Une de mes amies, dont le fils avait échoué au brevet, s’est rendue à l’Unesco pour avoir quelques renseignements à propos de la session d’octobre. Des centaines de gens piétinaient devant un guichet, derrière lequel le fonctionnaire de service, perdu dans un nirvana visible de lui seul, les ignorait superbement. Après trois-quarts d’heure d’attente, elle finit par entendre une sorte de jappement d’où les autres victimes, après consultations, déduisirent, à la majorité relative que le jappement en question pouvait se traduire par “Basta”.
Course-relais à Basta où après une lente agonie devant un autre guichet, elle crut comprendre, à travers un croassement cette fois-ci, qu’il fallait se rendre à Ras el-Nabeh. A Ras el-Nabeh même scénario, à part que le croassement avait grimpé de plusieurs octaves pour éclater en braiment. Résultat: “Ya okhti (ma sœur), cessez de me bassiner et allez vous installer devant votre télévision.” En langage plus clair: foutez le camp et allez vous faire pendre ailleurs.
Fallait-il, à mon tour, que j’aille regarder la télévision pour me rendre compte que la “Range”, qui venait d’emprunter un sens interdit manquant nous envoyer moi et mon taxi dans le décor, était un véhicule des FSI? En guise d’excuses, nous eûmes droit le chauffeur et moi à un geste significatif esquissé avec le majeur de la main gauche.
Une autre dame, victime celle-ci d’un de ces chevaliers à la moto, friands de sacs à main et de fractures du col du fémur. Imbue de légalité, cette brave débile qui, par miracle, n’avait laissé dans l’aventure que son sac et une poignée de cheveux, s’en alla conter infortune au caracol le plus proche.
- Vos papiers? éructa l’agent de service.
- Mes papiers se trouvent dans le sac qui m’a été arraché.
- Retournez chez vous et apportez-moi un document prouvant que vous êtes “vous”.
- Je ne peux pas retourner chez moi, mes clés sont dans le sac qui m’a été arraché.
- Dans ce cas, comment voulez-vous que je vous donne une attestation pour qu’on vous délivre un nouveau extrait d’état-civil si vous n’avez pas l’ancien?
- Et comment voulez-vous que je donne l’ancien s’il se trouve dans le sac qui m’a été arraché. Je vous ai bien dit que...
Excédé, le digne défenseur de la veuve et de l’orphelin laissa finalement tomber, après avoir fait mariner la malheureuse deux heures durant: “- Revenez dans dix jours”...
Retour à la réforme. Si faute de pouvoir - pour des raisons ou pour d’autres - s’en prendre aux grosses pointures, on commençait par faire le ménage dans les rangs des petits zouaves que nous payons de nos impôts et de nos multiples taxes pour nous rendre la vie impossible et la protection de la loi inaccessible?!
En guise de consolation, un loyaliste qui possède autant d’optimisme que de culture me cita Rostand: “C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière.”
Quelle lumière? Celle capricieuse et volage que nous dispense le ministre Sleimane Traboulsi, par hasard? 

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