TOUTE LA LUMIERE SUR LES COUPURES DE COURANT
LA SITUATION A L'EDL ANALYSEE PAR SON DIRECTEUR GENERAL, GEORGES MOUAWAD


M. Mouawad répondant aux questions 
de notre collaborateur Jean Diab.

 
Un des soucis majeurs des Libanais au cœur de cet été caniculaire est la distribution de l’électricité dont les longues coupures sont la conséquence des bombardements destructeurs israéliens sur les sous-stations de Jamhour et de Bsalim, sévèrement endommagées le 24 juin dernier.
Depuis cette date, les Libanais vivent au rythme d’un programme draconien de coupures perturbant le travail et la vie des citoyens. Pour y voir plus clair et éclairer à notre tour, nos lecteurs sur ce problème vital, nous avons rencontré le directeur général de l’Electricité du Liban (EDL), M. Georges Mouawad qui nous a fait le point de la situation.
 
UN HOMME DU TERRAIN
Ingénieur électro-mécanique de l’Université St Joseph, entré à l’EDL en 1972, M. Mouawad est un “homme du terrain” qui a successivement rempli les fonctions de responsable des stations et de la distribution dont il est devenu le chef en 1990 pour une durée de sept ans. Depuis 1997, il occupait le poste de directeur du Transport avant d’être nommé en janvier 1999 par le Conseil des ministres, directeur général de l’Electricité du Liban.
A trois ans d’intervalle, le même agresseur israélien a pris pour cible les mêmes objectifs vitaux de notre pays: les deux sous-stations de transformation électrique de Jamhour et de Bsalim dans les périodes de pointe de l’été. Le parallèle s’arrête là, puisque M. Mouawad nous signale dès le début de notre entretien, qu’il existe une différence fondamentale entre les deux agressions israéliennes contre les installations de l’EDL: En 1996, il n’y a pas eu de dégats au niveau des transformateurs. L’attaque aérienne avait visé le poste extérieur de distribution et des dis-joncteurs, des charpentes métalliques de sectionneurs, des jeux de barres... Mais cette fois, avec l’atteinte bien ciblée des transformateurs, le problème est tout à fait différent: tous les transformateurs de puissance ont été endommagés.
 

L’EDL: Un programme ambitieux 
pour les prochaines années.

Installation d’un nouveau transformateur: 
cent tonnes à manipuler.

UN MATÉRIEL DATANTD’UNE TRENTAINE D’ANNÉES
Devant l’ampleur de cette catastrophe, poursuit M. Mouawad, et en présence d’un matériel datant d’une trentaine d’années dont la fabrication même de pièces de rechange n’existe plus dans le monde, notre tâche urgente était de réparer les transformateurs par nos propres moyens. Et cela en faisant des réparations, des soudures de pièces récupérables, en remplaçant le matériel endommagé par des pièces trouvées dans nos dépôts; un matériel usagé, certes, mais encore en bon état. Un tour de force qui a étonné l’expert italien de la firme constructrice de ces transformateurs, il y a une trentaine d’années, que nous avons consulté et qui m’a dit clairement: “Mais qu’est-ce que vous faites avec ces transformateurs d’un autre âge; il faut les jeter!

DES DÉBOIRES EN CHAÎNE
Les usagers se plaignent que les autorités tant gouvernementales que de l’EDL avaient promis une amélioration dans la distribution assurant jusqu’à 18 heures de courant par jour...
Oui, j’ai établi à ce propos un programme transmis par notre ministre de tutelle, M. Sleiman Traboulsi, au Conseil des ministres. Dans ce rapport, j’ai bien spécifié que le premier transformateur sera mis en marche le 7 août.
Malheureusement, à cause de plusieurs problèmes techniques graves, le retard s’est produit.


Le Premier ministre, M. Salim Hoss constatant
la marche des travaux à la sous-station de Jamhour.
Il est accompagné du ministre des Ressources hydrauliques et électriques,
M. Sleiman Traboulsi et guidé par le directeur général de l’EDL, M. Georges Mouawad.

DES AMÉLIORATIONS À UN RYTHME CRESCENDO
Dans l’immédiat, que peut-on annoncer à vos abonnés, après tant de déboires?
Je voudrais éviter d’annoncer des choses. Mon objectif prioritaire est une meilleure alimentation actuelle que ce soit au centre-ville, dans le Beyrouth administratif et résidentiel ou bien dans les banlieues. Il y a maintenant cent mégawatts supplémentaires que je veillerai à distribuer d’une façon équitable. Les améliorations vont aller crescendo, puisque toutes les deux semaines un transformateur sera installé.
En période de pointe, quels sont les besoins du Liban tout entier?
Environ 1600 mégawatts. Nous pouvons produire facilement 1750 mégawatts et vers la fin de l’année, 2000 mégawatts. Ordinairement, nous produisons beaucoup plus que nous consommons. Actuellement, pour alimenter la région de la Békaa, nous achetons 40 mégawatts à la Syrie, comme un apport supplémentaire, faute de grandes liaisons entre Zouk, le Nord et Jiyeh avec la Békaa.

UN PLAN DE RÉHABILITATION
Existe-t-il un plan général de réhabilitation quand tout sera normalisé?
La station de Bsalim va passer à 220 mégawatts sur base d’un plan directeur établi par l’Electricité de France et approuvé par le conseil d’administration. Quant à la station de Jamhour, elle va travailler en 150 mégawatts mais avec un matériel de 220. Nous allons commander des transformateurs qui travaillent en bi-tension du côté primaire. Nous sommes en train de négocier pour l’achat de neuf transformateurs (220-150) d’une compagnie pouvant nous donner satisfaction dans les cinq mois.
D’ailleurs, je suis en train d’installer actuellement à Bsalim deux transformateurs neufs travaillant en 220-150 déjà commandés après les raids israéliens de 1996 et réceptionnés il y a six mois. Le premier sera en marche dans trois semaines et le second avant fin septembre.
La première phase du plan de réhabilitation court jusqu’à fin septembre pour rétablir une bonne alimentation dans tout le Liban; mais pour compléter les travaux dans les deux sous-stations, il faut aller jusqu’à la fin de l’année.

DIX NOUVELLES SOUS-STATIONS
Outre la réhabilitation, M. Georges Mouawad nous parle d’un projet à long terme: “Nous avons un plan d’équipement qui continue. Il se poursuivra avec l’aménagement de dix sous-stations ainsi que l’installation de centaines de kilomètres de câbles aériens. La sous-station d’Aramoun est terminée, celle de Horch aussi; la  sous-station de Mkallès sera opérationnelle dans deux mois, celle de Ksara suivra, etc... C’est un travail permanent qui ne s’arrêtera  pas. Mais le malheur dans notre réseau, c’est que les efforts ont été concentrés jusque-là sur la satisfaction de la clientèle: les compteurs, les services de distribution et la génération du courant et sa production. Mais la partie la plus importante a été négligée: c’est le réseau de câbles servant au transport du courant. C’est pourquoi, ce réseau est en souffrance: il ne va jamais être prêt avant 2001-2002. Il nous faut au moins trois ans pour renforcer ce réseau. Et, actuellement, je suis en train de bricoler sur le réseau existant afin de pouvoir assurer le transit de puissance de transport, une puissance entre les centrales et les sous-stations. Il aurait fallu commencer par une réhabilitation du réseau de transport en même temps que le renforcement des centrales de production. C’est pourquoi, nous nous retrouvons avec deux centrales chacune capable de produire 450 mégawatts sans, toutefois, pouvoir soutirer de chacune d’entre elles plus de 150 mégawatts. Tout cela parce que la partie transport n’a pas été traitée au moment opportun”.

LES REVENDICATIONS SYNDICALES
Le dernier volet de notre entretien concerne les revendications syndicales exprimées ces jours-ci par les employés de l’EDL, étayées d’une menace de grève. De quoi s’agit-il?
Ceci n’a rien à voir avec ce que font nos techniciens qui sont très compétents et travaillent jour et nuit avec des journées de 16 à 18 heures. Ils ont même travaillé 42 heures d’affilée pour assurer le rétablissement du courant après les frappes israéliennes. Malheureusement, la nouvelle échelle des salaires pour les offices autonomes - dont l’EDL - élaborée par le gouvernement ne tient pas compte du fait que nous sommes un service technique déployant un travail de nature dangereuse et à risques. Le syndicat des employés de l’EDL a certaines revendications concernant également les heures supplémentaires et des acquis tels le 13ème mois, ainsi que le mois de bonus pour la production figurant dans l’ancienne grille et occultés dans la nouvelle.
En ce moment, ils sont 2840 employés alors qu’ils étaient 4285 en 1985. Pourtant à titre comparatif, nous avions 600.000 clients; actuellement, nous avons plus d’un million d’abonnés; nous produisions 1000 mégawatts; aujourd’hui, notre capacité de production  va atteindre 2000 mégawatts. Ainsi, la clientèle a doublé. La production a doublé, pourtant le nombre d’employés a diminué de moitié. Et avec tout cela on refuse le paiement des heures supplémentaires.

Comment expliquez-vous cette diminution brusque du nombre des employés?
Il n’y a pas de diminution brusque. Cela est dû à deux facteurs: la moyenne d’âge de la retraite ramenée à 55 ans et l’interdiction d’embauche. Toutefois, le Conseil des ministres vient de nous autoriser à embaucher 300 personnes pour les centrales de Zahrani et Beddaoui et pour l’exploitation des centrales dont la maintenance était précédemment confiée à une société étrangère. D’après le décret-loi 13.537, notre cadre se compose de 5020 employés, cadre approuvé fin 1998. Or, nous n’avons maintenant que 2840 employés. Si j‘embauche 300 personnes, ce n’est pas suffisant pour les centrales actuellement en fonctionnement. Que serait-ce avec dix sous-stations nouvelles? Avec une seule équipe d’entretien, les sous-stations actuelles travaillent avec un seul wattman demeurant 24 heures sur 24 pour assurer l’exploitation, alors qu’il faut changer de wattman toutes les huit heures.

JEAN DIAB

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