Editorial



Par MELHEM KARAM 

I- LA GUERRE AU DAGHESTAN.. ET LE RETOUR DE L'EMPIRE
II- SCHRODER... ET LE DEBUT DE L'ECLIPSE RAPIDE

La Russie minimise l’importance de la guerre au Daghestan. Le Premier ministre, Vladimir Poutine, ancien chef du KGB, considère que le temps est pour la préparation des prochaines élections, la guerre du Daghestan étant très secondaire. Le ministre russe de l’Intérieur affirme: “Pas de nouvelle guerre dans le Caucase” et comme l’écrit la Presse russe, il importe au Kremlin de ne pas échouer aux élections. Aussi, étudie-t-il tous les scénarios, y compris la proclamation de l’état d’urgence et l’annulation des élections, le conflit autour du Daghestan lui procurant, pour cela, une occasion d’or.
Pour pouvoir gouverner, Boris Eltsine alimente les dissensions entre les deux parties, préférant la crise, parce qu’il garde la haute main sur l’ordre et la stabilité qui affaiblissent son rôle.
Les racines du conflit paraissent complexes, à l’instar de la situation au Daghestan, la petite république qui accueille trente nationalités, gouvernées par des collectivités politico-économiques liées, organiquement, à la mafia dont elles sont indissociables.
Et comme le dit le chef des rebelles islamistes tchétchènes, Chamil Bassaiev, l’objectif est facile à atteindre. Il est demandé d’aider à libérer les Daghestanais musulmans, dont la terre a été souillée par les “traîtres russes”. Il appelle à l’unité entre la Tchétchénie et le Daghestan.
La mosaïque des minorités habituées aux conflits sont: 1) dans la fédération russe qui comprend 89 d’entre elles, dont 21 républiques, 6 provinces, 49 zones, dix régions jouissant du régime d’autonomie, ainsi que des villes ayant un cachet fédéral: Moscou et Saint Pétersbourg. Dans chacune d’elles, un parlement légifère en dehors du cadre de l’autorité fédérale.
2) Le Caucase englobe des banlieues de Géorgie, d’Arménie et d’Azerbaidjan, de la fédération russe. Puis, le Nord que le régime communiste a réparti en sept républiques ayant été toujours un champ de conflits. Entre l’Ossétie et l’Ingouchie du Nord, l’état d’urgence a été proclamé de 1992 à 1995 entre les deux régions, après des affrontements dont des centaines de personnes ont été les victimes. Il y a aussi, la Tchétchénie indépendante, pratiquement, depuis la guerre avec Moscou entre 1994 et 1996. Enfin, il existe des tensions ethniques à Karatchaïevo et l’entité tcherkesse où la république a failli exploser en 1991 et se disloquer en quatre régions et Etats.
Après cela, la république au nord du Caucase est la région la plus importante par rapport à la fédération russe, Makhatchkala étant sa capitale. Elle compte deux millions d’habitants, la plupart étant des musulmans sunnites et 33 communautés de minorités nationalistes et religieuses. Ici, quarante à quatre-vingts pour cent des citoyens vivent sous le seuil de la pauvreté, la Russie couvrant 87% de leur budget. Un pipeline pétrolier la traverse ayant une grande importance stratégique et reliant la mer Caspienne à la mer Rouge.
Puis, le wahabisme, la partie authentique de l’Islam sunnite, a émergé au XVIIIème siècle, suite à une alliance entre Mohamed Ben Séoud et le prédicateur Mohamed Ben Abdel-Wahab, auteur de concepts sains, appelant à une franche interprétation du Coran et à l’unification des pouvoirs politique et religieux.
Serguei Aroutiounov, professeur à l’institut ethnique de l’Académie des sciences, dit que les Wahabites représentent entre 40 et 50.000 sujets. La vérité est que le nombre est plus élevé. Les Daghestanais ont essayé de les expulser, mais ont renoncé à leur tentative en raison de l’attachement de ces derniers à leur terre. Aroutiounov termine en ces termes: “Si Moscou ne fait rien et si la misère persiste dans cette région, nous verrons des milliers de jeunes Daghestanais sans travail et sans espoir, leur cœur étant déchiré par la corruption qu’ils rejettent, parce qu’elle risque d’étendre sa contagion à l’esprit des musulmans pieux et tel est le grand danger.
Je crains que l’ancienne mentalité impériale revienne à Moscou. Et, à ce moment, toute réforme s’avérera tardive. Il ne profitera à rien de pleurer celui qui est mort et de regretter ce qui est du passé.

- II -

Gerhard Schroder n’est ni Helmut Kohl, ni Helmut Schmidt, ni Conrad Adenauer, ni même Willy Brandt. Plus le temps s’écoule depuis son accès à la chancellerie en Allemagne, la régression s’affirme. Après la démission d’Oskar Lafontaine, la feuille de figuier est tombée. Puis, les élections européennes et son alliance avec Tony Blair ont été une catastrophe seulement pour eux, les socialistes ayant été les gagnants d’une manière flagrante en Europe.
Le grief formulé par les syndicalistes contre Schroder, soutenus par la base de son parti, est qu’il adopte une politique néo-libérale, laquelle est une continuité du communiqué conjoint qu’il a établi avec son homologue britannique au début du mois de juin dernier.
Le communiqué-document proclamé par les deux leaders de gauche ayant pour titre: “La route dans laquelle doivent s’engager les socio-démocrates européens”, invite à suivre une “troisième voie” située à mi-chemin entre le capitalisme ultra libéral et le libéralisme à outrance prô-né par les extrémistes, avec l’ingérence de l’Etat. Ce qui paraît comme une orientation rejetée, parce qu’elle affecte la liberté économique.
Alors que l’ancien chancelier Helmut Schmidt annonce dans l’hebdomadaire allemand “Die Welt”, que le document rédigé par Schroder et Blair n’améliorera pas les relations franco-allemandes, Paris y relève une leçon adressée à Lionel Jospin, Premier ministre socialiste français, gagnant aux élections.
Par rapport à son parti, Schroder est resté, comme il l’était auparavant, “le compagnon et l’ami des chefs d’entreprises”. Alors que les socio-démocrates s’entre-gorgent depuis plusieurs semaines à cause d’une proposition de loi réformatrice visant à assouplir l’impôt sur le revenu, présentée par Peter Struck, chef du bloc parlementaire socialiste allemand, les hommes d’affaires allemands applaudissent la fermeté de Schroder.
Le chancelier avait souscrit au projet de son adjoint qui a proposé un système fiscal sur la base de franges variant entre 15 et 35%. Cependant, il s’est ressaisi et n’a pas adopté la proposition de son ministre des Finances, Hans Eichel qui considère qu’une telle suggestion ampute le budget de l’Etat de cent milliards de marks, l’équivalent de 51,2 milliards d’Euros. De plus, il juge erroné son timing, parce qu’elle intervient au moment où il plaide en faveur de l’austérité, allégeant de 7% le budget de son département et invitant ses collègues à suivre son exemple.
Jusqu’ici, 47% des électeurs considéraient que Schroder avait un brillant avenir politique, mais ce chiffre a régressé jusqu’à 18% depuis quelques jours.
Les socio-démocrates voient que Schroder conduit son parti (le SPD), à la défaite, leur proportion étant de 45%, alors que 33% pensent qu’il progresse et va de l’avant.
Ce qu’il y a de plus frappant dans la confrontation au sein du parti, c’est que le groupe qui comprend Schroder et son ministre des Finances et de l’Economie, Werner Muller, s’expose à une attaque dirigée dans l’ombre par Oskar Lafontaine, connu pour sa pureté et sa fermeté. Celui-ci avait laissé le ministère des Finances au mois de mars dernier, après avoir été en conflit avec Schroder.
Ce n’est pas par coïncidence que Reinhard Klimmt, principal ministre de la Sarre que représentait Lafontaine, a fait cette déclaration: “Si la modernité et l’évolution signifient la renonciation à la justice sociale, je mets en garde tous mes camarades du parti”. 

Photo Melhem Karam

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