CELEBRATION DU CENTENAIRE DE YOUSSEF BEY KARAM A L'UNESCO
HOSS: ILL FUT UN CHEF COURAGEUX ET UN NATIONALISTE INTREPIDE

La séance oratoire ayant marqué le centenaire du décès de Youssef bey Karam s’est déroulée dans la grande salle de la cité de l’Unesco, sous le patronage du président Emile Lahoud qui s’est fait représenter par le chef du gouvernement, le président Nabih Berri ayant délégué à sa place, M. Jean Obeid, député du Liban-Nord.
Après l’hymne national et le mot de présentation de M. Joseph Kossayfi, membre du conseil de l’Ordre des journalistes, M. Hoss commence par évoquer le souvenir de tant d’hommes célèbres natifs du Liban-Nord. En plus de Youssef bey Karam, il cite les noms de Gebrane Khalil Gebrane, des présidents Sleiman Frangié et René Mouawad.


Le président Hoss à la tribune.


Le bâtonnier Issam Karam.

M. Fouad Turk.

L’uléma Mohamed Hassan el-Amine.

M. Mounah Solh.

“Youssef bey Karam, a dit le président du Conseil, a été le symbole de la dignité nationale. Son nom a émergé dans une phase parmi les plus délicates de l’Histoire du Liban et il a été au centre des événements durant plusieurs années sous le mandat du premier moutassarref, Daoud Pacha, avec lequel il a été en conflit pour des raisons nationales.”
Il rappelle que, dans la seconde moitié du siècle dernier, avant l’éclatement de la sédition en 1860, Youssef bey Karam a assumé des responsabilités politiques et administratives, se signalant par sa fermeté, son esprit de justice et son élévation au-dessus de l’esprit confessionnel, des dissensions communautaires et religieuses.
“Son action s’est caractérisée par son esprit démocratique, prenant le parti des paysans contre les féodaux. Les gens se sont attachés à sa personne, d’autant qu’il a su établir des relations cordiales avec les musulmans du Liban-Nord.
“Cependant, ajoute M. Hoss, il s’est heurté à trois instances ayant eu, alors, une grande influence: Daoud Pacha, le patriarche maronite Boulos Massaad et le Nonce apostolique, tous trois étant soutenus par l’autorité ottomane.... Aussi, a-t-il été persécuté et a passé une partie de sa vie en exil loin de sa patrie, de sa famille et de la terre qu’il chérissait par-dessus tout. Il lui peinait, surtout, d’entendre des propos pareils à cette réflexion qu’émettait à l’époque le consul de France: “L’homme d’Orient n’a pas de patrie; il se réclame de la religion à laquelle il appartient”.
Il était persuadé que “chrétiens musulmans et druzes peuvent vivre en parfaite entente, donc capables de cohabiter au sein d’une même nation, soumise à une même loi”. Ainsi, il a devancé l’Exhortation apostolique de S.S. Jean-Paul II, appelant les Libanais de toutes les communautés à coopérer dans l’intérêt national. De plus, il a engagé ses compatriotes à enseigner à leurs enfants la langue maternelle, “pour que le Liban ne soit pas une “Babel des langues”, mais la patrie de la liberté, de la démocratie et de la fierté”.
L’uléma Mohamed Hassan el-Amine dit que Youssef bey Karam a été l’épée du Liban et non seulement des maronites. “Il n’était pas un simple homme politique ou un leader local dans l’une des régions libanaises. Il œuvrait en faveur de la région arabe et était préoccupé par les problèmes de l’Orient.
 

Le président Salim Hoss accueilli 
par Me Issam Karam...

...et par M. Salim Karam.

“En examinant de près l’action de Youssef bey Karam face à l’occupation des Ottomans, on est surpris de constater que ce grand chrétien a milité en faveur de son pays et de la liberté de son peuple... Nous devons le prendre en exemple, aux fins de consolider les assises de notre patrie, d’autant qu’il nous a donné des réponses aux questions en rapport avec l’unité nationale et l’affiliation naturelle du Liban à son environnement arabe.”
Quant à M. Turk, il se félicite de ce que la patrie honore ses fils valeureux ayant combattu pour son indépendance et sa libération, dans un temps où il était difficile d’entreprendre une lutte à découvert sans risquer d’être poursuivi et persécuté.
“Youssef bey Karam a réalisé que son pays se trouve à une croisée des chemins dans cet Orient convoité de toutes parts. Aussi, n’a-t-il pas cessé de combattre les convoitises des conquérants et les invasions de ceux qui ont voulu empêcher ce petit pays de jouer son rôle de pionnier dans cette région et dans le monde.
Il a voulu faire de ce pays un point de rencontre des religions et des civilisations, dans une formule unique en son genre qui a été et restera un modèle de la vie en commun.”
M. Mounah Solh observe que, jusqu’ici, on a souvent évoqué le souvenir de Youssef bey Karam pour ses actes héroïques et ses prises de position courageuses. “Aujourd’hui, ajoute-t-il, on insiste davantage sur son action politique et les relations qu’il entretenait avec les leaders de son époque.
“Il fut, sans conteste, un homme politique et d’opinion. De plus, c’était un nationaliste se plaçant en permanence au-dessus des clivages d’ordre communautaire ou de classes. Il se distinguait par son esprit réaliste, en ce sens que tout en collaborant avec la puissance ottomane, il projetait déjà de tendre la main à son environnement arabe, d’où le message qu’il a adressé au congrès de Damas et, spécialement, au prince Abdel-Kader Al-Jazairly. Il y émettait le souhait de le voir unifier “Bilad Ach-Cham”, avant la chute de l’Empire ottoman, car si notre région n’était pas réunifiée, les étrangers feraient mainmise sur nos ressources et nous empêcheraient d’accéder à l’indépendance. Il préférait la solution arabe à la solution occidentale.
“Nous pouvons prendre conscience, aujourd’hui, de la justesse de sa vision et de ses craintes, maintenant que l’Occident a pris le parti d’Israël.”
Dernier à prendre la parole, Me Issam Karam qualifie Youssef bey Karam “d’incorruptible n’ayant pas pris sa place dans l’Histoire... parce que l’Histoire du Liban n’a pas encore été écrite. Car le Libanais connaît l’Histoire du monde, mais non la sienne... “Je ne suis pas pour l’unification du livre d’Histoire, parce que je suis contre le totalitarisme; avec le libéralisme et la liberté.
“La place de Youssef Boutros Karam est restée vide dans l’Histoire du Liban; aussi, est-il une personnalité angoissée dans l’Histoire libanaise, à l’instar de Selman At-Taher ou Selmane Al-Farissy ou Selman Bey dans l’Histoire de l’Islam... Comme le sont la plupart de nos personnalités, car une partie de leur vérité reste cachée, y compris Bachir Chéhab II.
“Pourtant, Youssef Boutros Karam fut un homme franc et transparent, ayant brandi l’épée face à quiconque voulait attenter à la patrie et déroger à la loi... Il a affronté les Ottomans, les cheikhs et les Français. A cause de ces derniers, il a démissionné du caïmacamat (des chrétiens) et fut le dernier caïmacam après Haïdar Abillama et son cousin, Bachir Abillama, parce que les Français, en accord avec Daoud Pacha, voulaient le remplacer par son adversaire Majid Chéhab à Jezzine, après l’avoir affecté au plus petit des gouvernorats.
“Il s’est brouillé même avec le patriarche maronite et préconisé la formation d’un Conseil communautaire maronite, afin que l’autorité ne soit pas accaparée par une seule personne.
“On dirait qu’il fut le fils de ce temps. Il s’est opposé au régime des deux caïmacamats, parce qu’il le jugeait sécessionniste et prélude à la partition, comme il a refusé le régime du moutassarifiat, parce qu’il visait à internationaliser le problème libanais.”
Le bâtonnier Karam retrace la lutte infatigable menée pendant des années par Youssef bey Karam avant de conclure: “Ce maronite pur et dur, ce Libanais sincère à l’esprit chevaleresque n’a pas eu peur de l’arabisme et n’a pas tourné le dos à l’islam... Abdel-Kader Al-Jazairly fut parmi les leaders avec lesquels il a engagé le dialogue, parce qu’il avait une prédilection à traiter avec un Arabe plutôt qu’avec un étranger, partant de son souci de préserver la terre des ancêtres et, dans ce domaine, il ne faisait pas confiance aux étrangers.


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