POUR LA TROISIEME FOIS EN MOINS D'UN MOIS
HARIRI S'ENGAGE A SOUTENIR LE REGIME. TIENDRA-T-IL SA PROMESSE?

En dépit des menaces de grève, cette semaine a connu une certaine accalmie ayant succédé à une nouvelle tension au plan politique, celle-ci a résulté du “meeting populaire” de Khiara (Békaa-ouest), à la faveur de la pose de la première pierre, par M. Rafic Hariri, d’une nouvelle université (libano-syrienne). Quelques jours plus tôt, le chef de l’Etat avait accordé une audience à l’ancien chef du gouvernement, pour une nouvelle explication autour des questions faisant l’objet de conflit entre la néo-opposition et le “Cabinet des 16”, notamment la nouvelle loi électorale dont le projet est en gestation.

Dans le même temps, M. Walid Joumblatt, leader du PSP, échangeait les vues avec le président Nabih Berri, en présence des membres du “Front de la lutte nationale”, bloc parlementaire de ce parti, autour des questions d’actualité. On sait que le leader druze se préoccupe d’obtenir une loi électorale susceptible de sauvegarder ses intérêts (électoraux) dans la montagne. Au cours de leur rencontre hebdomadaire de mardi, les présidents Lahoud et Hoss ont évoqué le tête-à-tête ayant rapproché, pour la troisième fois en moins d’un mois, le chef de l’Etat et M. Hariri. Le Premier ministre s’est contenté de déclarer en quittant le palais de Baabda: “Nous avons évoqué les questions intéressant la classe laborieuse et les menaces de grève. “Les indices sont positifs en ce qui concerne les mouvements protestataires, car ceux-ci se tasseront du moment que le gouvernement a promis d’examiner avec un esprit positif les revendications des travailleurs”. En ce qui concerne l’ordre du jour du Conseil des ministres (de mercredi dernier), le président du Conseil a précisé que les nominations (administratives) et le pourvoi aux postes vacants sont reportés à deux ou trois semaines, temps nécessaire aux organismes de contrôle pour présenter leurs rapports, un tel délai ayant été réclamé par le Conseil de la fonction publique. Interrogé sur la prochaine tournée de Mme Madeleine Albright, M. Hoss a dit que sa venue au Liban n’est pas encore confirmée et quant à ses résultats, a-t-il ajouté, il est prématuré d’en parler. Pour en revenir à la rencontre Lahoud-Hariri, les milieux proches du palais présidentiel insinuent que le chef de l’Etat s’est contenté de prendre note des “bonnes dispositions” de l’ancien chef du gouvernement, en s’accordant un certain délai pour juger du sérieux de ses engagements à aider le Pouvoir dans les circonstances présentes. Il est de notoriété publique, en effet, que si M. Hariri observe la trêve vis-à-vis de l’Etat, ses proches alliés ne manquent pas de partir en guerre contre le Pouvoir. On sait, à ce propos, que ceux-ci n’agissent qu’en parfaite coordination avec M. Hariri... Alors que le palais présidentiel est resté discret sur le nouvel entretien entre le président Lahoud et M. Hariri, la coterie de ce dernier a qualifié la rencontre de “positive et réaliste... pouvant être suivie de plusieurs autres à plus ou moins brève échéance”. En ouvrant la réunion du Conseil des ministres en son siège, place du musée, le président de la République a réaffirmé la cohésion du front interne face aux manœuvres d’Israël visant à perturber la sécurité et la stabilité du Liban. Il a dit, aussi, que l’attentat perpétré contre le responsable militaire du “Hezbollah”, n’affecte en rien la détermination des Libanais à poursuivre leur lutte contre l’occupant jusqu’à l’expulser du territoire national. “L’étape présente, a poursuivi le président Lahoud, exige l’unification des rangs et la conjugaison des efforts au plan intérieur”. De plus, il a mis l’accent, une fois de plus, sur “la nécessité pour l’opposition de maintenir son action dans un cadre foncièrement démocratique, loin des surenchères et de toute tentative visant à porter atteinte au moral de la nation, ce qui exige le relèvement du niveau du discours politique”. Le président Hoss a abondé dans le même sens, insistant sur “l’importance de la résistance dans les circonstances présentes et du maintien de l’action politique dans un esprit démocratique”. D’autant, a-t-il ajouté, que la prochaine tournée proche-orientale du secrétaire d’Etat US placera la région à un nouveau tournant pouvant engendrer de nouvelles données en rapport avec la libération de la terre et le destin national. C’est pourquoi, le Liban est tenu d’unifier sa position et de consolider le front intérieur. Cela suppose la concrétisation de l’entente nationale, sur la base du dialogue, de la compréhension et des constantes stratégiques”. Le président Nabih Berri avait déclaré, à l’issue de sa rencontre hebdomadaire avec le président de la République, que “le président Lahoud est ouvert à tous les Libanais, surtout dans cette étape qui exige des citoyens de mettre une sourdine à leurs susceptibilités et de se montrer vigilants face aux dangers qui les menacent, surtout au Liban-Sud”. Pour en revenir à la néo-opposition, les observateurs attendent de voir comment se comportera son chef de file, en l’occurrence M. Hariri. De fait, celui-ci promet à chaque rencontre avec le chef de l’Etat, de soutenir le régime; puis, laisse les moyens d’information qu’il contrôle ou subventionne, poursuivre leur cabale contre les responsables pour tenter de les discréditer. Si, disent ces observateurs, M. Hariri veut engager le dialogue avec le Pouvoir, qui l’en empêche? En réalité, il prétend se prêter au dialogue avec le palais de Baabda, mais non avec le Grand Sérail, ce qui paraît pour le moins paradoxal, le président de la République apportant sa caution et son appui au Premier ministre. A ce propos, il y a lieu de mentionner le fait pour M. Hariri d’avoir omis d’inviter les responsables à la pose de la première pierre de l’université de Khiara, arguant qu’il s’agissait d’un meeting politique de l’opposition (!). L’entretien que le Premier ministre syrien, Mahmoud Zohby a eu, au téléphone avec son homologue libanais, n’a pas eu l’heur de plaire à M. Hariri, d’autant que le chef du gouvernement syrien s’est formalisé de l’appellation de l’université (libano-syrienne) de Khiara et a émis le souhait que celle-ci soit modifiée... L’ancien président du Conseil a fait part de son désappointement au cours d’une visite qu’il fit au président Berri, lequel revenant à une récente déclaration de M. Lahoud, s’est prononcé en faveur d’un dialogue direct entre les loyalistes et les opposants, à l’effet de dissiper le climat de crispation, au moment où la conjoncture régionale doit pousser toutes les parties à resserrer les rangs. “Le chef de l’Etat est toujours prêt à s’acquitter de son rôle d’arbitre et, partant, à créer le climat propice à l’émergence d’une opposition constructive et à préserver les constantes nationales qui constituent une ligne rouge à ne pas dépasser”. Cependant, les cercles politico-parlementaires s’interrogent si un tel dialogue entre le Pouvoir et ses détracteurs est encore possible après le meeting de Khiara où les orateurs n’ont même pas cité le nom du président Lahoud... Ceci étant, peut-on espérer en une tendance à l’apaisement véritable? Il y a lieu de signaler, d’autre part, l’accueil hostile qui a été réservé au cortège de M. Hariri au village d’Al-Marj, où les habitants ont lancé des pierres sur les voitures, endommageant celle de M. Abdel-Rahim Mrad, allié de l’ex-Premier ministre. M. Hariri avait rendu hommage dans son allocution au rôle de la Syrie et aux excellentes relations qu’elle entretient avec le Liban, insinuant qu’il avait contribué activement à les asseoir sur des bases solides... Mais après la communication téléphonique entre MM. el-Zohby et Hoss, on prête à M. Hariri l’intention de se rendre à Damas pour dissiper tout malentendu que ses activités politico-populaires peuvent avoir causé, au point de refroidir ses rapports avec les responsables damascènes qui tardent, semble-t-il cette fois, à lui fixer un rendez-vous. Damas se serait formalisé du fait pour les Haririens d’avoir mobilisé les “nomades” de la Békaa et les nouveaux naturalisés pour rassembler le plus de monde à Khiara, alors que la circonstance ne s’y prêtait pas. Tout en ne se départissant pas de son sang-froid habituel, le président Hoss ne manque pas de répliquer aux opposants et s’emploie à faire accélérer l’élaboration de la nouvelle loi électorale et, surtout, le projet de budget de l’an 2000 pour qu’il puisse le déposer sur le bureau de la Chambre dans le délai constitutionnel. Pendant ce temps, la campagne contre l’implantation se poursuit au niveau des organisations civiles, la Ligue maronite ayant pris la relève, cette semaine. Au cours d’une conférence de presse, son président M. Pierre Hélou a insisté sur la nécessité pour l’Etat d’entreprendre une action d’envergure visant à empêcher la réalisation d’un tel projet.

NADIM EL-HACHEM

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