Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD
LA QUADRATURE DU CERCLE
 
Après la tentative de dictature de Kandil le Grand (président du Conseil National de l’Audiovisuel) et la gifle retentissante que lui a administrée le Conseil des ministres, on se demande, comme le faisait jadis le général de Gaulle de l’ONU, à quoi peut bien servir “ce machin”, à part encaisser des salaires, bayer aux corneilles et, de temps à autre, sortir une sottise monumentale.
Dieu merci, l’actualité politique a dépassé rapidement ce genre d’insanités pour se concentrer sur l’essentiel. A savoir:  la nouvelle loi électorale. C’est là, sur ce terrain que se situera la prochaine bataille qui promet non seulement d’être houleuse, mais de déchaîner de véritables tempêtes. Car, telle que définie - dans ses grandes lignes - par le président de la République, elle risque de remettre en jeu les acquis (bien mal acquis, il faut le dire) de ceux qui, depuis dix ans, se partagent les dépouilles de la république de 43.
Une des premières choses qu’ait déclaré le Premier ministre - en accord avec le chef de l’Etat - est que le gouvernement envisage une loi électorale qui permette une meilleure représentativité, une meilleure fusion entre les différentes communautés et une égalité parfaite pour tous dans le mode de scrutin. Autrement dit, plus de ces jongleries et autres tricheries dans lesquelles se sont vautrés à cœur joie et sans vergogne, les gouvernements précédents et où les grosses légumes se sont taillé de véritables fiefs féodaux.
Il est certain que pas un Libanais (je ne parle pas des gros bedons avec leur cour et leur basse-cour) ne s’inscrirait en faux contre un tel projet. Mais chacun se rend compte qu’il ne s’agit là que d’un vœu pieux. Car, il est impossible d’allier une parfaite repré-sentativité à une juxtaposition de com-munautés. Il y aurait toujours une com-munauté qui se sentirait spoliée, voire bernée et qui parmi les élus ne reconnaîtra pas les siens.
C’est ce qui ne manquera pas d’arriver, disent les tenants de la petite circonscription, si l’on privilégie le mohafazat. Pour eux, le caza serait la seule solution en mesure d’assurer une véritable représentativité, quitte à ce que les élus opèrent eux-mêmes au sein du parlement, cette fusion commu-nautaire qui permettrait un jour de supprimer le confessionnalisme politique. Ce à quoi les “mohafazistes” (si on peut les appeler ainsi) rétorquent que la formule du caza compartimenterait la population, de telle sorte que la perspective d’un éventuel non-confessionnalisme national serait sinon une illusion, du moins hors de portée dans un avenir prévisible.
Que décidera le gouvernement? Personne ne le sait tant le Premier ministre est épouvanté à l’idée de faire un faux pas. Quant au reste de la classe politique, chacun tente de tirer la couverture de son côté, en avançant les arguments qui serviraient le mieux ses intérêts.
M. Walid Joumblatt, par exemple, ne veut pas entendre parler de mohafazat, car il risque de perdre dans cette mare aux diables, son stock de députés. M. Berri, par contre, serait miniaturisé dans le cadre du caza et y laisserait à la fois ses plumes et la majeure partie de son contingent de beni-oui-oui. M. Hariri, de son côté, voudrait récidiver et réussir son coup de poker des dernières élections, pour revenir - dans le cadre du tout-Beyrouth - avec une cour de Louis XIV. M. Michel Murr, lui, a déclaré, au cours d’un récent talk-show, qu’il s’en fiche (pas en ces termes bien sûr) du moment qu’il possède un capital de 30.000 voix dont il peut disposer comme bon lui semble. Voilà qui annonce pour notre Napoléon de l’Intérieur un nouveau soleil d’Austerlitz. Mabrouk à l’avance.
Alors que faut-il faire? Faut-il privilégier les grosses circonscriptions où les gros poissons auraient beau jeu de manger les petits et marginaliser des minorités entières? Ou bien faut-il diviser le pays là en cazas, ailleurs en mohafazats, agiter le tout et sortir finalement une Chambre qui serait le sosie de celles qui l’ont précédée et d’où n’émergeraient - à seule fin de justifier la règle - que quelques rares exceptions, telles Nassib Lahoud ou Boutros Harb?
Allons-nous savoir, avec un délai raisonnable, comment, quand et pour qui nous allons voter, ou bien nous laissera-t-on nous enliser dans les fausses rumeurs jusqu’à la dernière minute? Cela est bien possible pour peu que nos dirigeants aient lu Sir Winston Churchill qui écrivait: “En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle a besoin d’être protégée par des mensonges”. 

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