LE SOUVENIR DE MIKHAIL NOUAIMAE COMMEMORE A CHAKHROUB ET BASKINTA

Pour commémorer le souvenir de Mikhaïl Nouaïmé, un buste a été érigé à l’effigie du célèbre penseur et homme de lettres à Chakhroub, près de Sannine.
 

MM. Traboulsi, Haddad et Chalak devant
le buste de Nouaïmé à Chakhroub.
 
Le monument a été inauguré au cours d’une cérémonie officielle à laquelle ont assisté: MM. Sleimane Traboulsi, ministre des Ressources hydrauliques et électriques; Antoine Haddad, député et Hassan Chalak, ministre de la Réforme administrative, représentant, respectivement, le chef de l’Etat, les présidents de la Chambre et du Conseil.
On notait, également, la présence des députés de la circonscription; du colonel Armand Tabchi, représentant le commandant en chef de l’Armée; MM. Auguste Bakhos, Michel Samaha, anciens parlementaires; Ghaleb Ghanem, magistrat; du R.P. Boulos Wehbé, représentant Mgr Elias Audé, métropolite de Beyrouth; du président et des membres du conseil municipal de Baskinta.
Après l’hymne national, le Dr Nadim Nouaïmé, fils de l’écrivain disparu, a fait état du désir de son père d’être inhumé à Chakhroub, devenu un lieu de pèlerinage où affluent tant de visiteurs.
Puis, M. Traboulsi a remis à l’artiste sculpteur Assaf, qui l’a remis, à son tour à son collègue Aref Rayès (ami de la famille Nouaïmé), lequel a exécuté le buste de l’homme de lettres: il s’agit de 10.000 dollars attribués par le propriétaire de la librairie Antoine, Pierre Naufal, éditeur des ouvrages de “L’ermite du Chakhroub”.
Puis, une séance oratoire a été organisée dans la cour de l’église St-Joseph à Baskinta, où MM. Georges Ghanem, président de la municipalité, a évoqué le souvenir et l’œuvre du grand disparu, suivi de M. François Hobeika qui a parlé au nom des clubs et des associations du caza.
Enfin, un texte de Nouaïmé enregistré de sa voix, a été diffusé, en plus de poèmes et d’hymnes de sa composition.
 

Une vue de la cérémonie prise dans la
cour de l’église St-Joseph, à Baskinta.
 
MIKHAIL NOUAIME (1889-1989)

Dans une cabane retirée et modeste, creusée dans le roc à Chakhroub, Mikhaïl Nouaïmé, penseur dont le nom peut être cité parmi les maîtres de la prose littéraire arabe, a écrit des œuvres qui attestent une force de l’esprit, une vaste connaissance et une puissance de travail peu communes.

D’une famille relativement modeste, il vit le jour le 17 octobre 1889 à Baskinta, localité riante et paisible, au pied de Sannine. Son père Youssef partit en 1890 pour les Etats-Unis afin de fuir le despotisme ottoman et s’installa en Californie. Le petit Mikhaïl élevé par sa mère, un enfant timide et intelligent, fit ses études primaires à l’école du village.
En 1899, le tsar de Russie envoie des missionnaires fonder des écoles gratuites russes dans différentes régions du Proche-Orient et au Liban. En 1902, Mikhaïl Nouaïmé débute ses études secondaires et pédagogiques à l’Ecole normale de Nazareth. Puis, il se rend en Russie où il suit des études théologiques et philosophiques au séminaire de Poltava. Il cultive, ainsi, la poésie, rompt avec la théologie et se fait remarquer par le “Fleuve Gelé (1910). Coloriste, il peint les régions et les lieux féeriques de Russie.
A 19 ans, il lit les chefs-d’œuvre des grands penseurs russes: Tolstoï, Dostoïevski et Gogol. Nouaïmé rêve de s’inscrire à la Sorbonne, mais son plan échoue et il part avec son frère pour les Etats-Unis en 1911. Une fois en Amérique, il se consacre à l’étude de la langue anglaise et s’inscrit à l’université de Washington. En 1916, il quitte l’université avec une licence en Droit, rejoint en France l’American Légion et assiste à de terribles batailles sur le front franco-allemand.
En 1919, il revient à New York où il fonde avec Gebrane Khalil Gebrane, Rachid el-Khoury, Arida, Haddad et Abou-Madi le groupe littéraire: “Al-Rabitat Al Kalamia”. Ce fut le début de sa vocation littéraire. Cette période dura de 1920 à 1935. Rentré au Liban en 1912, Nouaïmé élabore une œuvre littéraire et philosophique dont le thème central est le “marxisme spiritualiste”.
Son activité intellectuelle est polyvalente. La critique et l’ironie ne sont pas absentes de ses réflexions. L’amour éveille en lui un sentiment noble et tendre.
Son idée de la femme porte une empreinte de respect chaste. Si, à son avis, l’homme est supérieur par l’esprit et le  caractère, la femme a pour elle la beauté et la vertu. Les souvenirs de Nouaïmé sont passionnants. Il n’y faut pas chercher un récit complet et suivi, ni un simple document biographique. Ses contes sont imbibés de réalité et d’enchantement. L’impression qui s’en dégage est celle de l’aisance et du naturel. La phrase se déroule lentement comme un fleuve limpide. Son style est le reflet de sa personnalité profonde; il en exprime les éléments essentiels, la netteté de l’intelligence, la valeur des aperçus, la richesse de l’imagination. Avec quel amour Nouaïmé n’a-t-t-il pas parlé de sa localité natale, de sa cabane à Chakhroub isolée dans la montagne au milieu des rochers! Il était le parfait trait d’union entre ses compatriotes émigrés et leurs parents restés au pays. Nouaïmé a connu la terreur des Ottomans, la famine, l’émigration, la guerre mondiale. C’est un homme de cœur croyant en l’immortalité de l’âme. On peut le considérer comme un grand critique littéraire, un poète, un dramaturge et un penseur à la fois. Son œuvre est considérable et embrasse une grande variété de genres et de sujets. En voici quelques-unes:
“Al-Ghorbal”, “Gebrane Khalil Gebrane”, “Karm Ala Darb”, “Fi Mahab Al-Rih”, “Mirdad”, “Al-Yom al-Akhir”...
Considéré comme l’intelligence la plus ouverte et la plus fine de notre ère littéraire arabe, Nouaïmé est mort en 1989. 

JOSEPH SOKHN

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