BOUTEFLIKA ET LA
CARTE DE LA DEMOCRATIE ET DE LA TRANSPARENCE
La
rare proportion du soutien intensif (98,6%) obtenue par le président
Bouteflika, lui a donné un blanc seing, de la part de tous les Algériens,
d’agir comme il le veut et défait, d’une manière écrasante,
tous les extrémistes. Cette nouvelle situation exige du Président
de se mettre au travail et de passer à l’action rapide, pour ne
pas perdre la confiance des citoyens qui ont hâte d’instaurer la
sécurité et la paix. Il se doit de consolider la sécurité
et de s’attaquer avec la même vigueur au chômage qui sévit
en Algérie, à la corruption et à l’analphabétisme,
trois fléaux dont se plaignent les Algériens. Ils ont donné
cette grande confiance à leur président pour qu’il les en
débarrassent. Cependant, cette action, celle des géants,
attend un homme de la trempe de Bouteflika, pour ramener la sécurité
à une patrie minée pendant sept ans par la guerre civile.
Il est demandé au président
Bouteflika de nommer un nouveau gouvernement, jeune, moderne, révolutionnaire,
formé de rénovateurs, après son retour de New York
où il a participé à la 54ème session de l’Assemblée
générale des Nations Unies et prononcé le mot de l’Algérie
rassurée, restituant au peuple algérien son bien-être.
Les résultats ont provoqué une
liesse générale, manifestée par la rue et les intellectuels.
Trois hommes de lettres ont écrit sur cette nouvelle situation:
Bou-Alem Sansal, Yasmina Khadra et Suleiman Ben Issa.
Bou-Alem Sansal a dit: “L’Algérie est
le pays où la terreur sévit le plus au monde”. Il est l’auteur
du livre: “Le serment des Berbères” consignant toute sa haine et
son amertume. Mais cette fois, il constate que la situation va vers le
mieux-être. Six écrivains se sont réunis pour publier,
sur cet événement historique dans la vie de l’Algérie,
un livre devant paraître au début de novembre. C’est une nouvelle
génération d’écrivains faisant exploser tous ses talents
et potentialités. Une génération ayant trempé
sa plume dans l’encre noire des romans policiers, pour qui la langue française
est sa seconde patrie.
Bou-Alem Sansal est un haut fonctionnaire. Son
nom figure sur la liste établie à l’occasion du Nouvel An,
parmi les candidats aux prix “Goncourt”, “Médicis” et “Fémina”.
Son ouvrage: “Le serment des Berbères” édité par la
maison Gallimard, a produit de grands remous et a été vivement
critiqué. Mais le comité littéraire d’arbitrage l’a
inscrit parmi les “auteurs surdoués”.
Quant à Yasmina Khadra, elle a émergé
sous la forme de torpillage des traditions et écrit des romans policiers:
“Le duo blanc”, en 1997; “L’Automne des illusions”, en 1992 et “Mory Tory”
en 1999, condamnant l’extrémisme en Algérie. Son nouveau
livre: “A quoi pensent les loups!” édité par la maison Julliard,
témoigne de tant de courage, que les amis de Yasmina lui demandent
si elle reste cachée et méfiante, car pour la première
fois, elle se fait connaître et révèle son sexe féminin.
Auparavant, elle écrivait sous des pseudonymes à consonance
masculine.
Suleiman Bin Issa qui a été contraint
à l’exil, est un homme de théâtre. Il publie son premier
ouvrage en France: “Les fils de l’amertume” où il présente
la société algérienne avec toutes ses souffrances
et ses drames.
Que disent ces trois livres?
Ils parlent de la violence, naturellement et,
aussi, des sentiments mondiaux: l’amour, l’amitié, la rancune. Où
sont les nouveaux talents et comment vivent-ils en tant qu’écrivains
dans leur pays? Quelle conception se font-ils de la société?
Yasmina Khadra attaque l’extrémisme, montrant
comment les islamistes égorgent de leurs mains un peuple triste
et désespéré. Ben Issa brosse un tableau retraçant
la face d’une génération abattue dans son livre: “Les fils
de l’amertume”. Il établit un parallèle entre le sort du
journaliste et du terroriste, disant “qu’une partie de nos expériences
algériennes, ne peut être traduite qu’en français”.
Il adopte cette allégation pour mentionner la profondeur des mots,
face à une situation politique et historique parmi les plus mauvaises
et les plus perplexes. Il dessine d’une manière flagrante, un tableau
d’une génération persécutée et égorgée,
n’ayant connu dans son existence que la botte.
Le président Bouteflika sait que la trêve
ne durera pas et qu’en contrepartie de l’unanimité de la part du
peuple, il lui est demandé des prises de position décisives.
La paix civile doit régner, la gestion d’une société
algérienne ayant été marquée par sept années
de terrorisme sanglant, exigeant une solution, un arrangement, une entente
et une protection. Elle se doit de concilier entre deux projets contradictoires
de la société: le projet démocratique renouvelé
et le projet islamique, tous deux étant séparés par
dix générations d’éloignement.
Bouteflika parie sur le temps court, tout en
sachant que les Algériens rejettent l’extrémisme islamique.
Lui-même a proclamé qu’il n’y a pas de place aux islamistes,
ni une possibilité de les abriter en Algérie.
Cependant, d’un autre côté, tout
porte à croire que c’est un devoir de récupérer les
tenants de ce courant politique qui réalise une grande régression
et dont le sort touche à sa fin.
Le Président parie, peut-être, sur
les fonds substantiels que lui octroieront les Etats arabes riches, surtout
les pays du Golfe, lesquels savent que l’Algérie a un besoin pressant
d’argent, pour relancer son économie en état d’effondrement.
Il craint que l’aggravation de la crise sociale, le porte à accorder
certaines concessions pour intégrer les islamistes qui, tout en
enregistrant une grande faiblesse, n’ont pas perdu toutes leurs cartes,
ni toute leur capacité de causer du préjudice et du sabotage.
L’important est que Bouteflika sait que ceux
qui lui ont accordé cette confiance, réclament en contrepartie
et le plus rapidement possible, des résultats palpables. Deux millions
de chômeurs emplissent les rues d’Algérie, l’austérité
imposée par le Fonds Monétaire international s’étant
traduite par le licenciement de 460.000 salariés, la fermeture de
mille et dix usines et institutions, en plus d’un service de la dette de
30 milliards de dollars, épongeant plus de la moitié du revenu
provenant des exportations de l’Algérie, tout en suscitant le doute
sur la possibilité de trouver des emplois.
En bref, le président Bouteflika s’oriente
vers l’Europe, spécialement vers la France, face aux Etats-Unis
qui se sont assuré une grande présence au Maroc. Pour cela,
il a défendu la France et l’imminence de son amitié, lors
du sommet de l’Organisation de l’unité africaine ayant tenu ses
assises à Alger, en vue d’un monde multipolaire.
Les cartes qu’il est en mesure de jouer: une
capacité industrielle n’ayant pas sa pareille dans le monde arabe,
s’il travaille en-deçà de ses capacités véritables
et dans les richesses au plan de sa capacité minérale, celle-ci
ne répondant pas aux besoins, car leur estimation ne s’effectue
pas d’une manière équitable. Ajouter à cela un espace
agricole utile, capable de satisfaire les besoins du peuple, grâce
à l’importation du soutien technologique d’Europe, prenant en charge
une main-d’œuvre jeune, capable et apte à se réhabiliter.
Le président Bouteflika fera face à
la vérité, une vérité sociale que les optimistes
et les pessimistes à la fois qualifient de bombe à retardement,
tardant toutefois à exploser. Si les salariés dans les grandes
zones industrielles à Alger, Oran et Annaba décident d’observer
une trêve sociale, c’est parce qu’ils sont réservés
et méfiants sur ce qu’a dit le président Bouteflika, à
savoir: “mettre un terme aux menaces qui surchargent le monde de l’emploi.”
“Ne comptez pas sur moi pour achever un patient
qu’il est possible de sauver, même dans son état désespéré”,
a dit Bouteflika, en réponse à une question sur les institutions
algériennes appelées à déposer leur bilan et
à proclamer leur faillite. Cependant, cette expression a été
suivie d’une autre rassurante, invitant les Algériens à retrousser
leurs manches et à se mettre au travail. Selon Bouteflika, on ne
peut pas toujours compter sur l’Etat, car l’Etat-Providence n’existe plus.
Tout le problème de Bouteflika réside
en ce qu’il veut dessiner une Algérie séduisante en tout
premier lieu. Aussi, a-t-il fait précéder le référendum
autour de “l’entente et de la sécurité”, d’une formule étudiée
et stable.
Ceux qui ont l’audace de contredire le Président,
ont-ils une place après le 16 septembre en Algérie? Et face
aux problèmes qui attendent le chef de l’Etat algérien et,
spécialement, à la gravité de la crise sociale?
Le jour où prendra fin l’étape
de la trêve que lui accordent les Algériens, le président
Bouteflika pourra-t-il s’opposer aux démons d’un régime qui
en est à l’âge des bourgeons, alors qu’apparaîtront
bien des facteurs le poussant à restreindre les libertés?
A commencer par la liberté d’expression, l’opposition étant
affaiblie, ce qui constitue une cause de l’inquiétude politique
sur un avenir proche, comme ils le pensent en Algérie.
Sauf si le président algérien surprenait
de nouveau la société, par une réalisation et une
prise de position prééminentes, comme il l’a fait jusqu’ici,
en jouant la carte propre, sereine et efficace: la carte de la démocratie
et de la transparence. |
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