![]() Les pro-indépendantistes ont réservé un accueil triomphal aux soldats de la paix. |
![]() Accueil chaleureux à Darwin pour Xanana Gusmao, futur président de Timor-Est. |
L’usage de la force étant autorisé par le chapitre 7 de
la charte de l’ONU, l’Interfet devra être en mesure de se défendre
et de neutraliser les milices qui avaient menacé de manger “le cœur
de ceux qui viennent au Timor oriental”.
S’attendant au pire, ayant effectué, la veille du déploiement
de ses troupes, une visite-éclair à Dili en compagnie du
général Songkitti Jaggabatra, commandant en second thaïlandais
et dirigeant du contingent asiatique, le général Crosgrove,
un ancien du Vietnam, “soldat professionnel coriace et intransigeant” avançait
à pas mesurés sur un terrain miné et “très
risqué”. Si les milices avaient disparu de Dili, elles se sont retirées
dans l’arrière-pays et ont établi leurs quartiers généraux
aux frontières du Timor occidental où elles sèment
la terreur et d’où elles pourraient mener des opérations
de guérilla.
Mais la surprise du général Cosgrove a été
double. Tout d’abord, il s’est félicité de la coopération
de “première classe” des militaires indonésiens qui ont entamé
leur retrait. Ensuite, il a assisté au débarquement pacifique
de l’avant-garde de ses troupes.
Tandis que neuf navires de la Force multinationale avaient quitté
deux jours auparavant Darwin au nord de l’Australie pour croiser au large
du Timor-Est, la première vague de l’Interfet, un commando de 75
soldats australiens, néo-zélandais et britanniques dont les
célèbres Gurkhas, atterrissait à 06h45, heure locale
à l’aéroport de Dili à bord d’un C-Hercules de l’armée
de l’air australienne. 15 vols devaient permettre le débarquement,
tout au long de la journée de lundi, de 2.500 soldats dont le nombre
atteindrait les 3.500 en quelques jours. Au total quelque 7.500 soldats
(dont 4.500 australiens) seraient opérationnels dans l’île
qui attend sa libération depuis 24 ans.
![]() Soldat australien menaçant un milicien de ses armes. |
![]() Les soldats australiens lourdement armés patrouillant à Dili. |
Les soldats déployés à l’aéroport et dans les principales artères de Dili n’ont retrouvé dans une ville saccagée, incendiée, pillée que quelque 10.000 habitants sur les 200.000 qui s’y trouvaient lors du référendum du 30 août. C’étaient les derniers des Mohicans qui avaient résisté à la terreur des milices soutenues par l’armée indonésienne, tandis que 600.000 de leurs compatriotes avaient fui leurs demeures pour se réfugier de gré ou de force soit au Timor-Ouest, soit dans leurs montagnes et leurs jungles, ces derniers secourus tout récemment par le largage de vivres. Nombre d’entre eux ont été acheminés vers les autres parties de l’archipel et pourraient faire l’objet de chantage de la part des autorités agitées actuellement par une vague de contestation.
Le président indonésien Yusuf Habibie était convoqué
par le parlement indonésien, afin de justifier la politique qu’il
avait suivie au Timor-Est et que les Indonésiens rechignent à
ne plus considérer comme leur “27ème province”. Le mouvement
d’indépendance pourrait donner le signal du démembrement
de l’archipel de 17.000 îles, 206 millions d’habitants, 300 groupes
ethniques. Le vent de la révolte souffle déjà sur
Aceh, l’Iryan Java, Bornéo, les Moluques. Et les forces de l’armée
qui tente d’y mettre de l’ordre risquent de s’y trouver débordées.
Les responsables des massacres, avec peut-être sur leurs mains, le
sang “de dizaines de milliers de morts”, ne devraient pas s’en tirer à
bon compte. Un tribunal international pourrait être formé
à l’image de ceux portant sur les crimes en ex-Yougoslavie et au
Rwanda. Mary Robinson, haut-commissaire des Nations Unies pour les droits
de l’homme, en est l’ardent défenseur. La commission des droits
de l’homme, va tenir cette semaine une session extraordinaire à
Genève pour plancher sur ce douloureux dossier qui réserverait
bien des surprises. PAR
EVELYNE MASSOUD