LA PAIX DE L'INTERFET AU TIMOR ORIENTAL

"Tous les soldats qui participent à cette mission sont très entraînés et ceux qui ont proféré des menaces à notre encontre feraient bien d’y réfléchir à deux fois avant de s’attaquer à nous”, avait menacé le général australien Peter Cosgrove qui commande l’Interfet, la Force multinationale pour le Timor oriental composée de 7.500 soldats et mandatée par le Conseil de sécurité, en vertu de la résolution 1264 pour rétablir la sécurité au Timor oriental et y protéger la population civile.
 


Les pro-indépendantistes ont 
réservé un accueil triomphal 
aux soldats de la paix.

Accueil chaleureux à Darwin pour Xanana 
Gusmao, futur président de Timor-Est.

L’usage de la force étant autorisé par le chapitre 7 de la charte de l’ONU, l’Interfet devra être en mesure de se défendre et de neutraliser les milices qui avaient menacé de manger “le cœur de ceux qui viennent au Timor oriental”.
S’attendant au pire, ayant effectué, la veille du déploiement de ses troupes, une visite-éclair à Dili en compagnie du général Songkitti Jaggabatra, commandant en second thaïlandais et dirigeant du contingent asiatique, le général Crosgrove, un ancien du Vietnam, “soldat professionnel coriace et intransigeant” avançait à pas mesurés sur un terrain miné et “très risqué”. Si les milices avaient disparu de Dili, elles se sont retirées dans l’arrière-pays et ont établi leurs quartiers généraux aux frontières du Timor occidental où elles sèment la terreur et d’où elles pourraient mener des opérations de guérilla.
Mais la surprise du général Cosgrove a été double. Tout d’abord, il s’est félicité de la coopération de “première classe” des militaires indonésiens qui ont entamé leur retrait. Ensuite, il a assisté au débarquement pacifique de l’avant-garde de ses troupes.
Tandis que neuf navires de la Force multinationale avaient quitté deux jours auparavant Darwin au nord de l’Australie pour croiser au large du Timor-Est, la première vague de l’Interfet, un commando de 75 soldats australiens, néo-zélandais et britanniques dont les célèbres Gurkhas, atterrissait à 06h45, heure locale à l’aéroport de Dili à bord d’un C-Hercules de l’armée de l’air australienne. 15 vols devaient permettre le débarquement, tout au long de la journée de lundi, de 2.500 soldats dont le nombre atteindrait les 3.500 en quelques jours. Au total quelque 7.500 soldats (dont 4.500 australiens) seraient opérationnels dans l’île qui attend sa libération depuis 24 ans.
 


Soldat australien menaçant
un milicien de ses armes.

Les soldats australiens lourdement 
armés patrouillant à Dili.

Les soldats déployés à l’aéroport et dans les principales artères de Dili n’ont retrouvé dans une ville saccagée, incendiée, pillée que quelque 10.000 habitants sur les 200.000 qui s’y trouvaient lors du référendum du 30 août. C’étaient les derniers des Mohicans qui avaient résisté à la terreur des milices soutenues par l’armée indonésienne, tandis que 600.000 de leurs compatriotes avaient fui leurs demeures pour se réfugier de gré ou de force soit au Timor-Ouest, soit dans leurs montagnes et leurs jungles, ces derniers secourus tout récemment par le largage de vivres. Nombre d’entre eux ont été acheminés vers les autres parties de l’archipel et pourraient faire l’objet de chantage de la part des autorités agitées actuellement par une vague de contestation.



 
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Le président indonésien Yusuf Habibie était convoqué par le parlement indonésien, afin de justifier la politique qu’il avait suivie au Timor-Est et que les Indonésiens rechignent à ne plus considérer comme leur “27ème province”. Le mouvement d’indépendance pourrait donner le signal du démembrement de l’archipel de 17.000 îles, 206 millions d’habitants, 300 groupes ethniques. Le vent de la révolte souffle déjà sur Aceh, l’Iryan Java, Bornéo, les Moluques. Et les forces de l’armée qui tente d’y mettre de l’ordre risquent de s’y trouver débordées.
Les responsables des massacres, avec peut-être sur leurs mains, le sang “de dizaines de milliers de morts”, ne devraient pas s’en tirer à bon compte. Un tribunal international pourrait être formé à l’image de ceux portant sur les crimes en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Mary Robinson, haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, en est l’ardent défenseur. La commission des droits de l’homme, va tenir cette semaine une session extraordinaire à Genève pour plancher sur ce douloureux dossier qui réserverait bien des surprises. PAR EVELYNE MASSOUD


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