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UN HOMME QUI AONNAIT LA MUSIQUE | ||
A
la veille de sa visite à Paris, la semaine dernière, M. Ehud
Barak a donné au journal “Le Monde” (daté du 22 septembre)
une grande interview tout à fait éclairante sur ses objectifs
et sur ses méthodes. Il y apparaît sous un jour séduisant
de partisan convaincu de la nécessité de la paix comme fondement
de la sécurité d’Israël, à ses propres conditions
évidemment, mais en témoignant d’une certaine ouverture d’esprit
à l’égard des exigences de ses partenaires arabes. Il se
pose, aussi, en rassembleur des diverses tendances de la société
israélienne pour consolider sa position de négociateur de
la paix. Ainsi, usant d’un vocabulaire de psychanalyste, il parle de la
possibilité d’une “catharsis” à propos des difficultés
qui peuvent surgir au sein de sa coalition gouvernementale.
Enfin, il se présente en amateur de grande musique consacrant ses soirées libres à jouer de son instrument favori, le piano. Il ne manque pas non plus, à cette occasion, de relancer son slogan habituel: “Il faut être deux pour danser le tango.” On peut se demander pourquoi il a choisi l’exemple de cette danse lascive plutôt que la valse dont on peut attendre une autre espèce de vertige. Mais cette dernière a peut-être le défaut d’être d’origine germanique... et de vous faire tourner en rond. Le tango, ce serait plutôt un pas en avant et un ou deux pas en arrière, tout à fait la bonne manière de négocier pour Israël. *** On ne voit pas quel dirigeant arabe pourrait se targuer de jouer d’un
instrument de musique et d’interpréter une polonaise de Chopin (la
“militaire”), précise M. Barak, comme pour souligner le genre qu’il
goûte le plus et le domaine où il entend garder la supériorité
de son pays. Cela me rappelle une boutade jadis attribuée au Premier
ministre du général De Gaulle, M. Michel Debré: “La
seule musique que je comprenne est la musique militaire.”
*** Plaisanterie à part, il faut reconnaître que M. Barak semble
maîtriser avec réalisme la plupart des données politiques,
militaires, religieuses, sentimentales et historiques du conflit israélo-arabe.
Cela nous change beaucoup du style Netanyahu sans nous avancer davantage.
A cet égard, il montre bien qu’il n’a effectivement pas besoin de
subir des pressions pour mieux comprendre la situation. Il reconnaît,
en particulier, que les Palestiniens ont souffert d’une grave injustice.
S’il est prêt à réparer cette injustice, c’est seulement
en garantissant la sécurité d’Israël par un ensemble
de limitations territoriales, militaires et politiques au futur Etat palestinien.
*** On peut parler, désormais, d’une méthode Barak pour réussir
à établir la paix entre Israël et ses voisins. Cette
méthode repose, d’une part, sur la marginalisation des interventions
extérieures (ONU, Etats-Unis, Europe). En d’autres termes, il s’agit
de sortir le vieux conflit de Palestine du jeu des puissances où
il était enfermé depuis plus de cinquante ans. Et, d’autre
part, de fonder le dialogue entre Israël et ses voisins sur un effort
de compréhension mutuelle pour créer un climat de confiance.
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