Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD
QUAND LA MAGISTRATURE EST PRISE DE FRISSONS
Nous vivons, désormais, dans la crainte perpétuelle de voir à chaque lever de soleil un pétard nous sauter au nez.
Il faut dire qu’au Liban la vie, depuis quelque temps, est riche en rebondissements de toutes sortes. C’est tantôt un ministre que l’on envoie méditer en prison sur les désavantages de se laisser pousser en première ligne avec consigne de se taire, tantôt les charges retenues contre un directeur général de l’Archéologie, charges  qui rendent du même coup suspect tout possesseur d’une cruche en argile ou d’un bas-relief en plâtre, tantôt un autre directeur, celui du téléphone, qui est saisi au vol (c’est le cas de le dire) au moment où il jouait la fille de l’air...
Cela, sans compter l’étrange déchaînement d’une opposition qui, avec toute l’arrogance de celui qui a tort, impute à l’infortuné Dr Hoss tous les péchés que leurs ténors ont eux-mêmes commis. En somme, une vie d’où toute monotonie semble bannie. Tout se déchaîne à la fois. C’est de l’outrance, peut-être, mais c’est le jeu. Et nous faisons, malgré tout, avec. Mais ce qui se passe du côté de la magistrature, c’est de la triche et il n’est pas question que nous fassions avec. L’opinion publique a beau s’être avachie, elle n’est pas devenue amorphe au point de gober toutes les couleuvres qu’on veut bien lui faire avaler. Car, quand le 3ème pouvoir est pris de frissons, c’est nous tous qui avons la fièvre.
A l’origine, l’affaire est assez simple et n’aurait jamais dû sortir du cadre administratif. Il s’agissait, en fait, d’une controverse quant à l’interprétation de ses prérogatives qui opposait le procureur général de la République M. Adnan Addoum à M. Walid Ghomra, président de l’Inspection judiciaire. Il était donc normal de soumettre le dossier au Conseil Supérieur de la Magistrature pour trancher en dernier ressort.
C’est  M. Mosbah Ahdab qui devait porter le débat sur la scène politique par le truchement d’une question écrite. Est-ce à dire que c’est le député de Tripoli qui a orchestré le scandale (si scandale il y a)? Sans doute pas. Mais le fait même d’en faire une affaire publique a ouvert toutes grandes les portes à une avalanche de rumeurs et de rancœurs qui n’attendaient que la première occasion pour se manifester.
Maintenant, c’est chose faite. Cependant, sans transformer M. Addoum en  ogre de Perrault, ni M. Ghomra en Torquemada, on peut dire que cette affaire là a provoqué un malaise à tous les niveaux, avec à la clé un sentiment d’insécurité chez une population qui, à force de secousses, sent maintenant la terre bouger sous ses pieds comme agitée par un séisme latent. Pour tout dire, si le pouvoir judiciaire est mis lui-même en examen, que reste-t-il de l’Etat des institutions qu’on nous promet à chaque tournant de phrase? Et pourquoi nous étonnons-nous dans ce cas, quand nous apprenons que depuis 1991, 820.000 Libanais, tous jeunes et qualifiés ont émigré sans espoir de retour?
Nous ne faisons  ici le procès de personne. Et nous ne savons plus qui exerce les prérogatives de qui et qui est responsable de quoi. A parler franchement, nous assistons à un phénomène de pétrification: un gouvernement pétrifié par l’ampleur d’une tâche qu’il ne sait plus par quel bout prendre et une opposition pétrifiée dans son incrédulité à admettre qu’elle n’est plus au Pouvoir. Et c’est la dérive à tous les niveaux!
Ces messieurs font un peu penser aux stalactites et aux stalagmites de la grotte de Jeita. Le seul ennui, est que les stalactites descendent et les stalagmites montent et qu’à cette cadence, ils finiront fatalement par se heurter. Il nous reviendra finalement à nous l’insigne honneur et bonheur de ramasser des morceaux ou de manier le balai si, toutefois, nous sommes encore en état de le faire. 

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