POUR EMPECHER LA TRANSFORMATION DE NOS CIMES EN DEPOTOIRS
LA CONSTITUTION D'UNE "POLICE VERTE" S'AVERE IMPERIEUSE

Le mercredi 6 octobre à dix heures du matin, un petit “commando écologique” explorait les hauteurs d’Ouyoune As-Simane au-dessus de Faraya, à 2000-2050 mètres d’altitude. Il était constitué d’Ashley Bruce, directeur à la “TVE International” (Londres); et des signataires de ces lignes.

Venu, dernièrement, au Liban, Ashley avait déjà visité les horribles carrières de Shnanhir, ex-réceptacle sinistre des déchets industriels toxiques italiens déposés là en septembre 1987. Il avait étudié ce problème à l’échelle mondiale depuis 1979.
Son plan actuel consistait à mettre en évidence la relation de cause à effet produite par des déchets industriels toxiques, oubliés en haute montagne. Les troupeaux de moutons et de chèvres broutent l’herbe contaminée et boivent les eaux polluées qui s’infiltrent dans les réservoirs phréatiques qui alimentent nos sources et nos rivières.

UN IMMENSE DÉPOTOIR ENCORE INCONNU
Après notre passage à côté d’un dépotoir utilisé par les municipalités du Kesrouan, nous dépassâmes le croisement de Tallet Al-Midane, notre destination vers les gîtes résiduels de déchets toxiques.
Constatant notre erreur, nous fîmes demi-tour et fûmes stupéfaits par la vue et, surtout, l’odeur insupportable d’un immense dépotoir s’étendant de la route jusqu’au sommet de la colline et même plus loin.
Cette calamité, plus haute que celle de Bourj-Hammoud, suit une route ascendante d’à peu près 1.500 mètres aménagée, à cet effet, pour acheminer toute une noria de bennes qui alimentent, très tôt le matin, ce très illégal dépotoir. Il est constitué de milliers de tonnes de déchets plus ou moins frais ou puants, de déchets d’abattoirs et ménagers non triés, de barils et contenants d’huiles brûlées d’autos, de solvants, de peintures périmées, de pesticides, de déchets d’hôpitaux et de restes de médicaments...
De place en place, des zones noires d’incinération encore fumantes, marquées sur leur bord par des torchons imbibés de mazout ou des pneus à demi-carbonisés, de nouveaux facteurs de pollution atmosphérique...
 

L’ancien dépotoir en voie d’incinération...

... Et recevant de nouveaux déchets.

FACTEURS DE POLLUTION CHIMIQUE SUPPLÉMENTAIRES
Après avoir tout enregistré, nous revînmes à la région de Tallet Al-Midane.
Sur cette colline parsemée de gîtes résiduels de poudres de colorants toxiques organiques: noirs, jaunes, violets et, surtout, rouges, tous dérivés des méthyle aniline. Ces éléments dangereux ont été officiellement analysés par la “Lyonnaise des Eaux” et l’Université anglaise d’Exeter (Greenpeace).
D’ailleurs, les bergers de la région n’y font plus paître leurs troupeaux dont certains ont été empoisonnés à mort en y broutant l’herbe, en aspirant les légères poudres en surface ou en buvant les mares d’eau situées en contrebas. (Voir les études des années 1993 à 1995).
En creusant, légèrement, on met rapidement à jour des dizaines de petits filons de ces poisons multicolores.
M. Ashley Bruce, après avoir tout examiné et enregistré, a pris plusieurs échantillons de la poussière rouge.
Il va les présenter à l’ambassade britannique et aux autorités concernées pour les persuader, encore une fois, de ramasser ces éléments éminemment dangereux, oubliés sur le sommet de nos montagnes depuis plusieurs années.
 

LA Tallet Al-Midane, Ashley Bruce
et Wilson Rizk prélevant des 
échantillons de méthyle aniline.

Des milliers de tonnes d’ordures
couverts de neige, sous laquelle 
s’effectuera unebiodégradation dangereuse.
 
DANGER POTENTIEL et IMMÉDIAT
D’après l’avis du Dr Wilson Rizk, le gigantesque dépotoir d’origine récente à peine annuel a subi plusieurs biodégradations, réactions chimiques avec l’adjonction d’incinérations maladroites de déchets urbains, d’abattoirs et même industriels.
Déjà, avec les premières pluies, existe un risque d’infiltration des polluants, plus ou moins solubles, à travers les formations géologiques calcaires jurassiques fissurées vers les réservoirs d’eau phréatique plus ou moins profonds qui alimentent nos sources.
On peut citer des éléments minéraux type nitrates, nitrites, phosphates... auxquels peuvent s’ajouter des éléments plus dangereux comme les micropolluants de métaux lourds toxiques.
Avec, en plus des traces de détergents, d’additifs alimentaires, de pesticides et, surtout, des ptomaïnes, très toxiques formés lors de la dégradation putride de grands amas de déchets d’abattoirs.
Nous devons ajouter les déchets assez considérables des dérivés de méthyle aniline nocifs à des doses presqu’infinitésimales, que nous venons de caractériser.
Ce que nous venons de citer ne sont, en fait, que des processus scientifiques qui s’appliquent à des situations pareilles dans le monde entier, grâce aux enseignements de l’UNEP, dont nous dépendons depuis 1988.

MESURES URGENTES À PRENDRE
Les autorités concernées ont été alertées. Elles devraient, le plus tôt possible, procéder à visualiser ces catastrophes écologiques. Et surtout à prélever sur place des échantillons en vue d’analyses complètes chimiques avec de plus des recherches bactériologiques en ce sens.
A part le contrôle de toutes les sources dépendant de cet aquifère gravement contaminé, comme Nabeh el-Assal, Nabeh el-Laban, Nahr el-Kalb, Kashkouche et Geïta.
Parallèlement, on devrait mener une enquête relativement facile, en rapport avec les sociétés et municipalités dont dépendent les centaines de bennes d’ordures déversées, illégalement, en haute montagne.
Il suffit simplement d’interroger, par ordre hiérarchique, les militaires qui contrôlent les barrages de l’Armée libanaise, sur la route d’Ouyoune As-Simane. Avec des ordres stricts d’empêcher, dorénavant, tout passage de déchets de toute sorte vers nos cimes.
Ce serait un premier pas vers la constitution d’une police verte omniprésente et efficace.

DANS LE CAS OÙ RIEN N’EST ENTREPRIS...
Avec ces renseignements, il est très facile à l’Etat de pénaliser gravement les organismes qui, avec l’argent du peuple, ne traitent pas nos déchets et les jettent, anarchiquement, en montagne.
Et, aussi, de les obliger à tout ramasser comme les trente mille tonnes des déchets du Monteverde, l’année passée. Et être ramenés vers leur lieu d’origine pour y être traités efficacement.
Et ceci, rapidement avant la chute de neige qui va recouvrir ces dizaines de milliers de tonnes d’ordures avec une nappe blanche épaisse et isolante, sous laquelle va s’effectuer une biodégradation anaérobie très dangereuse. Les skieurs passant au-dessus de ces déchets enfouis dans la neige, risquent de sauter avec les explosions des poches d’hydrocarbures, surtout au début du printemps avec la fonte des neiges. Des masses d’eau pure vont se contaminer en s’infiltrant à travers ces déchets ayant libéré des substances très toxiques qui, ajoutées aux méthyle aniline, risquent de polluer gravement nos réservoirs phréatiques et nos nombreuses sources.
Nous devons traiter, préventivement et effectivement, avant le troisième millénaire tous les facteurs de pollution dus aux déchets solides et liquides que nous rejetons dans notre belle nature, pour que le Liban ne se transforme pas en un énorme dépotoir.

PIERRE MALYCHEF ET WILSON RIZK

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