DEPUTE DE BEYROUTH JAMIL CHAMMAS:
"LE MINISTERE DES P. ET T. EST AU COEUR DES SCANDALES,
LE GASPILLAGE Y AYANT EXCEDE UN MILLIARD DE DOLLARS"

Le cas de M. Jamil Chammas, député de Beyrouth, retient l’attention et pose plus d’une question. Colistier de M. Rafic Hariri aux élections législatives de 1996, il s’est séparé de son bloc parlementaire - certains disent qu’il en a été exclu - et ne cesse de décocher ses flèches empoisonnées contre ses anciens collègues et alliés.
M. Chammas part en guerre contre les corrupteurs et les corrompus et tout en prenant violemment à partie les proches de M. Hariri, fait assumer à ce dernier la responsabilité des infractions et des abus qu’ils ont commis, tout en admettant que l’ancien chef du gouvernement peut ne pas y être impliqué, personnellement.

LE DOSSIER DES P. ET T., EXPLOSIF
Le député de Beyrouth qualifie “d’explosif” le dossier du ministère des Postes et Télécommunications, surtout depuis l’arrestation d’Abdel-Monhem Youssef, ancien directeur général de l’Exploitation, poursuivi sous plusieurs chefs d’accusation, dont celui d’avoir permis le gaspillage des fonds publics et laissé exploiter un réseau de communications téléphoniques ayant valu à l’Etat des pertes estimées à des centaines de millions de dollars.
“Le ministère des Postes et Télécommunications est au cœur des scandales, le gaspillage qui y a été détecté s’élevant à plus d’un milliard de dollars.”

Qui en est responsable et Abdel-Monhem Youssef a-t-il agi de sa propre initiative?
Les responsables sont ceux qui ont permis le gaspillage au temps où ils détenaient le portefeuille de ce département ministériel: Mohamed Ghaziri, el-Fadl Chalak et le président Hariri. Si les vols se sont produits à leur insu, cela prouve que le contrôle des services était inexistant ou inefficace.
Je ne peux pas croire que M. Hariri était au courant de ce qui se passait au ministère des P. et T., mais je me demande si Abdel-Monhem Youssef a pu l’induire en erreur et le tromper. Pourtant, M. Hariri avait chargé M. Antoine Andraos, député d’Aley, de superviser les activités de ce département ministériel et Youssef ne devait rien faire sans consulter ce dernier ou en accord avec lui.
Il semble que l’ancien directeur général ait gagné la confiance de M. Hariri et des personnes influentes proches de l’ex-Premier ministre ont pu le soutenir. Ces dernières ont pu partager les profits avec Youssef à l’insu, sans doute, du ministre.

HARIRI RESPONSABLE
Quels sont vos renseignements à propos de la société Ogero?
Cette société était très importante pour le président Hariri qui l’a prise en charge et a nommé Youssef el-Nakib à la tête de son administration. Celui-ci est-il mêlé aux opérations frauduleuses ayant entraîné son éviction par le nouveau Cabinet ou bien Abdel-Monhem Youssef est-il pris comme bouc émissaire, maintenant qu’il a été jeté en prison?
Je n’accuse personne, mais je constate que la coterie de M. Hariri a exploité sa présence à la tête du ministère des P. et T. pour réaliser des profits illicites, avec la complicité de hauts fonctionnaires.
Il y a bien d’autres dossiers chauds, tels ceux du port, de l’électricité, des finances, du pétrole, mais celui des adjudications est le plus catastrophique, étant donné le nombre élevé des adjudications qui s’effectuaient de gré à gré...
Puis, des décisions et arrêtés pris par le Conseil supérieur des douanes étaient gelés afin de permettre l’admission des marchandises sans franchise douanière ou moyennant des taxes réduites.
Je reviens à dire que le président Hariri est responsable en sa double qualité de chef du gouvernement et de ministre ayant négligé le contrôle des organismes et services relevant de ses prérogatives.
Le président Emile Lahoud a dit qu’il ne laissera condamner personne d’une manière injuste mais, en même temps, il ne pardonnera pas à quiconque a commis des infractions et dérogé aux lois et règlements en vigueur. La magistrature est appelée à statuer, dans cet esprit, sur les affaires dont elle est saisie.

LE RÉGIME A MIS FIN AU GASPILLAGE
Si vous aviez à établir un parallèle entre les ministres en exercice et ceux qui les ont précédés, que diriez-vous?
La différence est grande, le gouvernement actuel étant parvenu à mettre fin au gaspillage des fonds publics. Maintenant, le ministre n’est plus libre de ses mouvements et ne prend pas des initiatives surtout au plan financier, sans se référer aux hautes Autorités. D’ailleurs, un contrôle strict est établi sur l’administration étatique, ce qui contribue à l’assainir chaque jour davantage.
Si, à Dieu ne plaise, un membre du gouvernement commettait une infraction, il devrait être déféré devant la Cour des comptes pour répondre de son acte.

On parle souvent du legs particulièrement lourd laissé par les Cabinets haririens. Qu’en pensez-vous?
“Je ne veux pas utiliser des termes rabâchés pour parler d’un lourd legs laissé par le précédent régime. Je me contente de dire que ce dernier a pêché par la violation des lois et règlements en vigueur, par le gaspillage des fonds publics et le peu de cas fait aux critiques et mises en garde qui lui étaient adressés.
Je me rappelle de la fameuse expression que l’ancien Premier ministre ne cessait de répéter: “Tout va bien. Tout marche”.
Je voudrais être sévère avec la classe politique actuelle, pour ne pas retomber dans les abus et erreurs du passé, proche et lointain, en préconisant un contrôle strict de la gestion gouvernementale. En ce sens que tout responsable, ministre ou haut fonctionnaire, coupable d’infraction, de négligence ou d’abus, devrait être sanctionné.

PAS DE TRÊVE POLITIQUE...
La trêve imposée résistera-t-elle? Comment voyez-vous la situation au plan politique?
Il n’y a pas de trêve, mais des périodes de répit. L’opposition dont les objectifs sont contradictoires, est obligée d’unifier ses rangs. Mais je crois qu’elle ne pourra pas atteindre ses objectifs de reprendre le Pouvoir et s’emparer des ressources de l’Etat. Pour cela, elle refuse d’observer la trêve, malgré les appels lancés en vue d’apaiser le climat. La Syrie joue un rôle en faveur du Liban et ne couvrira pas ceux qui dérogent à la loi et perturbent la paix civile.

Que pensez-vous de la polémique autour de la décentralisation administrative?
Cette question doit être bien étudiée, afin qu’elle ne transforme pas l’Administration en cantons. D’ailleurs, les présidents Lahoud, Berri et Hoss ont mis en garde contre cela. Le ministre de l’Intérieur était en faveur de l’amendement apporté au projet de loi sur la décentralisation administrative. J’insiste sur le fait d’élaborer ce projet sur des bases scientifiques, afin que cette loi soit au service de la société, de l’économie et du développement équilibré.

LOI ÉLECTORALE JUSTE ET ÉQUILIBRÉE
Comment concevez-vous la loi électorale?
Je suis pour une loi juste et équilibrée. Aussi, faudra-t-il concentrer nos efforts sur le mécanisme des élections. Je n’ai aucun problème en ce qui concerne le découpage des circonscriptions. Ce qui m’importe c’est la justice et le fait de donner à tout le monde l’occasion de s’exprimer.
Nous vivons au Liban et dans la région une période des plus dangereuses. J’appelle tout le monde à se regrouper autour des présidents Lahoud et Assad, loin des intérêts personnels, afin d’instaurer un Etat fort à l’échelle politique, économique et sociale.

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

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