Les résultats de la séance plénière de la
Chambre n’ont pas été conformes aux prévisions du
Sérail, le gouvernement y ayant subi un revers qui pourrait avoir
des répercussions sur la situation politique, en général
et l’avenir des rapports entre le parlement et le “Cabinet des 16”.
Il est apparu au cours des débats, que le chef du Législatif
et certains blocs de l’Assemblée n’étaient pas entièrement
acquis au texte controversé (sur l’enrichissement illicite), ni
enclins à répondre, favorablement, à la demande du
Parquet concernant l’immunité de M. Hakim.
Ceci a amené le président Salim Hoss à menacer
d’appliquer la loi promulguée en 1953, si le projet sur l’enrichissement
illicite n’était pas approuvé. Le président Berri
a réagi en poussant au renvoi dudit projet devant les commissions
parlementaires qualifiées, pour supplément d’étude,
sans cacher son désappointement du langage utilisé par le
Premier ministre, ce qui n’est pas dans ses habitudes... Dans le même
temps, le président de la Chambre a ajourné l’examen de “l’affaire
Hakim”. Aussi, selon les milieux parlementaires, le rapport entre le gouvernement
et la Chambre n’est-il plus “naturel”, ce qui incitera les opposants à
redoubler d’activité pour tenter de renverser l’équipe ministérielle,
en exploitant la nouvelle position adoptée par M. Berri envers le
Cabinet.
VERS LA RELANCE DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION?
Les mêmes sources s’attendent que le gouvernement réagisse
en relançant sa campagne contre la corruption, dans le sens de l’élargissement
du cadre des enquêtes en cours. Et, aussi, en procédant au
pourvoi aux postes vacants, avant même d’en finir avec le dossier
administratif, ce dernier ayant été gelé, en raison
de l’élaboration du nouveau projet de budget qui a été
mis au point dans le délai constitutionnel.
Cependant, le président Berri a dissipé les illusions
de la néo-opposition en convoquant les commissions parlementaires
à siéger lundi et mercredi derniers, aux fins de réexaminer
le projet sur l’enrichissement illicite, en insistant sur la nécessité
de l’approuver dans le plus bref délai, car il est considéré
par le chef de l’Etat comme “la pierre angulaire de la réforme et
de l’édification de l’Etat des institutions”.
Quoi qu’il en soit et en dépit des rumeurs contradictoires,
il a été confirmé au cours des séances de travail
tenues, cette semaine, par les commissions qualifiées, que le parlement
et le gouvernement étaient désireux d’en finir avec un projet
destiné à préserver les fonds publics, en empêchant
le gaspillage et les détournements.
Cependant, les députés ont tenu à y apporter certains
amendements pour rendre le projet applicable.
NI CHANGEMENT, NI REMANIEMENT MINISTÉRIEL
Cela dit, l’opposition a, maintenant, la certitude que le changement
ministériel n’est nullement envisagé, encore moins le remaniement
du Cabinet, le gouvernement devant être maintenu jusqu’en octobre
de l’an 2000. Il présentera, alors, sa démission, comme l’exige
la Constitution au lendemain des élections législatives prévues
pour l’été prochain.
Après le débat budgétaire au cours duquel les
opposants décocheront leurs flèches empoisonnées en
direction du Cabinet et tenteront de discréditer le Pouvoir, à
cause de sa politique financière, les membres de l’Assemblée
s’attelleront aux préparatifs de leur campagne électorale.
Ceci donnera au gouvernement l’occasion de se pencher sur les dossiers
exigeant une étude rapide et de poursuivre la réforme, tout
en se consacrant à l’édification de l’Etat de la loi et des
institutions.
Dans cet ordre d’idées, le président Rafic Hariri a souhaité
rencontrer le chef de l’Etat avant de partir pour Washington, en visite
familiale, au cours de laquelle il espère être reçu
à la Maison-Blanche. A son retour et s’il n’a pas pu avoir une entrevue
avec le président Lahoud, M. Hariri demandera à être
reçu au palais de Baabda, pour exposer au président de la
République la teneur de ses entretiens avec les responsables américains
en ce qui concerne, surtout, le processus de paix au Proche-Orient.
Par la même occasion, l’ancien Premier ministre soulèverait
le sujet d’actualité, à savoir: la nouvelle loi électorale.
QUID DE L’IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE?
Certains milieux renseignés croient savoir que l’opposition
a tenté d’entraver la ratification du projet sur l’enrichissement
illicite et bloqué la demande de levée de l’immunité
du député metniote, à l’effet d’utiliser ces deux
sujets dans le cadre d’une “opération de troc” contre la réforme
électorale.
De la façon dont ces sujets seront tranchés, dépendra
la nature des rapports entre le Pouvoir et l’Assemblée, bien que
le président Nabih Berri ait minimisé l’impact des dernières
joutes parlementaires sur ces rapports, qualifiant ces dernières
“d’accident de parcours”.
A l’occasion du premier anniversaire de l’élection présidentielle,
M. Berri a rendu hommage au président Lahoud, affirmant que “le
chef de l’Etat jouit toujours de la confiance du peuple, en raison
de ses qualités transcendantes et de sa forte personnalité,
comme de sa ferme détermination à réaliser la
réforme et à édifier l’Etat des institutions, tout
en réitérant sa volonté de libérer le Sud,
la Békaa-ouest et le Golan.”
De son côté, le président Salim Hoss a qualifié
l’accession du président Lahoud à la magistrature suprême
“d’heure bénie”, avant d’ajouter: “Les Libanais ont voté
avant les membres de l’Assemblée, en faveur de la probité,
du courage, de la clarté de la vision et de l’esprit d’initiative
du général Emile Lahoud, comme de son engagement vis-à-vis
des questions vitales se plaçant au service de la société
et de la patrie.”
M. Hoss a dit encore que son gouvernement avait accompli d’importantes
réalisations, dont l’abolition de la troïka, de triste mémoire;
la dissociation de la politique et de l’économie, la consolidation
de la situation monétaire et économique et l’élaboration
du projet de budget de l’an 2000, assorti d’un plan pour le redressement
financier.
“Le gouvernement, a dit encore le Premier ministre, s’emploie à
assurer le climat propice à l’encouragement des investissements,
à réactiver les secteurs productifs, à réaliser
le développement équilibré et à intensifier
la croissance dans tous les domaines.”
Le président du Conseil a assuré que “les libertés
sont sauvegardées, le gouvernement étant engagé vis-à-vis
des libertés journalistiques”. Et en ce qui a trait au projet sur
l’enrichissement illicite, il a affirmé “qu’il n’affecte nullement
le secret bancaire auquel nous sommes fortement attachés.
“L’opération de la réforme, a ajouté M. Hoss,
n’a pas été enterrée et se poursuit... Quant à
la privatisation, elle s’inscrit dans le programme visant à redresser
les finances publiques, le gouvernement attendant sa ratification par la
Chambre pour en commencer l’application.”
Enfin, il a annoncé la mise au point de la nouvelle loi électorale
avant la fin de l’année courante, en promettant de l’élaborer
de façon à répondre aux souhaits des citoyens et à
leurs aspirations.
LAHOUD CATÉGORIQUE: L’ÉTAT DES
INSTITUTIONS SERA ÉDIFIÉ
Le président Lahoud a assuré, quant à lui, à
l’occasion du premier anniversaire de son élection, que l’Etat de
la loi et des institutions sera édifié, ce qui n’a pu être
réalisé depuis l’avènement de l’indépendance.
“Au cours des dernières années, dit-il, les gens se sont
habitués à l’absence de cet Etat. Cependant, comme je l’ai
dit dans le discours d’investiture, ceci ne se réalisera pas du
jour au lendemain, en pressant sur un bouton. Mais le premier pas a été
fait et ce sera dans l’intérêt de tous les citoyens.
“Naturellement, ceux à qui l’Etat de la loi cause quelque préjudice,
tenteront de s’y opposer. Mais ils ne forment que l’infime minorité,
la majorité silencieuse y étant acquise, la force de l’Etat
émanant du peuple.
“En dépit de la situation économique qui laisse à
désirer, a poursuivi le président Lahoud, je peux vous promettre
des jours meilleurs.”