![]() A l’intérieur des camps, une présence militaire ostentatoire... |
![]() Le “général” Aboul-Aynaïne. |
RETOUR AUX ANNÉES SOIXANTE
Certains considèrent, peut-être, qu’il est inutile de
revenir sur le passé ou de ressasser des phases douloureuses de
notre Histoire. Pourtant, la mémoire est un élément
essentiel dans la formation et la pérennité des nations.
Elle ne se limite pas, toutefois, à évoquer, avec nostalgie,
les beaux jours du Beyrouth d’antan, mais à garder présent
dans le subconscient individuel et collectif, les épreuves vécues
pour en tirer les leçons et les dépasser.
Nul donc n’a le droit d’ignorer comment, à partir du milieu
des années soixante, les Palestiniens accueillis au Liban, en tant
que réfugiés, ont commencé à défier
le Pouvoir pour aboutir en 1969, à “l’accord du Caire” qu’ils ont
même outrepassé pour se constituer en Etat dans l’Etat.
Ils ont, alors, transformé leurs camps, du Nord au Sud, en passant
par Tall Zaatar, en véritables forteresses militaires regorgeant
d’armes de tous calibres, bien enfouies dans des souterrains en béton
armé.
Nul, non plus, ne peut réfuter le fait que la présence
armée palestinienne au Liban a été l’une des causes
essentielles du déclenchement de la guerre de dix-sept ans, car
les “fedayine” ont braqué leurs armes, non pas contre Israël,
mais contre le peuple libanais.
POURQUOI: L’EXTRATERRITORIALITÉ DES
CAMPS?
Trente ans viennent de s’écouler sur l’accord du Caire qui,
d’ailleurs, a été aboli en 1987, par le parlement libanais.
Peut-on, dès lors, expliquer pourquoi, jusqu’à l’heure, les
camps palestiniens au Liban continuent à jouir d’un statut d’extraterritorialité,
l’armée libanaise n’ayant pas le droit d’y pénétrer?
Ainsi, condamné à mort, pour le meurtre de cheikh Nizar
Halabi, le dénommé Abou-Mahjane continue à se promener
à sa guise à l’intérieur du camp de Aïn el-Héloué,
près de Saïda, le plus grand du Liban.
Aujourd’hui, Aboul-Aynaïne, qui vient d’être condamné
à mort par le tribunal militaire, défie lui aussi les autorités
libanaises, à partir du camp de Rachidiyeh, près de Tyr.
Il tient des conférences de presse, rejette les accusations portées
contre lui, continue à mener son rythme de vie quotidien et à
vaquer à ses occupations. Il a quand même saisi au vol la
déclaration du président Salim Hoss qui a affirmé:
“Le cas d’Aboul-Aynaïne est aux mains de la Justice et il pourrait
faire appel de son jugement devant la Cour de cassation, conformément
aux principes juridiques libanais”.
L’inculpé a chargé son avocat du pourvoi en cassation.
Mais selon les sources judiciaires, cette procédure n’est possible
que si le condamné se présente devant le tribunal.
![]() ... Côtoie une misère intolérable. |
![]() Des manifestants palestiniens réclament leur droit au retour! |
LES CAMPS REGORGENT TOUJOURS D’ARMES
L’affaire Aboul-Aynaïne a, de même, mis en évidence
la présence d’armements et de combattants dans les camps palestiniens
au Liban. Pourtant, l’accord de Taëf (octobre 1989) a décidé
de désarmer les milices et de les dissoudre, à l’exception
de la milice du “Hezbollah”.
Que font les armes aux mains des Palestiniens.
Pourquoi affluent-elles à nouveau, massivement, dans les douze
camps disséminés à travers le pays? Contre qui vont-elles
être tournées, sachant que le chef de l’Autorité palestinienne,
Yasser Arafat, a reconnu l’Etat hébreu et négocie avec son
Premier ministre, Ehud Barak, les modalités du statut final?
Le Pouvoir et le peuple libanais sont en droit de s’interroger, en
voyant Aboul-Aynaïne former des combattants, renforcer les troupes
et l’équipement militaire. Il a été même jusqu’à
organiser “une cérémonie de promotion” pour un noyau de commandos
ayant suivi un cycle de formation au Liban-Sud. Autant d’images qui rappellent
les années 70.
Comment ne pas s’inquiéter?
FATH VEUT CONTRÔLER LES CAMPS EN PRÉVISION
DE L’IMPLANTATION
Un des objectifs prioritaires d’Aboul-Aynaïne est de placer les
camps du Liban sous la coupe des Arafatistes, en y excluant les fractions
hostiles aux accords d’Oslo, pour permettre à Fath de se poser,
ensuite, en unique interlocuteur de l’Etat libanais pour tout règlement
du dossier palestinien.
C’est ainsi qu’il a provoqué des heurts entre différentes
organisations dans les camps de Nahr el-Bared au Liban-Nord et à
Aïn el-Héloué près de Saïda, afin de pouvoir
s’y imposer. Puis, il a fait toute une tournée auprès des
leaders politiques et religieux pour affirmer sa position sur la scène
libanaise.
Toutes ces manœuvres, disent les analystes politiques, sont essentiellement
liées au problème de l’implantation. Or, le Liban, à
travers toutes ses composantes politico-confessionnelles s’est nettement
et clairement prononcé contre l’implantation. Au sommet francophone
de Moncton (Canada), début septembre, le président Emile
Lahoud a été plus qu’explicite en affirmant du haut de cette
tribune internationale: “L’implantation des réfugiés palestiniens
au Liban constituera une bombe à retardement qui mettra, sans conteste,
en péril la paix et la sécurité régionales”.
De même, lors de la visite-éclair du secrétaire
d’Etat américain à Beyrouth, le Premier ministre, Salim Hoss,
a soulevé cette question, disant que les Libanais rejetaient, unanimement
l’implantation.
Mme Albright avait répondu que le dossier des réfugiés
palestiniens sera examiné lors de la phase finale des négociations
israélo-palestiniennes”.
Réponse qui n’a satisfait ni M. Hoss, ni les Libanais dans leur
ensemble, car elle signifie que le spectre de l’implantation demeure omniprésent,
tel que l’envisagent l’Amérique et Israël.
Il semble que M. Arafat ne soit pas trop éloigné de cette
thèse. Car où caser ces milliers de Palestiniens de la diaspora
dans une Cisjordanie ou une bande de Gaza déjà surpeuplées?
Les images et les propos du passé reviennent, aussitôt,
à la mémoire des Libanais avec un Dean Brown proposant d’installer
les chrétiens du Liban au Canada pour offrir leur pays aux Palestiniens
comme “patrie de rechange”.
MENER UNE ACTION TOUS AZIMUTS
Des Libanais ont porté les armes en 1975, pour que leur pays
ne serve pas de patrie de rechange aux réfugiés. Des jeunes
sont morts en affrontant avec témérité le camp de
Tall Zaater transformé en forteresse militaire.
Aujourd’hui, la conjoncture interne a évolué. Les Libanais
de tous bords refusent l’implantation. Mais le refus est encore verbal
et timide; il reste un grand pas à franchir; à s’engager
à fond dans le règlement de ce dossier.
Quelles que soient les raisons d’Etat qui ont amené le tribunal
militaire à condamner à mort Aboul-Aynaïne, la décision
est prise. Il faut aller jusqu’au bout dans la logique du processus; mettre
fin à l’extraterritorialité des camps qui viole et bafoue
la souveraineté nationale; exiger le désarmement de ces ilôts
implantés dans les différentes régions du pays et
qui peuvent, à tout moment, exploser. Puis, mener une action diplomatique,
tous azimuts au niveau des chancelleries occidentales et arabes, pour régler
la question de la présence palestinienne au Liban, conformément
à la volonté nationale et du refus catégorique de
l’implantation.
Certes, pour toute action, il y a un prix à payer. Il faut oser
aller de l’avant, pour ne pas revenir à la case départ.