JEANNE D'ARC
LE NOUVEAU FILM DE LUC BESSON ENVAHIT LES ECRANS
MILLA JOVOVICH PRETE SES TRAITS A LA PUCELLE D'ORLEANS

On croyait le sujet épuisé. En effet, on dénombre trente réalisations cinématographiques
évoquant la vie de Jeanne d’Arc qui a été, tour à tour, française, indienne, danoise, argentine, russe, allemande, américaine, autrichienne et même japonaise. A peu près de toutes les nationalités, sauf anglaise. Tantôt brune et tantôt blonde, elle a pris les traits aussi bien d’actrices inconnues que de vedettes confirmées, telles Michèle Morgan ou Ingrid Bergman. On doit le premier film sur la Pucelle d’Orléans à Méliès. Grand pour l’époque, car en 1900 et avec
cinq cents figurants, ce fut probablement la première superproduction que le cinéma ait connue.
Le relais fut pris, par la suite, par les Italiens Mario Caserini, Albert Capellani, en 1908;
Nino Oxila, en 1913; puis, en 1917, par Cecil B. de Mille qui confia à Géraldine Farrar
le rôle de “Jeanne, la femme”.

Il faudra attendre 1928 pour voir apparaître deux chefs-d’œuvre: “La merveilleuse vie de Jeanne d’Arc”, de Marc de Castyne, avec Simone Genevois et “La passion de Jeanne d’Arc”, du Danois Carl Dreyer, avec Falconetti, comédienne très connue au théâtre et dont ce devait être le seul rôle à l’écran.
Vingt ans plus tard, en 1948, Victor Fleming, tout auréolé du succès de “Autant en emporte le vent”, attira les foules, en confiant à Ingrid Bergman le rôle de “Joan of Arc”, Jean Delannoy abandonna, alors, la “Jeanne” qu’il avait envisagée avec Michèle Morgan, pour consacrer à la sainte un des sketches de “Destinées” avec l’actrice française en 1953.
Une année plus tard, on retrouve Ingrid Bergman dans “Jeanne au bûcher” de son mari de l’époque, Roberto Rossellini.
En 1957, est réalisée une grande production sur le même sujet dans laquelle Jean Seberg incarnait Jeanne d’Arc. Florence Carrez lui succède en 1963 dans le film de Robert Bresson. Puis, Sandrine Bonnaire tient la vedette du film-fleuve (cinq heures quarante en deux parties), de Jacques Rivette: “Jeanne, la Pucelle”.
Enfin, Milla Jovovich joue le rôle de Jeanne d’Arc; elle a été choisie par Luc Besson qui l’avait déjà dirigée dans “Le Cinquième Elément”. Américaine d’origine russe, âgée de 23 ans, elle s’est d’abord fait connaître en tant que mannequin à onze ans, avant de débuter au cinéma avec “Retour au lagon bleu”.
 


Jeanne d’Arc commandant l’armée 
de France contre les Anglais.


Jeanne d’Arc commandant l’armée 
de France contre les Anglais.

POURQUOI JEANNE D’ARC FASCINE?
La réponse à cette question, c’est Olivier Bouzy, directeur adjoint du centre de recherches sur Jeanne d’Arc, qui la donne: “La Pucelle d’Orléans fascine, parce qu’elle est mal connue. Ma génération croit savoir d’elle ce qu’elle a appris dans les manuels d’Histoire datant de la IIème République. Pour les étudiants d’aujourd’hui, elle pose bien des questions. L’une d’elles est de savoir comment une fille de 19 ans a pu accomplir ce qu’elle a fait.
“Les Japonais sont passionnés par le caractère “samouraï” de Jeanne d’Arc. Les Allemands aussi. Les Australiens s’intéressent à la question des voix. Les Coréens ont leur Jeanne d’Arc, alors que pour les Indiens, c’est le symbole de la lutte contre les Anglais. Il en est de même pour les Grecs vis-à-vis des Turcs. En général, ce qui séduit dans le personnage, c’est son côté résistant.
“Pourtant, en France, le fait qu’elle ait été récupérée par Jean-Marie Le Pen, crée un blocage... En tout cas, partout dans le monde, elle a valeur de symbole.”
On peut s’étonner que la “Pucelle” canonisée par le Vatican cinq cents ans après sa mort sur le bûcher “pour hérétisme” en 1431, soit toujours aujourd’hui une “superstar” qui attire les foules.
Le film de Besson, long de deux heures quarante, a été conçu dans le secret le plus total. Milla Jovovich partage la vedette avec des acteurs connus, entre autres Dustin Hoffman, Faye Dunaway et John Malkovich. Son budget avoisine 390 millions de francs. Il est tourné vers le grand spectacle et sortira le 12 novembre aux Etats-Unis sous le titre: “The Messenger: Story of Joan of Arc”.
 


Faye Dunaway.

BESSON MET L’ACCENT SUR LES SCÈNES DE BATAILLE
Besson a pris le parti de l’action. Alors que d’autres réalisateurs se sont attardés plutôt sur le procès qui la conduit au bûcher, il a préféré mettre l’accent sur les scènes de bataille qualifiées de “grandioses”.
Il s’agit, en fait, de combats d’une rare violence, filmés comme de véritables chorégraphies. On voit voler têtes et bras sous les coups d’épées ou de haches, tandis que le sang gicle de partout. Le siège d’Orléans est, à lui seul, un morceau d’anthologie. Voilà ce qui attire les foules.
Jeanne entend bien des voix - celles de Dustin Hoffman sont un pur régal - et affiche une foi inébranlable en Dieu. Mais dans l’œuvre de Besson, un autre motif légitime sa croisade: encore toute jeune, Jeanne a assisté impuissante au viol et au meurtre de sa sœur aînée Catherine, par les Anglais.
Hantée par cette vision cauchemardesque, elle rumine sa vengeance et jure de faire payer les criminels... D’aucuns pourraient reprocher au scénario d’avoir pris quelque liberté avec la vérité historique.
 


Dustin Hoffman.


John Malkovich.

LE RÉALISATEUR DU FILM S’EXPLIQUE
“En lisant son histoire par curiosité,  explique Luc Besson, je me suis rendu compte que sa vie se lit comme un roman policier. Il y a tellement d’inconnues dans sa vie, qu’on a envie de mieux la comprendre.
“Ainsi, j’ai compris qu’il y avait un décalage énorme entre le mythe de Jeanne d’Arc, Jeanne la sainte, les moutons, la pureté, mythe complètement faux et la vraie Jeanne, la petite paysanne inculte à qui il arrive une histoire incroyable.”
A la question: Pensez-vous que Jeanne d’Arc était aussi belle que Milla Jovovich?, Besson répond: Je ne sais pas si elle était belle, mais elle devait dégager un charme fou. Comment convaincre un roi, une armée et un pays tout entier simplement sur un ton de voix? Comment tenir tête seule, pendant des mois, à des inquisiteurs, sans avocats, sans amis et sans partisans. Elle devait avoir un sacré charisme.
Votre film parle de sorcellerie, de superstition à l’orée du IIIème millénaire. Serait-ce un hasard?
Non, c’est plutôt une fatalité. En cette fin de siècle, je me pose des questions comme tout le monde et récapitule ce qu’on a appris en deux mille ans sur Dieu, les religions, etc... Je suis sur un terrain émotionnel qui correspond, exactement, à celui des gens actuellement.
L’émotion est, justement, présente dans le film...
Si vous avez pleuré à la vue de certaines scènes; moi aussi... Sur le tournage, j’ai eu les larmes aux yeux. Quand vous êtes au haut d’une échelle, votre caméra à l’épaule complètement dans le vide et tenu par un câble; que Jeanne vous regarde avec ce visage complètement en fer, on ne peut pas ne pas être envahi par une intense émotion.
 

LES DIFFERENTES JEANNE d'ARC


Ingrid Bergman.


Jeanne d’Arc, version TV.


Renée Falconetti.

Michèle Morgan.

Florence Carrez.

Jean Seber et Richard Widmark.

SA RENCONTRE AVEC MILLA
La rencontre de Besson avec Milla Jovovich mérite d’être rapportée. La première fois qu’ils se croisent, elle ne lui plaît pas pour le casting du “Cinquième Elément”.
Au terme d’un bref entretien, il la trouve parfaite pour le rôle du “Cinquième Elément”. En huit films, Besson n’a fait tourner qu’une seule actrice confirmée: Isabelle Adjani. C’est un art; il prend une pierre brute et la polit à sa manière. Jovovich est le joyau idéal.
A onze ans, cette Ukrainienne transfuge est devenue la plus jeune fille à apparaître sur la couverture d’un magazine de mode. Les Jovovich ont émigré aux USA lorsqu’elle avait cinq ans. Sa mère était actrice et s’imaginait, sans doute, que Hollywood était la destination rêvée. Mais peu de temps après son arrivée en Californie, le couple se sépare et ses plus grands rôles, elle les interprète derrière un comptoir en tant que serveuse pour subvenir aux besoins de sa maisonnée. Et ce, jusqu’au début de la carrière de Milla qu’elle prend en main. Un peu trop au goût de la jeune fille même si, à seize ans, elle a déjà amassé plus d’un million de dollars.
 


Dustin Hoffman.


Luc Besson.

SON PHYSIQUE ACCROCHE...
Elle alterne prises de vue et soirées à n’en plus finir; puis, épouse un flirt à Las Vegas. Trois mois plus tard, la mère fait annuler le mariage. Milla veut, alors, s’essayer à la musique et enregistre un disque, mais sa voix ne vaut pas ses yeux si bleus. Aussi, commence-t-elle à regretter son métier de mannequin-vedette, d’autant qu’elle a besoin d’argent, son père ayant été arrêté pour fraude bancaire. Poursuivi pour détournement d’un milliard de dollars, il est condamné, en 1994, à vingt ans de réclusion.
Ensuite, sa mère pousse Milla à suivre des cours d’art dramatique. Mais quoi qu’elle fasse, c’est son physique qui accroche, jusqu’au “Cinquième Elément” où Besson lui offre un grand rôle... Elle devient son égérie ayant tout de l’idéal féminin: intelligente, ambitieuse et belle. Avec la grâce en plus, il est naturel que Besson en fasse sa Jeanne d’Arc.
Elle ne s’est jamais sentie écrasée par l’ampleur de ce rôle. Perfectionniste, elle a appris à sauter de cheval avec une armure de plus de vingt kilos sur le dos et s’est familiarisée avec le délicat maniement de l’épée. Une fois le tournage terminé, elle en a profité pour passer à autre chose. C’est normal, puisqu’elle a tous les talents. Aussi, elle devient l’égérie de L’Oréal. Elle sait, aussi, chanter et enregistre chez EMI un album avec son groupe “Plastic As Memory”. (Devenue la compagne de Besson après le “Cinquième Elément”, le couple s’est séparé sur le tournage de “Jeanne d’Arc”).
 


Amber Valetta et Desmond Harrington.


Vincent Perez et son épouse Katarina.

QUELQUES “JEANNE D’ARC” INOUBLIABLES
Revenons, à présent, sur les quelques “Pucelles” inoubliables. Depuis qu’il existe, le cinéma a encensé Jeanne d’Arc qui a été portée plusieurs fois à l’écran en cent ans, comme un mythe, à l’instar du Christ. Carl Dreyer qui a réalisé l’une des premières productions cinématographiques consacrées à la “gamine de Domrémy”, explique ce que celle-ci inspire: “Elle fait découvrir la tragédie humaine et retrouver la fille qu’elle était avant de devenir militante et sainte”.
Qu’en reste-t-il? La première actrice qui l’a incarnée, s’appelait Jean Seberg: comédienne âgée de 19 ans, confiée à un réalisateur autrichien doué, Otto Preminger. En 1957, elle débutait au cinéma avec “A bout de souffle”. Jean ignorait les  ficelles du métier et ne savait pas pleurer sur commande. Preminger la giflait à toute volée; puis, filmait ses larmes en gros plan. “Jeanne” était donc très émouvante. Le scénario était adapté par Graham Greene, d’une pièce de George Bernard Shaw; les dialogues le disputaient en acidité avec la brutalité du réalisateur. Et cela se passait quarante-deux ans de la “Jeanne” de Luc Besson. Richard Widmark qui donnait la réplique à Seberg, avait déjà tenu le même rôle au théâtre dans “Joan of Lorraine” en face d’Ingrid Bergman.
Si la “Jeanne” de Preminger n’a pas  convaincu, celle de Victor Fleming, avec Ingrid Bergman fut un triomphe. Il s’agit, pourtant, de l’un des deux plus mauvais films de l’auteur: d’“Autant en emporte le vent”, du “Magicien d’Oz” et de la “Belle de Saïgon”. Il faut reconnaître que les saintes plaisent aux spectateurs. Et à Ingrid, puisqu’elle sera une troisième fois Jeanne dans l’oratorio d’Honegger: “Jeanne au bûcher” sur un livret de Paul Claudel et filmé en 1954 par Roberto Rossellini. Avec lui, elle défraira la chronique mondaine et matrimoniale scandaleuse, au risque de compromettre sa carrière.
Simone Genevois fut, aussi, l’une des rares “Jeanne” à arborer ses dix ans à l’écran, dans la “Merveilleuse vie de Jeanne d’Arc”, de Marc de Gastyne, aux frontières du cinéma muet et parlant.
Puis, il y a eu “Le procès de Jeanne”, de Robert Bresson; “Jeanne la Pucelle”, de Jacques Rivette qui ont donné de la “bonne Lorraine” des images d’icônes et de chair vive. Renée Falconetti (Dreyer), Florence Carrez (Bresson) et Sandrine Bonnaire (Rivette) se ressemblent par une vision voisine de leurs regards de jeunes filles. Ces réalisateurs ont travaillé, selon leur style, dans l’humilité dépouillée; ils se dépassent en brossant le portrait d’une femme dont ils rendent le mythe à la fois quotidien et tragique.
Cecil B. de Mille s’empare de “Joan of Arc” pour jeter les bases de surproductions religieuses qui feront sa gloire. S’attaquer à ce sujet, constituait pour Luc Besson une gageure, car la Pucelle d’Orléans compte parmi les figures les moins vierges en productions cinématographiques. Entre la première “Jeanne d’Arc” de Méliès et celle de Besson, la “guerre des images” aura duré cent ans.

“JEANNE D’ARC” TRIOMPHE AUPRÈS DES FEMMES”
“Jeanne d’Arc superstar”, titre un confrère parisien en rapportant les résultats d’un sondage d’opinion dont il ressort que “Napoléon est en tête des suffrages, suivi de Charlemagne. Mais pour les femmes et les moins de 35 ans, Jeanne d’Arc est la plus grande”.
Ce sondage réalisé à l’occasion de la sortie du film “Jeanne d’Arc”, de Besson, classe comme suit des personnages célèbres de l’Histoire de France: Napoléon, 49%; Charlemagne, 45%; Jeanne d’Arc, 42%; Louis XIV, 39%; Vercingétorix, 25%; Henri IV, 25%; Robespierre, 18%; Louis XVI, 17%; Clovis, 12% et Saint Louis, 12%.
Expliquant ces résultats, Marc Ferro, historien, les juge logiques. “A l’école, dit-il, on apprend d’abord Charlemagne; on s’en souvient donc bien. Ensuite, Jeanne d’Arc est une héroïne qu’on rencontre plusieurs fois; elle marque les esprits. Puis, Napoléon parce qu’on va rarement plus loin que le XIXème siècle. Aucun homme du XXème siècle ne peut figurer dans les souvenirs d’enfance.”
Comment expliquer le culte populaire pour la Pucelle d’Orléans?
Jeanne d’Arc apparaît deux fois dans l’Histoire. D’abord, au XVème siècle comme l’héroïne que l’on connaît. Puis, elle a été effacée, parce que les rois ne voulaient pas tenir leur trône d’une femme; encore moins d’une... sorcière.
Au XIXème siècle, Michelet la ressuscite comme une paysanne qui incarne une terre disputée - la Lorraine - mais elle est condamnée par l’Eglise. Celle-ci va se mobiliser pour que l’héroïne ne soit pas une arme contre les catholiques. C’est ce conflit entre une Jeanne laïque et une Jeanne pieuse qui redonne vigueur à ce personnage historique.

LA PUCELLE, ENTRE LE MYTHE ET LA RÉALITÉ
En même temps que la sortie du film de Luc Besson, trois livres - pure coïncidence? - sont consacrés à la Pucelle d’Orléans, présentée comme “une authentique victime de l’intolérance religieuse et de la barbarie féodale”. L’auteur de l’un de ces ouvrages, Roger Caratini, s’appuie sur la lecture des manuscrits du procès, pour remettre les pendules à l’heure. Selon lui, la “bonne Lorraine” chantée par François Villon, née en réalité dans la région de Bar-le-Duc, n’a jamais été bergère. La légende de la sainte, icône propice à toutes les récupérations, a été fabriquée de toutes pièces sous la Restauration et, paradoxalement, sous l’anticléricale IIème République.
Puis, les Anglais ne sont pour rien dans la mort de la Pucelle. Les cent vingt-six juges qui l’ont condamnée et rendu la fatale sentence, étaient tous liés à l’université de Paris. L’évêque Cauchon, quant à lui, n’aurait été qu’un pur produit de l’Inquisition.
L’auteur de “Napoléon, une imposture”, précise que, si son action a été efficace sur le plan politique, le rôle militaire de Jeanne a été largement surestimé. Sa courte aventure guerrière, commencée avec la levée du siège d’Orléans, le 8 mai 1429, achevée devant Compiègne le 23 mai 1430 et limitée à quelques exaltantes apparitions, n’aurait pas eu un rôle déterminant dans l’issue de la guerre de Cent Ans.
Jean-Jacques Greif, plus mesuré, tente dans son livre de répondre aux interrogatoires qui entourent l’épopée ayant échoué le 30 mai 1431 sur la place du Vieux Marché à Rouen et se demande pourquoi le futur Charles VII a-t-il fait confiance à cette  inconnue de 17 ans? Comment a-t-elle réussi à entraîner les Français et à terroriser les Anglais?
Il rappelle au passage que le mot “pucelle” signifiait, simplement, jeune fille et note que si Jeanne vivait aujourd’hui, sa mère aurait consulté des spécialistes pour juger de l’état d’esprit de cette enfant de 13 ans qui croit entendre des voix.
Plus romantique, l’auteur du troisième ouvrage, Alain-Gilles Minela, suit Jeanne d’Arc de Domrémy à Compiègne et Rouen, en passant par Vaucouleurs, Chinon, Orléans et Reims. Il va, aussi, à la rencontre des lieux mythiques où s’est joué le destin d’un personnage “qui appartient au moins autant à l’Histoire qu’à la légende.”

LES ANGLAIS: “JEANNE A ÉTÉ TRAHIE PAR LES SIENS”
Quand on évoque le nom de Jeanne d’Arc, les Anglais la présente comme “une jeune fille lâchée par les siens”.
Certes, la mission divine de la Pucelle d’Orléans de buter les Anglais hors de France, n’est pas perçue avec le maximum de sympathie. Mais c’est une image positive qui ressort quand même des manuels scolaires.
Voici le souvenir qu’en garde Ian Selby (29 ans), diplômé de l’université de Cambridge: “Evidemment, Jeanne d’Arc a causé des problèmes à l’Angleterre, mais elle nous est surtout présentée comme un acteur clef de la guerre de Cent Ans. Si elle faisait effectivement partie du camp ennemi, on a plutôt tendance à la considérer comme une héroïne romantique, victime de la trahison de ceux pour lesquels elle s’est battue.
“Quant à la façon dont on l’a fait mourir si jeune, elle ajoute encore à la bienveillance que l’on peut ressentir.”
Michaël (21 ans) se souvient des petits livres illustrés de son enfance. “A travers Jeanne d’Arc, on nous faisait passer le message de la valeur universelle, des deux qualités que sont la volonté et le courage. Puis, finalement au bout du compte, ce sont les Anglais qui ont eu le dernier mot.”
Le journal “The Guardian” a saisi l’occasion de la sortie du film de Luc Besson pour rappeler que “les campagnes napoléoniennes et, aussi, le double veto du général de Gaulle à l’entrée de la Grande-Bretagne au Marché commun en 1963 et 1967, n’ont pas favorisé la cordialité d’une entente franco-britannique pourtant officiellement signée en 1904.”
Enfin, au-delà des affrontements directs sur les champs de bataille de l’Histoire, la vision de Gilbert Keith Chesterton, écrivain, résume à elle seule la complexité des liens existant entre un Anglais et un Français: “Quand un Anglais finit par comprendre un Français, dit-il, c’est qu’il a réussi à comprendre le plus étranger des étrangers.”


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