LEADER DES KATAEB MOUNIR EL-HAJJ:
"LE LIBAN A BESOIN D'UN CHANGEMENT RADICAL DE MENTALITE"

"Quand Mounir El-Hajj parle, la réunion prend fin”, disait feu Maurice Gemayel, façon de reconnaître la force de persuasion de l’homme qui vient d’accéder à la tête des Kataëb.
Il est connu pour être un “pacifiste”, se distinguant par sa longueur de vue et son calme devenu proverbial. Bien que dernièrement, il s’est emporté - ce qui lui arrive rarement - au cours d’une réunion du directoire du parti, dont le siège a été perquisitionné, à sa demande, par les forces de sécurité pour y rétablir l’ordre.
 

Le première question a porté sur la crise des Kataëb.
“Qu’en est-il des tiraillements qui ébranlent, en ce moment, votre parti?”, lui avons-nous demandé.
Je m’excuse, dit M. El-Hajj, de ne pouvoir répondre à  cette question, car de hautes instances m’ont demandé, ainsi qu’à mes camarades, d’œuvrer en vue de refroidir le climat, pour préparer la voie à la reprise du dialogue dans une atmosphère moins crispée.
Leur désir rejoint ma conviction personnelle. Car je sais, étant un homme de dialogue, pratiquant la dialectique politique et juridique à tous les niveaux depuis plus de quarante ans, que la persistance de la discussion dans un climat survolté est inutile, puisqu’au lieu de rapprocher les opinions, elle les éloigne davantage, au point d’inciter toutes les parties à s’attacher à leur opinion et leur position.
Je suis sûr que nous dépasserons cette crise, parce qu’elle ne porte pas sur l’essence des questions qui nous rassemblent. Elle est suscitée par des réactions exagérées à des faits simples et élémentaires s’insérant dans le cadre du devoir.

LES KATAËB, PARTI DU  POUVOIR?
On a attribué, à M. El-Hajj une réflexion dont il ressort que les Kataëb étaient redevenus le “parti du Pouvoir”. Il s’explique: Je ne me rappelle pas avoir tenu de pareils propos que j’adopte, à condition de distinguer entre l’Etat et l’Autorité.
L’Etat est l’ensemble des institutions gérées par les lois organiques, alors que l’Autorité représente les attributions dont  s’acquittent des personnes placées à la tête de ces institutions.
De là, l’obligation pour tous les citoyens de se réclamer du “parti de l’Etat”, parce qu’il a été institué par leur volonté commune.
En revanche, on peut soutenir l’Autorité ou s’y opposer, celle-ci ne pouvant se transformer en parti, bien qu’elle émane d’une majorité partisane déterminée, comme dans la plupart des Etats démocratiques. La neutralité est une marque fondamentale de l’Autorité.

Quelle est votre position envers la néo-opposition?
L’opposition est de deux genres: il y a, d’un côté, l’opposition absolue et, de l’autre, l’opposition relative. La première rejette le gouvernement et œuvre en vue de provoquer son renversement pour prendre sa place.
Quant à l’opposition relative, elle s’emploie à dénoncer l’erreur et à la rectifier, tout en encourageant l’orientation saine. Bien qu’elle ne soit pas affranchie totalement de la même motivation qui fait agir la première.
Partant de là, le Liban a besoin d’un changement radical dans la mentalité, ce qu’il attend de longue date. Aussi, espère-t-il du président Lahoud de le réaliser.

DÉCENTRALISATION ADMINISTRATIVE
Comment jugez-vous le projet sur la décentralisation administrative?
La décentralisation administrative vise un triple objectif: transposer la décision au plan du développement régionaliste, du Pouvoir central à un organisme local élu, comme c’est le cas dans la plupart des pays démocratiques.
Second but: rapprocher le plus possible le citoyen des instances chargées d’accomplir les formalités officielles. Enfin, réaliser l’auto-développement.
Ces objectifs doivent être réalisés en même temps, sinon la décentralisation perd sa raison d’être. A mon avis, le projet y relatif dont les commissions parlementaires ont été saisies, ne tient pas compte de tous les éléments de la décentralisation.
En effet, les organismes locaux ne sont pas élus, directement, par les citoyens. Puis, il lie les décisions de ces organismes à une tutelle rigoureuse, alors que leur autonomie doit être complète.
Enfin, il faut que l’administration locale puisse prélever une proportion plus substantielle sur les recettes du Trésor.

Comment votre parti conçoit-il la nouvelle loi électorale et pourquoi cette dernière a-t-elle tardé à être élaborée?
On se trompe en croyant que la réactivation de la vie politique peut se produire à travers une loi électorale, même bien conçue et exemplaire. Ceci est lié à bien des facteurs non compris dans cette loi.
La question est de savoir quels objectifs la loi veut atteindre à travers le découpage des circonscriptions. A ce propos, nous avons effectué une étude approfondie apportant une réponse à cette question et avons abouti aux déductions ci-après: la loi électorale doit viser une représentation nationale saine, doublée d’une orientation nationale dans ce sens, la circonscription de moyen terme et mixte pouvant y aider.
La tendance générale confirme cela. Quant à la date à laquelle la nouvelle loi électorale sera promulguée, je souhaite qu’elle le soit avant la fin de l’année courante.

Vous réclamez une nouvelle loi sur les partis. Comment la concevez-vous?
Elle devrait reposer sur les principes suivants: garantir la liberté de fondation des partis, celle-ci ne devant être limitée par aucune restriction; assurer, en même temps, la liberté de pensée des membres, cette dernière devant être uniquement définie par le pacte national et la Constitution libanaise; les partis sont tenus d’élaborer un projet politique complet et clair; enfin, rendre obligatoire l’appartenance à un parti à quiconque brigue un siège parlementaire.

Comment évaluez-vous la gestion gouvernementale? Est-elle conforme au discours d’investiture et à la déclaration ministérielle?
Le discours d’investiture promet l’instauration de l’Etat de droit et des institutions, la lutte contre la corruption et la réforme administrative. Le président Lahoud, l’exemple et le modèle, est fidèle autant que possible, à ces principes, à savoir: le respect de la loi, la lutte contre la corruption et l’application de la règle du châtiment et de la récompense. Il en a indiqué les entraves et les conditions, en particulier le facteur temps. Si le premier pas de la réforme, qui a consisté en des mutations, nominations ou mises au rancart n’a pas réussi, c’est parce que les organismes de contrôle de l’Etat n’ont pas présenté des dossiers complets. Les présidents de la République et du Conseil s’étant heurtés à des obstacles dans l’application de la réforme, il est nécessaire d’élaborer un plan et d’assurer les éléments à son application.
Quant à la lutte contre la corruption, elle a arrêté le gaspillage, réactivé les rouages administratifs et mis en relief l’importance de la comptabilité.

Que pensez-vous de la déclaration ministérielle?
Elle a le même contenu que le discours d’investiture, en plus du volet socio-économico-financier. Sur ce plan, le gouvernement est déterminé à trouver une solution. Mais le legs est lourd et complexe. Aussi, en l’absence de solutions magiques ou radicales, le gouvernement a-t-il opté pour des plans d’essai.
Le sauvetage est une responsabilité nationale. Il importe de trouver une solution au dossier socio-économique, non seulement en assurant au peuple un minimum de bien-être, mais en réglant aussi d’autres questions, à savoir: la médication, l’enseignement, les services et la résistance.

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

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