APRES LA RECONTRE LAHOUD-JOUMBLATT
KORAYTEM ET MOUKHTARA COORDONNENT LEURS POSITIONS

Au fur et à mesure qu’on approchera de la date des législatives de l’an 2000, la controverse s’intensifiera chaque jour davantage et, avec elle, les spéculations autour des dispositions de la nouvelle loi électorale.

On se perd en conjectures sur le découpage des circonscriptions, pierre d’achoppement du projet gouvernemental. Ainsi, on parle de découper le Mont-Liban en quatre circonscriptions; le Liban-Nord, en deux; la Békaa en trois; Beyrouth en deux, alors que le Liban-Sud resterait “unifié”. Sans doute, en raison du maintien de bon nombre de villages sous le régime d’occupation le long du cordon frontalier.
Pourtant, le chef de l’Etat ne cesse d’affirmer qu’il favorise une loi ne comportant pas d’exceptions, assurant l’égalité des chances aux candidats et l’intégration nationale. Autrement dit, une loi qui ne serait pas conçue à la mesure de personnes déterminées, comme ce fut le cas dans les années 92 et 96!
En dépit de l’importance de cette loi, l’événement le plus marquant durant la dernière quinzaine a été, sans conteste, la visite que M. Walid Joumblatt, leader du parti socialiste progressiste, a faite au président Emile Lahoud, en compagnie des députés membres du Front de lutte nationale, bloc parlementaire du PSP.

LA RENCONTRE LAHOUD-JOUMBLATT
Cette rencontre est considérée comme un tournant quant à l’avenir des relations entre Baabda et Moukhtara. Les deux parties ont relevé “le climat positif ayant régné durant ces retrouvailles”. On sait que des  réunions se tiendront, successivement, à l’effet de concrétiser les points ayant fait l’objet d’une entente de part et d’autre, surtout en ce qui concerne les questions - celles en rapport avec la loi électorale et les personnes déplacées - qui préoccupent le leader druze.
A présent, les milieux politico-parlementaires observent la réaction que suscitera la rencontre Lahoud-Joumblatt auprès de M. Rafic Hariri, dont le chef du PSP est, comme on sait, le principal allié. D’autant que la néo-opposition subirait un coup dur, si M. Joumblatt devait prendre ses distances de l’ex-Premier ministre, en ouvrant une nouvelle page avec le régime, ce qui semble être le cas!
Cependant, certains milieux soutiennent que le rapprochement entre Baabda et Moukhtara ne devrait pas, nécessairement, torpiller l’alliance entre Moukhtara et Koraytem.
Toujours est-il que ces mêmes milieux proches de M. Hariri, lui prêtent l’intention de rendre visite au président de la République, dès son retour de Washington, pour lui faire part de la teneur des entretiens qu’il a eus dans la capitale fédérale avec plusieurs hauts responsables US.

QUE FERA HARIRI?
A ce sujet, les observateurs s’attendent que l’ancien chef du gouvernement opte entre diverses attitudes: s’aligner sur la politique du régime, sans poser de conditions préalables ou, au contraire, radicaliser sa position à l’égard de Baabda, d’autant qu’il dispose de garanties de la part d’instances régionales et internationales quant à son avenir politique, qu’il soit au Pouvoir ou en dehors du Grand Sérail.
En fait, soutiennent ses proches, M. Hariri est arrivé dans son conflit politique avec le Pouvoir et, surtout, avec le gouvernement, au point qu’il lui importe moins de réintégrer la présidence du Conseil, que de conserver sa position et ses acquis.
Aussi, appréhende-t-il le plus la nouvelle loi électorale et il a fait part de ses craintes au ministre de l’Intérieur, lorsqu’il l’a croisé, dernièrement, à la Chambre des députés à la faveur d’une séance plénière.
De toute manière, les jours à venir permettront de connaître les résultats de la “rencontre de Baabdate”, le général Jamil Sayed, directeur de la Sûreté générale, poursuivant ses conciliabules avec le clan joumblattiste, dans le cadre des réunions du comité de suivi chargé d’étudier les dossiers requérant des solutions rapides, tel celui des personnes déplacées.
Aux dernières nouvelles, dès son retour de Washington via Paris, M. Hariri s’emploie à se renseigner sur les conséquences de la visite de M. Joumblatt au président Lahoud. Selon les premiers indices, il semble que le chef du PSP ne serait pas enclin à lui tourner le dos, les deux hommes ayant besoin l’un de l’autre au plan électoral, spécialement dans les circonscriptions de Beyrouth et du Mont-Liban.
En effet, M. Hariri ambitionne de devenir le chef de file du bloc parlementaire le plus nombreux sous l’hémicycle, dans l’espoir de pouvoir mieux influer sur la politique officielle et, partant, de réintégrer le Grand Sérail.

BEYROUTH SERA-T-ELLE PARTAGÉEEN TROIS CIRCONSCRIPTIONS?
La preuve en est donnée par la générosité dont l’ancien Premier ministre fait montre en dispensant les bourses scolaires dans les différents districts, spécialement au Chouf et à Iklim el-Kharroub.
Cependant, M. Hariri ne tardera pas à constater qu’il ne lui sera pas loisible, cette fois, de constituer les listes de candidats selon son bon plaisir, en dépit de ses possibilités matérielles.
Puis, il croyait pouvoir exploiter l’intention prêtée aux hautes autorités de partager Beyrouth en plusieurs circonscriptions, pour rassembler autour de son nom une grande partie de l’électorat beyrouthin.
Malheureusement pour lui, le président Salim Hoss a dissipé ses illusions, en annonçant qu’il était opposé au découpage de la capitale et tenait à son unité.
Pour le moment, on s’attend à l’éventuelle audience que le président Lahoud accorderait au président Hariri qui aurait effectué un déplacement, au préalable, sur les bords du Barada.

LEVÉE DE L’IMMUNITÉ ET ENRICHISSEMENT ILLICITE
Entre-temps, l’Assemblée doit se pencher sur deux dossiers particulièrement chauds, à savoir: la demande de levée de l’immunité couvrant M. Habib Hakim, député du Metn; et le projet sur l’enrichissement illicite.
Ces deux questions avaient été reportées jusqu’au retour du président Nabih Berri de Pologne et de Bulgarie. Le chef du Législatif devrait en hâter l’examen après que les commissions parlementaires qualifiées en eurent achevé l’étude en son absence.
En ce qui concerne le “cas Hakim”, les milieux parlementaires s’attendent que le parlementaire metniote réclame la levée de l’immunité qui le couvre, pour pouvoir comparaître devant le Parquet, à l’effet de réfuter les chefs d’accusation portés contre lui, dans l’affaire de l’incinérateur de Bourj Hammoud.
En ce faisant, M. Hakim tirera d’embarras de nombreux collègues enclins à souscrire à la demande des autorités judiciaires, après la présentation par ces dernières de documents corroborant leur requête.

LES RELATIONS PRÉSIDENTIELLES
Par ailleurs, le président Berri a fait une longue déclaration dès son retour de voyage, dans laquelle il dissipe des esprits certaines impressions laissant croire qu’un froid caractériserait ses relations avec le chef de l’Etat.
Le chef du Législatif assure que ces relations sont au beau fixe, rien n’étant venu les perturber ou les compromettre. “Le président Lahoud, a-t-il affirmé, s’acquitte à la perfection de son rôle d’arbitre entre l’Assemblée et le gouvernement”.
De plus, il a appelé les hommes politiques à mettre une sourdine à leurs dissensions, afin de conforter le front interne et permettre au pays de traverser sans dommage cette phase particulièrement délicate, qualifiant d’exagérée l’allégation selon laquelle l’accord de Taëf serait mal appliqué.
En ce qui a trait à la loi électorale en cours de gestation, M. Berri s’est prononcé en faveur des grandes circonscriptions, “pour la raison que les petites favorisent le confessionnalisme et le sectarisme”.
Enfin, les cercles politiques se sont arrêtés à la cabale particulièrement virulente déclenchée par certains opposants contre le Pouvoir et le Cabinet, suite aux récentes inondations. Les observateurs ont relevé le ton inhabituel utilisé par les médias pro-haririens, la “Future Television” notamment, et la façon dont ils ont présenté cette affaire, jugeant qu’elle porte atteinte au renom du Liban et défigure son image à l’étranger.
Il y a lieu, d’autre part, de mentionner la prise de position du chef de l’Etat à propos du secret bancaire. De fait, le président Lahoud a réaffirmé le souci du Pouvoir de préserver ce “secret”, tout en promettant de tout mettre en œuvre aux fins d’encourager les investissements.

NADIM EL-HACHEM

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