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LE NOUVEL ITINERAIRE DE LA PAIX?...
Pressé par M. Clinton, le gouvernement de la Mauritanie a décidé d’établir des relations diplomatiques avec Israël. C’est une décision courageuse, puisqu’elle a soulevé aussitôt des protestations populaires et universitaires à Nouakchott, accompagnées de remarques acerbes du secrétaire général de la Ligue arabe. Sous le parrainage du gouvernement américain, l’accord, à ce sujet, entre les deux parties, Israël et la Mauritanie, a été l’occasion d’une discrète cérémonie à Washington même.
Mme Albright, qui a le sens de l’humour, en a profité pour déclarer: “Cet accord favorisera le processus de paix”.

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La Mauritanie se trouve à quelque 7.000 kilomètres des frontières d’Israël et de la Palestine. Comment son initiative peut-elle accélérer le processus de paix entre Palestiniens et Israéliens qui n’ont pas fini de dresser la liste de leurs divergences? Ou entre Israéliens, d’une part et, d’autre part, Syriens et Libanais qui n’ont même pas encore pris langue?
Il faut croire que Mme Albright a un truc dans sa manche pour amener bientôt tout ce beau monde à suivre Nouakchott. Ce que l’exemple tout proche de l’Egypte, de la Jordanie et d’Arafat lui-même, personnellement, n’a pas produit sur l’état d’esprit en Syrie et au Liban, l’exemple de la Mauritanie le ferait-il beaucoup mieux? Incapable de briser la glace du côté du Golan syrien et la barrière de feu de l’aviation israélienne au Liban-Sud, la diplomatie américaine semble vouloir opérer une manœuvre de contournement par l’Afrique du Nord: aujourd’hui, la Mauritanie, demain l’Algérie de Bouteflika, probablement, le Maroc et la Tunisie, ensuite. Franchira-t-elle l’obstacle libyen et le soudanais? Du côté de la presqu’île arabique, les dés sont jetés: l’armée américaine y est installée à demeure aux frais des Etats pétroliers, pour les “protéger” contre un Irak en voie de destruction.
La Syrie et le Liban, ainsi isolés, ne viendraient-ils pas à résipiscence?
Si telle est la nouvelle tactique de M. Clinton pour achever son mandat présidentiel, “kippa” en tête, par une nouvelle cérémonie de signature de la paix sur la pelouse de la Maison-Blanche, on doit redouter une tragique méprise.

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Pendant ce temps, M. Arafat, qui n’en est pas à un retournement près, s’est engagé dans un nouveau défi à l’Etat libanais.
On a vu comment il a élevé au grade de général son représentant dans les camps palestiniens du Liban, M. Aboul-Aynaïne, au moment où cet homme est condamné par contumace par la Justice libanaise pour formation de “bandes armées”. Il l’a, en outre, nommé membre de son Conseil de Sécurité et de son Assemblée nationale.
Pourquoi les réfugiés palestiniens éprouvent-ils le besoin de s’armer? C’est, aussi, une question à laquelle on n’a pas encore de réponse.
A quoi joue M. Arafat au Liban et pour le compte de qui?
La tragique aventure de 1975, s’était achevée dans le sang, avec l’intervention militaire d’Israël, en 1982, l’évacuation de M. Arafat et de ses troupes par le port de Beyrouth. Aujourd’hui, M. Arafat opère, la main dans la main de M. Barak, entouré “d’experts” de la CIA, pour faire la paix et ériger son Etat. A quoi sont censés servir un général et des armes dans les camps du Liban? Pour se battre contre qui? Pour conquérir quoi? Quel est l’ennemi?
Le silence du gouvernement libanais à ce sujet est aussi bizarre que le comportement de M. Arafat. M. Salim Hoss s’est contenté de déclarer que le cas du nouveau général des camps de réfugiés est une affaire de procédure judiciaire. C’est un peu court comme réponse.
On conçoit bien le souci du chef du gouvernement de ne pas jeter de l’huile sur le feu. Il y a tout de même de la part d’Arafat un défi caractérisé. Qu’un condamné par contumace puisse  obtenir la révision de son procès dès qu’il se livre à la Justice, c’est la règle et c’est une échappatoire pour sauver la face à tout le monde. Mais que M. Arafat puisse exiger, via la Ligue arabe, l’annulation pure et simple par le Pouvoir exécutif d’un jugement d’un tribunal, cela donne la mesure du respect que porte le chef de l’Autorité palestinienne à l’organisation des pouvoirs libanais.
C’est trop lui demander.

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En définitive et dans tous les cas, de quoi s’agit-il?
Peut-être bien de ce processus de paix que Mme Albright relance à partir de Nouakchott... On n’est pas curieux, mais on voudrait bien savoir, pour ne pas errer, quel en est, au juste, l’itinéraire.
Et de quelle paix parle-t-on? 


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