Editorial



Par MELHEM KARAM 

DES "PORTEFAIX" AUX PHILOSOPHES DE TAEF

Combien paraît aisé le fait de parler de Taëf dix ans après la rédaction du document! Après dix ans, on parle de ce sujet sans réserve ou presque.
L’histoire n’est-elle pas toujours ainsi chez nous? On parle beaucoup de la liberté et de la démocratie... Mais pas de pratiques que par la réclamation qui, en elle-même, prouve la liberté du requérant quant à son droit.
L’accord du Caire était signé il y a trente-six ans dans la même situation. Les gens étaient, alors, répartis en deux: des gens avec l’accord et des gens contre ce document. Les uns et les autres, sauf l’infime minorité, n’avaient pas lu l’accord du Caire, ni pris connaissance de ses principales clauses.
Les gens qui étaient contre le chéhabisme en la personne du président Charles Hélou, qui avait pris la défense un jour du président Fouad Chéhab (dans un article sur le président absent) et des positions, alors qu’il se réclamait du chéhabisme, lui avaient fait grief, à l’époque, d’en être sorti et de s’être retourné contre lui. Bien que l’homme, le président Hélou, était resté conséquent avec lui-même, fidèle à ses convictions. Comme si dans son article, il se remémorait des paroles de Georges Pompidou, alors qu’il était Premier ministre sous le régime de Charles De Gaulle. Il a dit: “Le meilleur moyen de servir le Général est de s’opposer au Général”.
Ces paroles, le président Hélou le sait, Pompidou les a prononcées le jour où l’arrêt de mort a été rendu contre le général Jouheau, après qu’un autre arrêt avait été rendu condamnant le général Salan à la prison à perpétuité au début des années soixante. Comme si l’ermite de Kaslik, le second ermite, naturellement, après cheikh Béchara el-Khoury, se rappelait les paroles de Pompidou, le Premier ministre, pour dire que l’opposition basée sur la conviction personnelle sert deux personnes: l’opposant et celui auquel on s’oppose, pour préserver les sentiments.
Les gens, disons-nous, étaient de deux catégories par rapport à l’accord du Caire. Et les gens, trente ans après, sont les mêmes. Ils ont été de deux catégories par rapport à l’accord de Taëf; ils étaient ainsi depuis les deux caïmacamats et jusqu’à Taëf, en passant par Sykes-Picot, le Grand Liban, la Constitution de 1926, le Pacte de 1943 et le “ni vainqueur, ni vaincu” de 1958... jusqu’à ce jour.
Ceci est naturel. Les gens partout où ils se trouvent, sont de deux catégories, sinon la large vision s’estompe et l’esprit désertique prévaut sur l’esprit civilisateur. Comme si, à ce moment, les gens deviennent unis face à l’état du “Premier ministre” dans le monde arabe et dans le tiers-monde. Quel Premier ministre dans ce vaste univers, a une portée globale couvrant les deux tiers de la planète et les deux tiers de la démographie de cette planète... sauf dans le domaine protocolaire?
La cause de cela est dans le fait de prendre le parti d’une chose et de son contraire. Telle est la grande erreur, ne se liant à la même chose que dans la mesure où elle se lie aux gouvernants du temps au cours duquel elle est posée, pour que les gens se prononcent à son sujet.
Et cette question: Si Taëf était posé aujourd’hui, l’opinion de ses “portefaix” serait-elle pareille à celle de ses philosophes? Les “portefaix”, comme cela est maintenant connu, sont le groupe formé par le président Hussein Husseini, pour parvenir à un texte susceptible de satisfaire Dieu et ses créatures. Ils étaient astreints à un climat déterminé, en rapport avec la sécurité du Proche-Orient, à partir de la sécurité du Liban.
Aujourd’hui, après dix ans, même si la sécurité n’est pas définitivement stable, de la sécurité militaire, à la sécurité politique, économique et culturelle; aujourd’hui, les “portefaix” pourraient s’entendre avec les philosophes.
Etant entendu que les “portefaix” n’ont pu que changer ce qu’ils ont pu dans le texte... Les philosophes savent parfaitement que, quoiqu’ils philosophent, ils n’y changeront rien.
Pourquoi ces paroles après le dixième anniversaire?
Tout simplement pour dire que le Grand Liban, l’édifice national futuriste, à l’équation stable, ne peut regarder que vers un seul objectif, la patrie, chose posée pour l’édification de cette patrie et sa pérennité, le jour où elle recouvre sa vitalité.
Naturellement, nous ne minimisons pas le dialogue. Mais nous nous trouvons dans l’attitude de quiconque veut que ce dialogue ne se déroule pas selon l’équation de l’action et de la réaction.
La situation n’est-elle pas ainsi aujourd’hui au Liban?
Une autre question encore: L’heure n’est-elle pas venue de se débarrasser de la manœuvre qui consiste à enjoliver le grand jeu national?
Le 22 novembre, jour de l’indépendance, ces paroles sont plus pressantes qu’aucun autre jour. Bien qu’il s’agisse de paroles de chaque jour. Des paroles s’orientant vers la patrie unique, libre et indépendante. 

Photo Melhem Karam

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