MORT DE L'ACADEMICIEN ALAIN PEYREFFITE
UN ACTEUR ET UN OBSERVATEUR DE CE SIECLE DISPARAIT

Alain Peyreffite est décédé à l’âge de 74 ans des suites d’un cancer, laissant le souvenir d’une personnalité hors-norme de la droite, d’un intellectuel politique, farouche opposant de la gauche.intellectuel politique, farouche opposant de la gauche.
 

Le Garde des Sceaux en conversation
dans son bureau avec M. Melhem Karam
(photo d’archives - La Revuedu Liban
#1090 du 11 au  18 octobre 1981.

Politologue, sociologue, historien, romancier, académicien et homme de presse, Alain Peyreffite aura concilié tout au long de sa vie deux démarches souvent opposées: être un acteur et un observateur lucide dans le siècle.
Personnage à multiples facettes, l’académicien aura eu deux passions dans sa vie: La Chine et le général de Gaulle.
Bardé de diplômes, Lettres, philosophie, normalien et énarque, ce fils d’enseignant est né en 1925 dans l’Aveyron et a débuté dans la diplomatie en 1974 comme secrétaire d’ambassade, membre de la délégation française à la Conférence de Bruxelles sur le Marché Commun et l’Euratom, de 1956 à 1958.
Son élection en tant que député de Provins marquera le début de son étonnante carrière politique.
Il occupera la fonction de maire pendant trente-deux ans, ainsi que de sénateur RPR de Seine et Marne, de 1995 à sa mort.
En 1962, il est le plus jeune secrétaire d’Etat gaulliste.
Il sera, ultérieurement, nommé plusieurs fois ministre dans les ministères des Rapatriés et de l’Information, de la Recherche scientifique et de l’Education nationale, qu’il quittera suite aux événements de mai 1968.
Le président Pompidou en fait son ministre des Réformes administratives et du Plan en 1973; puis, de la Culture et de l’Environnement en 1974. Garde des Sceaux durant le mandat de Valéry Giscard d’Estaing, on lui doit une réforme du Code pénal (loi “Sécurité et Liberté”) décriée par les intellectuels et l’opposition pour son caractère répressif.
Le texte fut villipendé par une gauche qui voyait la marque du “tout sécuritaire”.
Alain Peyreffite aura même échappé à un attentat en 1986, imputé à Action Directe mais qui n’aura jamais été élucidé.
Opposant farouche du président François Mitterrand, M. Peyreffite en parallèle avec sa carrière politique, menait une carrière située à mi-chemin entre la littérature et le journalisme.
Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, on lui a connu des best-sellers comme “Le mal français”, “C’était de Gaulle” mais, surtout, l’extraordinaire “Quand la Chine s’éveillera” vendu à plus de deux millions d’exemplaires dans lequel il assurait que l’Empire du Milieu serait la superpuissance du XXIème siècle.
Féru, tout comme André Malraux, d’Extrême-Orient, cet ouvrage sera pourtant critiqué, certains reprochant au futur académicien de ne refléter que le point de vue officiel des autorités chinoises, réduisant à quelques pages sur 450 au total, la révolution culturelle.
Sinologue averti, il avait entrepris un voyage en Chine avant la rédaction de son livre, alors qu’il était le président de la Commission des Affaires culturelles à l’Assemblée nationale.
Il estimait qu’il fallait “avoir l’honnêteté de saluer la réussite de la révolution maoïste et de reconnaître son caractère totalement inapplicable à la situation des pays avancés d’Occident”.
Avec “Empire immobile”, paru en 1989, il évoquait l’histoire des relations diplomatiques entre la Chine et l’Occident.
Dans “La Tragédie chinoise”, il revenait sur la Chine contemporaine, un an après la révolte réprimée dans le sang des étudiants de la Place de Tiananmen.
En 1996, dans “La Chine s’est éveillée”, l’académicien écrira que “le pays ne cessera plus d’étonner le monde sans forcément le faire trembler, à condition de poursuivre son parcours sur l’ère que Dieng Xiaoping avait tracée...”
Alain Peyreffite a consacré les dernières années de sa vie à l’écriture mais, aussi, au journalisme.
Il présidait, depuis 1983, le Comité éditorial du “Figaro”.
Elu à l’Académie française en 1997, il cherchait comme il aimait à le dire: à faire rayonner, se faire comprendre et avoir une influence sur les autres...”
En septembre dernier, Peyreffite était sous les feux de l’actualité en cosignant avec l’académicien Alain Decaux le texte “1940-1945. Celui qui a dit non”, un spectacle de Robert Hossein.
Alain Peyreffite, le baron du gaullisme, l’écrivain de génie et l’académicien, était chevalier de la Légion d’honneur et Commandeur des Arts et des Lettres.
Dès l’annonce de sa mort, le président Chirac a fait part de son émotion et de sa tristesse, en saluant la mémoire d’“un très grand Français qui servit l’Etat autant que la pensée, l’Histoire en train de s’écrire autant que la réflexion sur l’Histoire”.
Le Premier ministre Lionel Jospin a, lui aussi, salué la “figure de presse et de la vie politique de la Vème République”, en évoquant un “acteur engagé aux fidélités constantes, volontiers polémiste”.
Le président RPR du Sénat, M. Christian Poncelet, a estimé que “la France perdait une grande figure de la Vème République”, tandis que le député Jacques Baumel confiait que “sa disparition était une immense perte pour les Lettres, pour le pays et pour le gaullisme.”
Alain Peyreffite avait la volonté des calmes, il était de ceux qui aimaient à manier les idées abstraites mais désiraient aussi les confronter à la pratique.

S. N.

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