Brûlures à l’eau chaude: la négligence
ayant des conséquences
graves sur le développement de l’enfant est
une forme de maltraitance.
![]() agressionssexuelles doivent être le plus sévèrement punies.” |
![]() mal censurés apparemment inoffensifs contribuent, indirectement, à la culture de la violence. Ce petit garçon a reçu plusieurs coups de poings. |
Ne pensez-vous pas qu’il est impératif de ne pas dévoiler
l’identité des enfants maltraités?
Il est essentiel de respecter l’intimité de l’enfant et de garder
l’affaire anonyme. Nous devons remercier les médias, car grâce
aux journalistes, nous arrivons à savoir ce qui se passe et ces
crimes sont dévoilés. Il faudrait, cependant, respecter une
éthique pour ne pas dévoiler l’identité des victimes,
quoique dans certains cas, les parents insistent à montrer l’enfant
agressé.
Ne comptez-vous pas présenter une proposition de loi à
ce sujet?
C’est une bonne suggestion et ceci devrait se faire.
Ne faudrait-il pas braquer davantage les lumières sur les
agresseurs que sur les victimes?
Le nom de l’agresseur est toujours signalé, mais celui de l’enfant
n’est pas oublié. De toute façon, une fois que le jugement
sera rendu, le nom de l’agresseur va de nouveau être dans la presse
et ce dernier recevra son châtiment.
RENFORCER LES PEINES
D’après la loi, que risquent exactement les violeurs?
On vient de nous communiquer la nouvelle loi et nous avons demandé
l’alourdissement des peines. Ainsi, dans l’article 505 du Code pénal,
la peine sera portée de cinq à sept ans, si l’enfant a entre
7 et 12 ans et le minimum de la peine sera de quinze ans si l’enfant n’a
pas excédé 7 ans.
L’article 506 a, également, été modifié
et les agresseurs seront punis des travaux forcés pour une période
non inférieure à cinq ans.
Le nombre des enfants maltraités augmente. A votre avis, sommes-nous
arrivés là à cause de la guerre, de la pauvreté
ou surtout faute d’une politique sociale?
Effectivement, le nombre des enfants maltraités augmente. Il
y a, tout d’abord, la pauvreté, le chômage, l’ignorance qui
sont des raisons de base à travers le monde. En plus, la guerre
a beaucoup détruit les valeurs familiales qui faisaient du Liban
un pays privilégié. A cela s’ajoute le fait que certains
parents se réfugient dans la drogue et l’alcool; de ce fait, ils
deviennent très violents avec leurs enfants.
Du point de vue culture, le cinéma, les jeux électroniques
prônent la violence. Il y a, également, le côté
macho que nous avons dans ce pays et quand cette attitude se manifeste
envers la mère, elle se retourne contre les enfants.
Les agressions sexuelles doivent être le plus sévèrement
punies. Elles vont de l’âge de 2 ans, voire d’un an et demi (cas
du bébé de Saïda) jusqu’à 18 ans. En général,
la violence domestique représente 85% des cas de maltraitance des
enfants.
Manque d’affection et violence exagérée:
tel est le
cas de cette fillette fortement giflée à
l’âge de 4 mois.
L’âge minimum de travail a été relevé
de 8 à 14 ans en 1996. Ne s’agit-il pas toujours d’un âge
très précoce?
Je pense, effectivement, que c’est un âge très précoce.
Cependant, à l’époque (fin 96), il n’y avait pas encore d’enseignement
primaire obligatoire adopté il y a à peine un an et demi.
Alors, à ce moment-là, si les lois sont appliquées
et on n’envoie pas les enfants à l’école, on les jette dans
la rue.
POUR UNE SCOLARISATION OBLIGATOIRE
Maintenant que la scolarisation est obligatoire, pourquoi ne pas
modifier la loi?
J’attends que la loi de scolarisation obligatoire soit appliquée
et l’élaboration par le gouvernement d’un agenda d’application,
car nous n’avons ni les places, ni les locaux nécessaires, ni le
niveau académique requis. Ceci relève du ministère
de l’Education et des moyens dont dispose l’Etat.
Or, l’Etat n’a pas de baguette magique et les places nécessaires
dans les écoles sont limitées. Ensuite, dans la reconstruction
du Liban, on n’a pas donné les priorités qu’il fallait. On
aurait dû accorder beaucoup plus d’importance aux écoles,
ce qui n’a pas été le cas.
En attendant, je pense que la société civile et les gens
devraient beaucoup plus aider tout ce qui touche à l’instruction.
C’est notre principal capital et le droit de base d’un enfant. Au Liban,
les gens sont beaucoup plus généreux dès qu’on parle
d’un lieu de culte à quelle que religion qu’il appartienne.
Ne pensez-vous pas que la loi ne protège pas les enfants,
surtout qu’il est presque autorisé de les employer à domicile?
Le Code du travail n’incluait pas les enfants qui travaillent à
domicile et dans les champs. Depuis deux ans, la loi a été
modifiée et le décret d’application doit venir du ministère.
De toute façon, puisque la scolarisation est devenue obligatoire,
ce problème devrait être résolu.
SECOURS AUX MINEURS EN DANGER
N’est-il pas possible de mettre en place des lignes téléphoniques
d’appels d’urgence pour assistance aux mineurs en danger?
Ce sujet a été longuement traité au sein de la
Commission des droits de l’enfant. Si on place des lignes téléphoniques,
il faudra une très grande organisation pour pouvoir appeler jour
et nuit. La personne appelée doit savoir comment traiter avec l’enfant
menacé. L’idéal est de créer une cellule au ministère
de la Justice et d’admettre des assistantes sociales dans les postes de
gendarmerie.
On peut, également, installer une ligne téléphonique
liée au ministère de la Justice, mais le problème
dans ce cas est que les gens sont capables de téléphoner
pour un oui et pour un non. Nous sommes en train d’étudier tout
ceci; les juges pour enfants devraient être spécialisés;
on a aussi besoin de locaux et de moyens financiers. J’espère que
ceci pourra se faire d’ici un an et demi.
Le côté positif de l’affaire est que, dans la société,
l’opinion publique est de plus en plus consciente que les enfants ont des
droits, chose qu’on ne reconnaissait pas auparavant. Aucun pays au monde
n’a encore trouvé la solution idéale.
Existe-t-il au Liban un marché de prostitution infantile?
Les enfants dans les rues ont beaucoup diminué grâce aux
mesures prises dernièrement. Ils représentaient un terrain
très fertile à la prostitution infantile.
Il y a un an, quand je disais que le Liban risque de devenir une étape
importante dans le tourisme sexuel, tout le monde a été choqué.
Heureusement qu’aujourd’hui, le problème des enfants de la rue a
considérablement diminué avec l’aide des campagnes de presse
de la Première Libanaise, du ministère des Affaires sociales
et du Travail.
![]() le droit de frapper un enfant. J’y suis tout à fait contre, car ceci ne sert strictement à rien. Un enfant maltraité sera un adulte abuseur”. |
![]() |
L’enfant y est agressé par les bombardements ou saute sur des
mines...
Si nous voulons une société bâtie sur des valeurs,
c’est par nos enfants que nous devons commencer et par les adolescents,
les adultes de demain. Les parents doivent être très clairvoyants
et courageux.
C’est ce que nous a déclaré le Dr Bernard Gerbaka, professeur-adjoint
de pédiatrie à l’Hôtel-Dieu de France, membre de plusieurs
associations pour la protection de l’enfant.
L’enfance maltraitée, dit-il, est difficile à définir
parce que la définition dépend de la conception qu’a la société
de l’enfance et de la maltraitance. Une société où
les crimes d’honneur sont encore autorisés, où des mineurs
portent des armes et où des enfants travaillent, est une société
qui n’a pas encore mûri sa conception de la maltraitance et de l’enfance.
Ceci étant, si l’on veut considérer la définition
universelle de la maltraitance, c’est toute forme d’agression ou de négligence
à l’égard de l’enfant.
L’agression morale est toute tentative d’humilier un enfant, même
s’il n’en est pas conscient. Les adultes peuvent répondre à
l’humiliation ou à la moquerie; les enfants sont incapables de le
faire. Leurs défenses ne sont pas adaptées aux agressions
de l’adulte.
Le nombre d’enfants victimes de mauvais traitements est-il en train
d’augmenter ou serait-ce plutôt les abus qui sont davantage signalés?
Récemment, un congrès a réuni une quinzaine de
pays arabes à Tunis où les abus d’enfants ont été
passés en revue. Il s’avère que ce que nous voyons de l’enfance
agressée, sexuellement, est le sommet émergeant d’un iceberg.
Un nombre très important d’enfants qui ne fait pas partie des
statistiques est abusé, sexuellement et le plus souvent on ne le
dit à personne.
Au Liban, les plaintes pour abus sexuels ont augmenté de manière
significative en cinq ans. J’ai personnellement soigné des enfants
abusés avant même que la société accepte leur
existence. En 1996, il y avait déjà 6.000 plaintes pour abus
sexuels dont la moitié concernait des mineurs. 85% étaient
des filles.
Le ministère de la Justice n’a plus publié de chiffres.
D’un côté, il faudrait éditer ces chiffres, mais de
l’autre, il faudrait que toutes les plaintes soient traitées à
huis clos; c’est une des exigences des défenseurs des droits de
l’enfant.
La presse ne doit pas montrer les photos d’enfants abusés, ni
dévoiler leurs noms. Les journalistes les agressent indirectement.
Le rôle du médecin n’est pas de tenir une conférence
de presse pour se montrer à la télévision; son rôle
est d’avertir la justice et de contribuer à l’éducation des
personnes qui en sont responsables, en les aidant à mieux identifier
les enfants abusés et en recommandant une prise en charge particulière
à l’enfant, psychologique, soit-elle ou juridique.
![]() A 2 ans, cet enfant illégitime a été volontairement écrasé par son père qui pensait pouvoir s’en débarrasser. Ayant survécu à l’accident, quelles séquelles pourrait-il garder? |
![]() A 4 mois, ce bébé souffre |
UN PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ
Quelles séquelles garde un enfant maltraité?
L’enfant maltraité n’oublie jamais; il peut pardonner. Parfois,
il se dévoile 10, 20, 30 ans plus tard et parfois, il ne se dévoile
jamais. Des études effectuées en Europe et aux Etats-Unis
avaient montré qu’entre 6 et 10% des personnes interrogées
avaient été soumises à des abus sexuels pendant leur
enfance (principalement des femmes). C’est donc un phénomène
de société.
Il faut lutter contre ces abus et élaborer une loi sur l’extraterritorialité;
c’est-à-dire que si j’habite le Liban et que je vais à Bombay
faire du tourisme sexuel, il faudrait que je puisse être jugé
au Liban à mon retour, même si je n’ai pas commis l’acte au
Liban.
Si l’enfant survit à l’abus, les séquelles peuvent être
aussi bien physiques que psychiques. Généralement, on voit
assez facilement les enfants maltraités physiquement. La loi libanaise
a tendance à considérer qu’il faut un instrument pour dire
que c’est un abus physique (un fouet, une ceinture, etc...). Si l’enfant
est frappé à mains nues, on parle d’éducation sévère.
Non! Ceci n’est pas le cas. Il faut délimiter clairement qu’on n’a
pas le droit de frapper un enfant. J’y suis tout à fait contre,
car ceci ne sert strictement à rien. Un enfant frappé, sera
un adulte frappeur. Il faudrait punir l’enfant en lui expliquant la raison
pour laquelle il a été puni; il pourra ainsi reconnaître
le faux du vrai sans craindre seulement l’adulte. 90% des enfants au Liban
sont frappés, la plupart d’entre eux pensent que c’est un bon moyen
d’éducation et qu’ils agiraient de la même façon une
fois adultes.
Cette fillette de deux ans, ne s’arrêtant pas
de hurler, a été transportée en urgence. Suite à
une radiographie, il s’est avéré qu’une aiguille avait été
plantée dans sa gorge pour la faire taire. Après un examen
très minutieux, le médecin a découvert plusieurs autres
aiguilles dans le corps de l’enfant introduites quelques mois auparavant.
***
CE QUE LA LOI CONDAMNE
Dans le Code pénal. L’article 505 du chapitre des attentats aux mœurs condamne toute personne qui aura commis l’acte sexuel avec un mineur de moins de quinze ans, à des travaux forcés à temps. Le minimum de la peine sera de cinq ans, si l’enfant n’avait pas douze ans révolus. L’article 506 précise: L’acte sexuel commis avec un mineur de quinze à dix-huit ans par son ascendant légitime ou naturel, son allié dans la ligne ascendante et toutes personnes exerçant sur lui une autorité légale ou de fait, ainsi que par les serviteurs desdites personnes, sera puni des travaux forcés à temps. L’article 186 de la loi autorise les corrections infligées aux enfants par leurs parents ou leurs maîtres, dans la mesure où elles sont tolérées par le commun usage. A la question: Les parents ont-ils le droit de s’opposer à une décision judiciaire concernant la garde de leurs enfants dans des organismes spécialisés? Me Fady Moghaïzel précise: Seule la décision du tribunal est prise en compte. |
TÉMOIGNAGES
Caroline K. a, aujourd’hui, 27 ans et est mère de deux enfants. De famille bourgeoise, elle garde de très mauvais souvenirs de son enfance. Ses parents la laissaient, régulièrement, seule avec les employés de maison qui la battaient pour un rien. Quand elle se plaignait, tout le monde refusait de la croire. En l’accompagnant à l’école, le chauffeur la tripotait souvent en prétendant qu’il l’aimait. A 17 ans, elle a quitté la maison et s’est mariée. Elle garde, néanmoins, un sentiment de frustration et d’anxiété envers son entourage... Fady A. (24 ans): J’ai tenté, dit-il, à plusieurs reprises de me suicider. Tout a commencé, le jour où le responsable de cycle m’a demandé de passer à son bureau; j’avais 11 ans à l’époque et il a commencé à me toucher partout et à me dire que tout ceci était normal, mais que cela devait rester un secret. Je ne comprenais pas ce qui se passait et il me mettait les meilleures notes scolaires pour me récompenser... Le jour où j’ai tout compris, j’ai voulu en finir! Il a commencé à me menacer. J’ai appris, par la suite, qu’il a eu ce comportement avec plusieurs élèves. Ce type est, actuellement, directeur d’école... Je sens que ma vie est un cauchemar; les filles me font peur et je ne sais plus quel est le vrai chemin à prendre. Je crois que je ne comprends plus la notion des valeurs... |
COMPORTEMENT DE L’ENFANT SOUMIS À DE
MAUVAIS TRAITEMENTS
1 - Violence physique: * Méfiance à l’égard du contact des adultes * Inquiétude lorsque d’autres enfants pleurent * Comportement extrême (agressivité, retrait) * Peur des parents * Crainte de rentrer chez soi * Récit des blessures ou des négligences * Anxiété à l’occasion d’activités normales
2 - Manque de soins:
3 - Cruautés mentales:
Le petit enfant qui subit la violence s’identifie à l’agresseur: il comprend qu’il vaut mieux être du côté de celui qui donne les coups. |