![]() Poster électoral représentant Loujkov, Primakov, Vladimir Iakovlev, ex-gouverneur de Saint-Pétersbourg. |
![]() Soldats russes préparent le lancement d’un missile. |
La guerre sera donc plus longue que prévu et l’hiver enneigé
encore plus dur pour le 1,1 million de Tchétchènes et les
100.000 soldats russes engagés sur un espace de 19.300 km2.
La Douma sera projetée ce week-end sous les feux de l’actualité
par les législatives du 19 décembre qui ne devraient pas
changer le destin des 147 millions de Russes. Quand la guerre de Tchétchénie
avait été lancée, le 5 septembre dernier et même
auparavant lors des deux petites guerres du Daguestan, la classe politique
russe avait craint que la mobilisation des forces fédérales
soit le prétexte de l’instauration de l’état d’urgence dans
le pays et l’annulation des élections, législatives en décembre
1999 et présidentielles en juin 2000. D’aucuns avaient même
établi un lien entre cette guerre et les visées du Kremlin
qui l’aurait provoquée pour assurer la survie de la “Famille”.
Or, le Kremlin avait, entre-temps, lancé un pion gagnant sur
l’arène politique avec la nomination, le 9 août, de Vladimir
Poutine comme Premier ministre et dauphin de Boris Eltsine (qui avait visité
la Chine, la semaine dernière, en avait reçu le soutien à
la guerre et agité la menace nucléaire). A son adoubement,
le patron du FSB (ex-KG) faisait piètre figure avec 1% des intentions
de vote. Mais il s’est imposé, faucon parmi les faucons, aux côtés
des généraux qui se voulaient invincibles et déterminés
à gommer l’humiliation que leur avait infligée la première
guerre de Tchétchénie (décembre 1994 - août
1996). L’homme de l’ombre est, aujourd’hui, crédité de quelque
44% des intentions de vote, la guerre étant soutenue par 64% des
Russes. Elle devrait donc se poursuivre pour achever l’ascension du dauphin
et interférer, à court terme, dans le jeu des législatives.
Selon les sondages, le Parti communiste resterait la première
formation politique à la Douma fort, actuellement, de 25% des intentions
de vote (celles-ci tombent toutefois à 21% et 18% selon les instituts
de sondage). Il serait suivi de la coalition du Kremlin “Unité”,
conduite par Sergueï Choïgou; puis, de celle de Primakov-Loujkov
“Patrie-Toute la Russie”, du groupe réformateur Iabloko et d’une
pléiade de petits partis rêvant d’avoir pignon sur rue à
la Douma.
La seconde guerre de Tchétchénie aurait réussi
à banaliser la coalition du puissant maire de Moscou Iouri Loujkov,
bête noire du Kremlin et du non puissant ex-Premier ministre Evgueni
Primakov, lesquels avalisent la reconquête russe sans en approuver
tous les procédés. Le résultat des urnes sera bien
plus éloquent que les sondages et pourrait renverser les prévisions.
Dans leur désespoir et leur humiliation, contraints de quitter
leurs foyers, bon nombre de Tchétchènes qui, par hasard,
se retrouvent face aux caméras, font le lien entre leur calvaire
et les batailles électorales qui se déroulent à Moscou,
accusant même le Kremlin d’avoir commandité cette guerre.
Pauvres citoyens incultes à qui le bon sens inspire ces réflexions,
lesquelles sont répercutées et analysées par leurs
dirigeants. Ceux-ci, quasi absents du psychodrame, ont prouvé leur
incapacité de gérer un pays auquel ils rêvaient depuis
des générations, se faisant doubler par les rebelles auxquels
ils ne portent aucune sympathie. Au nom de la religion qu’ils exploitent
et bafouent, ces derniers ont fait du racket, des enlèvements (ils
détiendraient 2000 civils en otages), exécutions sommaires,
leur principale source de revenus, renflouant aussi leurs caisses de guerre
par la manne étrangère.
Les combats devront cesser quelques heures tous les jours, afin de
permettre à la population civile toujours terrée à
Grozny de fuir la capitale en empruntant deux corridors humanitaires supervisés
en personne par le ministre des Situations d’urgence, Sergueï Choïgou,
tandis que Poutine annonce plusieurs “options” ouvertes et que les généraux
prédisent dans quelques jours la chute de Grozny.
Rien n’a changé sous le soleil du Bon Dieu. En 1944, Staline
avait fait déporter au Kazakhstan tout le peuple tchétchène
qui n’était retourné chez lui qu’en 1957 dans des espaces
fortement réduits. La tragédie recommence dans le jeu diabolique
des puissances.