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Titulaire
d’un diplôme en sciences politiques de l’AUB, M. Bahaëddine
Itani est entré dans la politique par la grande porte, “sans se
laisser engloutir par ses sables mouvants et sans s’approcher de ses marécages”,
comme il le précise.
Ayant fait partie de la liste de la “décision nationale dont le chef de file est le président Rafic Hariri, il ne cesse de plaider en faveur de la concorde nationale et de se mobiliser pour dissiper l’extrémisme dans l’action politique. Soucieux de préserver, en les consolidant, le dialogue et la vie en commun, il se prononce en faveur “d’une paix basée sur les principes de Madrid et sur les résolutions de la légalité internationale”. |
A la question: Comment mettre fin au marasme économique et
sa persistance serait-elle due à l’énormité de la
dette publique, comme d’aucuns le prétendent?
M. Itani répond: La crise économique et ses répercussions
au plan social ont des causes multiples et complexes.
De tout temps, l’économie du Liban reposait, essentiellement,
sur les services aux plans commercial, bancaire, sanitaire et touristique.
Une telle économie a pour principal atout l’homme, la sécurité
et la stabilité internes étant ses piliers.
De plus, notre pays comptait jusqu’ici sur l’apport de fonds provenant
des pays d’émigration, surtout du monde arabe, après la découverte
des gisements pétrolifères dans les Etats du Golfe, l’Arabie
séoudite en tête.
Notre économie repose donc sur deux ressources: les services
et l’émigration. Or, la guerre de 75-90 a sérieusement compromis
la première, en raison de la fermeture des ports, de l’aéroport
et de la destruction de nos infrastructures, l’Etat s’étant trouvé
dans l’impossibilité d’alimenter le Trésor public en n’ayant
pu procéder à la perception des impôts et taxes.
Fort heureusement, les émigrés d’Afrique et des Etats
arabes ont continué à envoyer des subsides à leurs
familles, ce qui a permis à ces dernières de tenir le coup
durant les douloureux événements.
Dans les années 80, les pays d’Afrique ont pâti des séquelles
des guerres et crises internes. Ceci s’est répercuté, négativement,
sur nos émigrés. Ajouter à cela, la baisse des prix
de l’or noir dans les pays producteurs où un grand nombre de nos
compatriotes sont établis.
En 1989, la guerre libanaise a pris fin, suite à l’accord de
Taëf. Aussi, les fonds qui étaient initialement destinés
aux milices, ont-ils été versés au Trésor libanais
et l’Etat a pu remettre de l’ordre dans ses infrastructures.
Comment jugez-vous l’application de l’accord de Taëf, dix ans
après son élaboration?
Cet accord a constitué une station historique lumineuse dans
la vie du Liban. Pour la première fois depuis longtemps, les Libanais
se sont retrouvés à la faveur d’une conférence ayant
rassemblé ses forces politiques de toutes les tendances, pour débattre
de ses problèmes vitaux et de son avenir.
Les délibérations ont débouché sur le document
d’entente nationale dont l’application, même partielle, a arrêté
la guerre, tout en consacrant le système démocratique, l’unité
du peuple et de la terre, ainsi que notre identité arabe.
Il reste à abolir le confessionnalisme politique et à
appliquer d’autres clauses de l’accord. Ceci est normal et naturel, car
le changement nécessite du temps et un concours de circonstances
qui ne s’est pas encore présenté.
Mais en dépit des critiques formulées contre ledit accord,
je continue à croire en son utilité et en son efficacité.
Je n’en vois pas de substitut dans un avenir prévisible et il reste
la voie la meilleure de l’évolution et du progrès.
Comment concevez-vous la nouvelle loi électorale?
Elle doit traduire la volonté populaire et lui permettre de
s’exprimer librement loin de toute pression ou coercition. Puis, les forces
politiques de tous bords, tant politiques, partisanes, que communautaires,
doivent pouvoir choisir leurs représentants à l’Assemblée,
de manière que cette dernière reflète, réellement,
la volonté nationale.
Car en plus de son rôle de législateur et de contrôleur
de l’Exécutif, la Chambre doit être un lieu où le dialogue
entre les composantes libanaises peut être engagé en permanence,
pour l’empêcher de se transposer dans la rue.
Puis, le changement doit s’opérer à travers les institutions,
sans être coupé du passé dont nous devons tirer
les leçons qui s’imposent pour éviter les mêmes erreurs.
Une législature qui ne représenterait pas, scrupuleusement,
les forces politiques, les partis et les communautés, toutes tendances
confondues, constituerait un lourd fardeau pour la vie politique libanaise,
incapable de réaliser le changement tant souhaité.
A mon avis, une loi électorale valable ne peut être dissociée
de la réforme globale s’étendant à tous les secteurs
de la vie publique, cette loi devant en constituer le couronnement.
M. Védrine a fait état au cours de sa visite au Liban
d’un retrait israélien unilatéral du Liban-Sud. Au cas où
cela se réalisait, comment évoluerait la situation?
Au cours de sa dernière visite venant après celle de
son prédécesseur, M. Hervé de Charette, le chef du
Quai d’Orsay a traité trois questions: La reprise des négociations
syro-israéliennes; le retrait israélien du Liban-Sud et de
la Békaa-ouest; le sort des réfugiés palestiniens
au Liban.
La Syrie tient à la reconnaissance, par le gouvernement d’Ehud
Barak, de la promesse faite par Yitzhak Rabin de se retirer du Golan jusqu’aux
frontières du 4 juin 1967. Le président Assad est déterminé
à ne pas s’engager dans des négociations stériles
avec Israël, s’il ne reçoit pas à l’avance des garanties
sur l’aboutissement de ces pourparlers, à l’instauration de la paix
équitable,
globale et équilibrée.
Quant à la question du retrait israélien, l’attitude
libanaise et syrienne est unanime: le refus des manœuvres israéliennes;
l’unité des volets libanais et syrien en cas de maintien de l’occupation
israélienne ou de retrait unilatéral de Tsahal; la non responsabilité
du Liban et de la Syrie de la sécurité intérieure
d’Israël. Les entretiens de M. Védrine lui ont fait comprendre
que le retrait israélien doit s’effectuer en vertu de la résolution
425 du Conseil de Sécurité. En cas de retrait unilatéral,
les efforts libano-syriens seraient intensifiés pour faire face
à toute conséquence négative sur la sécurité
nationale, l’Etat libanais devant agir comme il l’a fait à Jezzine.
En ce qui concerne le volet palestinien, le Liban et la Syrie insistent
sur le droit de retour des Palestiniens à leur patrie.
Le Liban a mis en garde contre le non règlement de la question
des réfugiés que le président Lahoud décrit
comme une bombe à retardement menaçant la paix et la sécurité.
Le chef du Quai d’Orsay a compris l’attitude libanaise et déclaré
que la France refusait toute solution du problème des réfugiés
palestiniens au détriment du Liban.
La situation au Liban-Sud est fortement perturbée et on parle
de propositions israéliennes malveillantes. Qu’en dites-vous?
Depuis des années, le Liban-Sud est la scène du conflit
arabo-israélien dans ses diverses extensions. Les agressions israéliennes
quotidiennes contre les villages et la population sudistes sont des messages
lancés et des pressions exercées sur le Liban en premier
lieu, dans le but de séparer les volets libanais et syrien, de nuire
à l’économie libanaise, d’entraver le processus de reconstruction
et de développement. Ces agissements empêcheraient le Liban
de jouer un rôle économique efficace dans la région
afin qu’Israël y occupe seul une place prépondérante.
Cependant, la résistance vigilante à l’ennemi et les
victoires qu’elle remporte, a déjoué beaucoup de ses projets
et transformé le Liban-Sud d’une carte d’exploitation en impasse
de laquelle il tente de se dégager. L’Etat libanais, en coopération
et coordination avec la Syrie, agit en vue d’éviter les problèmes,
au cas où Tsahal se retirerait du Liban, sans accord préalable.