![]() |
M. Rouchaïd el-Khazen, député du Kesrouan, suit de près les développements des conjonctures locale et régionale. Ainsi, les tractations autour de la nouvelle loi électorale, le projet de la réforme et les causes qui ont provoqué son blocage, les relations libano-palestiniennes, le dialogue entre Baabda et le gouvernement, d’une part et l’opposition, d’autre part; ont été au centre de cet entretien. |
A l’occasion du 56ème anniversaire de l’Indépendance,
M. el-Khazen émet ces réflexions: La communauté internationale
a reconnu le Liban en tant qu’Etat indépendant dans ses frontières
actuelles. Mais sa souveraineté est incomplète militairement,
sécuritairement et, même, politiquement. Et ce, en raison
de l’occupation israélienne du Sud et de la Békaa-ouest et
de la présence palestinienne armée à l’intérieur
des camps qui échappent à l’autorité étatique.
Le régime n’est pas responsable d’un tel état de choses
et il s’emploie à recouvrer l’indépendance et la souveraineté,
en commençant par récupérer le prestige de l’Etat.
Au cours de la première année du mandat présidentiel,
il y a eu un changement: on traite avec le Liban d’une manière directe,
sans intermédiaire. En ce qui concerne le dossier palestinien, le
changement s’est opéré au plan qualitatif, l’implantation
étant maintenant unanimement rejetée.
Nous ne partageons donc pas le pessimisme de ceux qui désespèrent
du Liban et de son avenir. En dépit des difficultés auxquelles
il se trouve en butte, le citoyen libanais reste libre, souverain et indépendant.
Le président Emile Lahoud parviendra-t-il à édifier
l’Etat des institutions et dans quelle mesure les prochaines législatives
y contribueront-elles?
Le régime actuel a entamé le changement à partir
de la réforme administrative et politique, en vue de mettre un terme
aux agissements des corrupteurs et des corrompus, pour pouvoir achever
la réforme, laquelle sera reprise et complétée après
les élections générales, la nouvelle législature
et le Cabinet qui en seront issus. Ces derniers aideront le chef de l’Etat
à œuvrer dans le sens défini dans son discours d’investiture.
Ainsi qu’il l’a rappelé dans son message de l’indépendance,
le président Lahoud sait que les citoyens réclament le changement,
lequel ne peut s’effectuer qu’à travers les institutions et avec
la
coopération de tous les pouvoirs, comme c’est le cas dans tout système
démocratique. Il ne peut l’opérer du jour au lendemain, car
le président ne dispose pas, comme il l’a dit, d’une baguette magique.
Mais la réforme se heurte à une classe politique taxée
de corruption, responsable de la dégradation de la situation au
triple plan économique, financier et social. Cette classe est appelée
à apporter sa coopération à l’Etat.
La nouvelle loi électorale favorisera-t-elle l’émergence
d’une nouvelle classe acquise à l’idée qu’il faut réaliser
la réforme à travers les institutions?
Le président de la République et la majorité des
citoyens attachent beaucoup d’importance à la nouvelle loi électorale
qui aidera à assurer une véritable représentation
de la volonté populaire. A ce moment, l’entente nationale véritable
pourra être assurée, non seulement au niveau du sommet, mais
de la base, aussi.
Puis, lorsque la Chambre est issue d’élections libres et honnêtes,
le gouvernement qui en sera issu sera, forcément, d’union nationale.
L’électeur libanais a-t-il suffisamment de maturité
et de liberté de décision pour élire une telle classe
politique consciente de ses responsabilités?
Cette classe ne peut être constituée en vertu d’une décision
ou d’un décret. L’Etat se doit d’assurer le climat propice à
l’avènement de cette classe dont les qualités premières
seront la transparence, la probité, la foi en l’avenir du pays et
soucieuse d’œuvrer en faveur de l’intérêt national, non de
ses intérêts personnels.
Dans la déclaration par laquelle il a annoncé le 5 août
1970 sa renonciation à briguer un second mandat, le président
Fouad Chéhab a justifié sa décision en disant que
les institutions politiques et l’action suivie au plan national ne
peuvent plus engager le Liban sur la voie du progrès dans tous les
domaines.
Cela revient à dire que nos institutions ont été
dépassées et qu’il faut changer de mentalité à
tous les plans: politique, social et économique pour rendre possible
l’édification d’un Etat moderne. Le président Chéhab
était arrivé à la conviction à l’époque,
que le pays n’était pas encore prêt aux mutations qu’exige
l’évolution qu’il souhaitait promouvoir.
Les causes évoquées par le président Chéhab
existent-elles encore aujourd’hui et comment le président Lahoud
peut-il les dépasser?
A mon avis, il faut édifier l’Etat moderne, instaurer la justice
sociale, procéder à la réforme politique en vue d’assurer
une représentation populaire authentique et abolir, progressivement,
le confessionnalisme.
Des développements se sont produits, dernièrement,
au niveau des rapports entre l’Autorité et les camps palestiniens
au Liban. Le Pouvoir libanais est-il en mesure de neutraliser “l’arme de
la sédition” dans ces camps?
Trois jours après le message présidentiel de l’indépendance
ayant fait allusion à cette “arme”, l’Armée a arrêté
deux responsables palestiniens se réclamant de Fateh (pro-Arafat),
au moment où ils se rendaient au camp de Rachidié pour y
rencontrer un autre “Arafatiste”, Sultan Aboul-Aynaïne, condamné
par contumace à la peine capitale. Cela prouve que l’Etat est déterminé
à passer à l’action. Aussi, les Palestiniens doivent-ils
renoncer à jouer avec le feu, en respectant les lois et règlements
libanais en vigueur.
Après le dialogue entre le président Lahoud, d’une
part, MM. Hariri et Joumblatt, d’autre part, un rapprochement entre les
deux chefs de file de l’opposition et le président Hoss serait-il
possible?
Une incompréhension sépare les présidents Hoss
et Hariri, provenant du fait qu’ils se réclament de deux écoles
différentes. Aucune inimitié oppose les deux hommes, mais
leur conception de l’action politique et leurs méthodes de travail
sont diamétralement opposées.
Quelle est votre prévision en ce qui concerne le processus
de paix au P.-O.?
Barak ne veut pas de paix et souscrirait à un arrangement à
sa mesure et à ses conditions. De plus, il a transposé à
la diplomatie son expérience dans la manœuvre acquise dans la vie
militaire, excellant dans la manière de camoufler les objectifs
qu’il se propose d’atteindre. Il parle de retrait unilatéral, d’arrangements
de sécurité avec le Liban, de normalisation des relations,
du problème de l’eau avant d’expliciter son point de vue à
propos du retrait du Golan jusqu’aux frontières du 6 juin 1967.
Il voudrait se retirer du Liban-Sud sur la base d’un accord avec la
Syrie; tout le reste n’est que manœuvre et verbiage.
Naturellement, le président Hafez Assad n’est nullement disposé
à admettre une paix incomplète, laissant des bombes à
retardement aux générations futures. Il n’accepte pas moins
qu’une évacuation totale du Golan, sinon il laisse la situation
en l’état jusqu’à obtenir satisfaction.
En réalité, seule la reprise des négociations
sur tous les volets, au point où elles avaient abouti en février
1996, peut sortir la crise de l’impasse.