Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD
DES VRAIS MOTIFS AUX FAUX PRÉTEXTES
Nous avons vu des bandes d’une organisation (nullement clandestine) qui a fait du fanatisme sa doctrine et de l’horreur son credo; des bandes munies d’un armement lourd et sophistiqué que n’importe quel petit espion amateur aurait pu remarquer; nous avons vu ces bandes attaquer des citoyens paisibles sans le moindre motif, du moins avoué. Nous avons vu tomber douze soldats sous leurs balles, nous avons vu égorger un colonel et massacrer des civils. Nous avons vu des meurtres, des carnages et des églises dynamitées.
Nous avons vu le spectre hideux de la guerre se reprofiler à l’horizon et nous avions craint (beaucoup l’ont cru) rebasculer dans l’horreur. Après quoi, que voyons-nous? Notre Premier ministre, bien carré dans son immuable certitude, brandir l’article 95 de la Constitution pour nous expliquer que tout ça, c’est la faute au confessionnalisme politique. Voilà!
Quelqu’un le lui aurait-il soufflé? C’est possible. Mais son ton laissait entendre qu’on ne la lui faisait pas à lui. Pour tout dire, cet économiste s’est transformé en visionnaire et ce visionnaire en pythonisse. Nous aurions mieux apprécié la science divinatoire du Dr Hoss s’il avait pu l’appliquer à l’économie dont, paraît-il, il est expert. Mais non. M. Hoss est au seuil des législatives, lesquelles législatives doivent lui attirer la faveur d’une rue que lui dispute M. Hariri.
On pourrait rétorquer à monsieur le Premier ministre que le confessionnalisme n’est un système souhaitable pour personne et qu’il n’est pas non plus conforme aux principes des droits de l’homme. Mais il s’agit ici de confessionnalisme tout court et non de confessionnalisme politique, une invention attrape-nigaud, à l’usage des seuls Libanais.
Le premier coup de pioche donné dans le mur du confessionnalisme est l’établissement du mariage civil. Aurait-il le courage, M. Salim Hoss d’envoyer au parlement le projet de loi sur le mariage civil, déjà voté par le précédent gouvernement, mais que M. Hariri a laissé pourrir dans ses tiroirs? Oserait-il s’attaquer aux Statuts Personnels qui représentent une monstrueuse aberration pour la société égalitaire que le Dr Hoss réclame au nom des droits de l’homme?
Malheureusement, ce n’est pas de cela que parle le Dr Hoss. Il parle des droits politiques et uniquement politiques. Et cela n’est pas “un progrès”, comme il se complaît à l’appeler, mais un prétexte et un argument simpliste à l’usage d’un électeur dont toute une classe politique s’est acharnée et s’acharne encore à exacerber le fanatisme religieux.
La suppression du confessionnalisme politique, en l’état actuel de notre société et des divers courants qui nous entourent, signifie l’hégémonie d’une ou de deux communautés majoritaires aux dépens des minorités. Ici, on peut demander à M. Hoss, en quoi la marginalisation des minorités qui ont fait ce pays et sa richesse tant économique que culturelle est-elle conforme, selon lui, aux normes d’une démocratie moderne, fondée sur les droits de l’homme? Est-ce de ces mêmes droits que jouissent aujourd’hui les Coptes d’Egypte?
Cela veut dire que quand le chef du gouvernement lance un appel pathétique “à l’abolition du confessionnalisme politique qui conduit à étouffer dans l’œuf l’égalité des chances entre les fils d’un même peuple” et d’ajouter: “il y a là une contradiction flagrante avec les principes des droits de l’homme”, ça sent plutôt le soufre. Car cet appel - à son insu peut-être - suppose des implications aussi éloignées que possible du tableau idyllique auquel rêve le Premier ministre.
Quand le mariage civil sera devant le parlement, nous pourrons commencer à espérer en des jours meilleurs. Quand notre société cessera d’être tribale et que les leaders actuels se verront remisés au grenier et réduits au silence, on se laissera aller à croire qu’il y a quelque chose de changé au Liban. Quand nous autres Libanais resterons sourds aux voix des manipulateurs du confessionnalisme qui nous dressent régulièrement les uns contre les autres, quand nous reprendrons notre destin en main, alors nous verrons avec M. Hoss - s’il est toujours là - ce qu’il en est des droits de l’homme .
Faudrait-il encore que de monstrueux énergumènes qui assassinent des enfants, dépècent des femmes, égorgent des otages désarmés, torturent et violent une religieuse, appartiennent à la race humaine pour se réclamer des droits de l’homme. 

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