DÉPUTÉ DE LA “JAMAA ISLAMIYA” KHALED DAHER:
“LES ÉLÉMENTS ARMÉS DU JURD DE DENNIEH ONT FAIT
AVORTER MA MÉDIATION EN S’ATTAQUANT À L’ARMÉE”
M. Khaled Daher, député représentant la “Jamaa islamiya” à la Chambre des députés, a été au cœur des graves incidents, dont le Liban-Nord et, plus exactement, le jurd de Dennieh a été le théâtre au cours de la première semaine de l’an 2000.
En effet, il avait tenté une médiation avec les intégristes pour prévenir les affrontements qui les ont opposés à l’Armée libanaise, faisant onze martyrs parmi ses effectifs.
 
 

A la question: Comment évaluez-vous les retombées des déplorables événements de Dennieh sur la conjoncture locale et quelles leçons doit-on en tirer?, M. Daher répond: Ce qui s’est produit dans cette région nordiste, est l’œuvre d’éléments armés qui y ont trouvé refuge, ce que nous avons réprouvé, en même temps que les leaderships libanais de tous bords et tendances.
Nous avons tenté une médiation avec les éléments mentionnés pour éviter le pire, mais elle a échoué par leur faute, quand ils ont tendu une embuscade à des militaires, ce qui a envenimé la situation sur le terrain.
La Grande Muette n’avait plus d’autre option que d’user de la manière forte pour écraser la sédition dans l’œuf.

En dépit de l’échec de votre première médiation, vous en avez entrepris une seconde à Kfarhabou; pourquoi? Et quelle est la nature des rapports des rebelles avec la “Jamaa islamiya”?
Contrairement à ce qu’ont rapporté certains moyens d’information, selon lesquels il s’agirait de dissidents de notre mouvement, j’affirme une fois de plus que ces éléments armés n’ont aucun rapport avec la “Jamaa islamiya”.
Ce qui s’est produit à Dennieh était un projet de sédition que nous avons condamné, en même temps que tous les Libanais, car la sécurité dans ce pays est une ligne rouge que nul ne doit franchir. Puis, ce phénomène est étranger à notre action.
En ce qui concerne notre médiation, elle n’a pas donné les résultats escomptés. En coordination avec les organismes de sécurité, nous avons effectué des démarches auprès des hors-la-loi pour les convaincre de livrer leurs armes, celles-ci ne devant être utilisées chez nous qu’au Liban-Sud, face à l’ennemi.
En fait, un haut gradé m’a informé que les éléments armés se trouvaient à Kfarhabou où ils avaient pris comme otage le commandant Naddaf et son aide-de-camp et m’a demandé d’entreprendre des contacts avec les rebelles. C’est ce que j’ai fait, en les pressant de se rendre, de relâcher les otages contre une promesse qu’ils seront jugés d’une manière équitable et bénéficieront des circonstances atténuantes. Mais ils ont refusé de capituler et ont exigé des voitures pour quitter le village avec leurs otages et gagner un lieu de leur choix.
Cette demande a été rejetée par les forces de sécurité. Puis, il y a eu les affrontements avec la troupe; on connaît le reste de l’histoire.

Comment analysez-vous ces violations de la sécurité et le fait pour les éléments pervers d’avoir transféré la sédition d’une région à l’autre, notamment à Mazraa, près de l’ambassade de Russie?
L’attentat contre le siège de cette mission diplomatique a été unanimement réprouvé, pour la simple raison que le peuple tchétchène ne veut pas attenter à la vie des Libanais, ni perturber la sécurité intérieure du Liban.
En fait, nous manifestons de la sympathie envers le peuple de Tchétchénie qui défend sa terre, mais l’attentat contre l’ambassade de Russie cause du tort à la cause tchétchène.

Y aurait-il un lien entre les incidents de Dennieh et l’attentat contre l’ambassade russe à Beyrouth?
J’ignore s’il existe un lien effectif entre eux, mais ils portent à penser que le procédé utilisé dans les deux cas visait à porter atteinte à la sécurité et aux organismes chargés de la défendre.

Vous attendez-vous à ce que les forces de l’ordre investissent les camps palestiniens pour arrêter les hors-la-loi qui s’y trouvent?
Je ne connais pas la disposition de l’autorité à ce sujet. Mais il ne fait pas de doute que des repris de justice se sont réfugiés dans ces camps et, à mon avis, l’intérêt public exige de traiter cette affaire avec beaucoup de sagesse et de réalisme. Il va sans dire que le gouvernement sait comment préserver cet intérêt et agira en conséquence.

Pourquoi le timing de ces troubles, juste au moment où ont été relancées les négociations avec Israël?
Les contacts que j’ai effectués avec les éléments armés à Dennieh m’ont permis de constater que ces derniers exploitaient certains jeunes gens et terrorisaient d’autres, en leur faisant croire qu’une partie mahométane était frustrée et qu’ils devaient agir à l’effet de lui rendre justice.

Y aurait-il des dénominateurs communs entre la “Jamaa islamiya” et le groupuscule d’“At-Takfir wal-Hijra”?
La “Jamaa islamiya” n’a aucun lien avec ces éléments. Notre mouvement a foi en l’action pacifique, les armes ne devant être utilisées que contre l’ennemi sioniste. Puis, ces éléments n’ont aucun contact avec le milieu tripolitain et islamique. Je les compare aux groupes révolutionnaires extrémistes opérant dans le secret, dont les agissements portent atteinte à l’Islam. Au cours du dialogue engagé avec eux, il est apparu qu’ils considèrent toutes les fractions mahométanes comme défaitistes, éloignées de l’engagement islamique.

Sont-ils proches de Ben Laden?
C’est possible et les médias y ont fait allusion, mais rien n’est clair et nul ne peut définir leurs orientations, leurs accointances et leurs objectifs.

D’où sont-ils venus et comment ont-ils pu s’installer dans le jurd de Dennieh, alors qu’ils auraient dû combattre auprès de la Résistance au Liban-Sud?
Nous leur avons tenu ce langage au cours de nos pourparlers, partant du fait que toute arme brandie contre un citoyen sert l’Etat hébreu et sème les germes de la sédition et de la zizanie dans notre société. C’est pourquoi, leur action a été unanimement condamnée.

Les incidents de Dennieh laisseront-ils des séquelles au plan local?
Ils ont été écrasés dans l’œuf et nous avons confiance dans la capacité de l’Armée et des forces de sécurité intérieure de maintenir l’ordre et de préserver la paix civile que les instances nationales et islamiques à Tripoli, au Liban-Nord et dans les autres régions libanaises sont soucieuses de sauvegarder.

Comment prévenir d’autres incidents similaires à l’avenir?
Pour prévenir de tels faits, il faut mener une campagne destinée à mettre les jeunes en garde contre de tels groupuscules séditieux et, aussi, à renforcer le climat démocratique, par l’instauration de la justice sociale, en assurant l’égalité des chances à tous les citoyens sur le plan de l’emploi.
Puis, des problèmes intéressant la fraction islamique de notre peuple requièrent plus d’attention de la part de l’Etat et ont besoin d’être étudiés en profondeur, en vue de leur solution radicale, afin de dé-jouer les agissements répréhensibles des pêcheurs en eau trouble.

Les éléments armés qui ont fomenté les derniers troubles sont-ils libanais ou étrangers?
Ceux parmi eux auprès desquels j’ai entrepris une médiation, avaient le visage caché. Ils parlaient notre langue mais ont refusé de décliner leur identité.

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

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