APRÈS L’ARRESTATION DE TROIS DE SES ADJOINTS
LE REPRÉSENTANT DE “FATEH” AU LIBAN, SULTAN ABOUL-AYNAÏNE:
“C’EST CLAIR... C’EST UN MOYEN DE PRESSION SUR L’OLP”

"Plus de deux mille combattants palestiniens quitteront ce pays en vertu d’une décision régionale. Nous gardons nos armes pour prévenir des massacres pareils à ceux qui ont été perpétrés à Sabra et Chatila. Dès l’instauration de la paix, nous les livrerons à l’Armée libanaise”, a déclaré le “brigadier”  Sultan Aboul-Aynaïne, représentant de “Fateh” au Liban.
“Nous ne braquerons les armes, a-t-il affirmé, sur aucun citoyen libanais et condamnons tout acte susceptible de compromettre la sécurité intérieure.
“Tout en réprouvant la rébellion islamiste au Nord, nous nous tenons aux côtés de l’Etat et nous nous opposons à l’implantation, même s’il venait à la tolérer”.
Enfin, il estime avoir été injustement condamné par la Justice libanaise “qui, observe-t-il, se trouve elle-même sous la pression politique”.

RÔLE IMPORTANT DE “Fateh” DANS LES CAMPS
Aboul-Aynaïne qualifie de “très important” le rôle dont “Fateh” s’acquitte dans les camps palestiniens au Liban-Sud à l’heure actuelle, d’autant que ces camps étaient une source d’inquiétude pour certaines forces politiques et les médias. Notre organisation avait donc le devoir de dissiper cette inquiétude et de présenter les camps sous un jour différent de celui qu’on imagine.
Ces camps ne sont pas des îlots inaccessibles au Pouvoir libanais où les hors-la-loi cherchent refuge, en dépit de la situation économique désastreuse de ceux qui y sont établis, 65 pour cent parmi eux vivant sous le seuil de pauvreté, d’après les statistiques d’institutions internationales.
Je le dis à l’occasion des jugements rendus contre certains éléments de “Fateh” et de l’arrestation d’autres, alors que les Libanais savent parfaitement que “Fateh” n’a aucun projet politique au Liban. Nous attendons en permanence la décision ou la paix qui permettra à nos frères de réintégrer la Palestine.

COMMENT DISSIPER LA MÉFIANCE ENTRE LIBANAIS ET PALESTINIENS?
Jusqu’à quand la méfiance entre Libanais et Palestiniens persistera-t-elle?
Elle est la conséquence d’interférences régionales, alors que nous sommes soucieux d’entretenir les meilleurs rapports avec les frères libanais, d’autant que ce pays a apporté son aide aux réfugiés palestiniens et son soutien à notre cause, plus que tout autre Etat arabe, surtout depuis le début du conflit palestino-israélien. Nous sommes redevables au Liban pour avoir soutenu la révolution palestinienne et dès notre retour en Palestine, nous planterons dans nos montagnes des pousses de cèdres en signe de gratitude et de reconnaissance.

Comptez-vous entreprendre quelque initiative pour améliorer les rapports palestino-libanais?
Nous n’épargnons aucun effort et ne perdons aucune occasion pour atteindre ce but, le problème des réfugiés étant commun à nos deux peuples. Aussi, espérons-nous voir la décision libanaise s’affranchir de certaines restrictions, afin de rechercher une formule libano-palestino-syro-égypto-jordanienne; de dégager des constantes et des dénominateurs communs aidant à l’adoption d’une formule de nature à rendre justice aux Palestiniens sans causer du préjudice à aucun Etat arabe.
Nous ne combattons pas depuis un demi-siècle pour accepter de vivre dans les camps, c’est pourquoi nous souhaitons voir le monde arabe se préoccuper du sort et de l’avenir de nos femmes, de nos enfants et des personnes du troisième âge qui constituent une masse de notre peuple vivant dans des conditions inhumaines.

NOUS SOMMES TOUS RESPONSABLES
Qui assume la responsabilité de cet état de choses?
Vous savez que le discours politique au Liban est limité par des considérations déterminées. Tout le monde est responsable, à mon avis et la guerre du Golfe a accentué la brèche entre les régimes arabes, dont les relations s’en sont ressenties.
Nous sommes les victimes de cette dislocation des rangs arabes, conséquence des dissensions interarabes et, surtout, de la guerre du Golfe.

Quelle est la position de votre mouvement envers le courant fondamentaliste et qu’en pensez-vous?
J’ai déjà défini ma position politique autour de cette question et il faut craindre les conséquences du fanatisme qui a tendance à prendre de l’extension partout dans le monde.
Je ne pense pas que ce qui s’est passé à Dennieh fut le fruit d’un hasard ou la conséquence d’une quelconque frustration ou injustice. Je regrette de dire que les gouvernants de ce pays n’ont pas traité les causes de ce courant intégriste, ni ses résultats au plan national.
Il faut craindre que de tels actes séditieux affectent la sécurité et la paix civile d’autant que le Liban se trouve face à une échéance cruciale en rapport avec le processus de paix dans la région. Puisse notre pays recouvrer sa stabilité, condition sine qua non de sa prospérité et du recouvrement de sa vitalité.
Quoi qu’il en soit, je refuse que l’Islam soit présenté sous l’image qui en a été donnée par les rebelles au Liban-Nord. L’Etat est tenu d’en traiter les causes et les effets, le fondamentalisme étant rejeté et condamné par tous les citoyens.
Il importe de traiter ce qui s’est passé au Liban-Nord au plan politique et non seulement au plan sécuritaire. Puis, il n’est pas vrai que les éléments perturbateurs ont voulu par leurs attaques contre la troupe extérioriser leur colère en raison des privations ou de l’injustice, car les citoyens sont logés à la même enseigne dans toutes les régions.

D’aucuns affirment que certains des rebelles ont regagné les camps palestiniens du Sud par voie de mer. Est-ce exact?
Vous devriez visiter le camp de Bared pour vous assurer qu’il ne dispose pas d’embarcation ou tout autre moyen de locomotion par la voie maritime.
Ceux qui tiennent de pareils propos, visent à nous impliquer dans de tels incidents que nous réprouvons avec vigueur. Nous ne permettrons pas que les camps deviennent le refuge des hors-la-loi, surtout après les événements du Nord et pouvons certifier qu’aucun Palestinien parmi ceux qui vivent dans les camps ne s’est joint aux intégristes à Dennieh ou ailleurs.

Qu’auriez-vous à dire à propos de la récente arrestation de trois responsables palestiniens poursuivis pour des accusations déterminées?
Vous devriez poser la question aux autorités libanaises. Je crois qu’il s’agit d’un moyen de pression sur l’OLP; cette mesure n’a pas une autre justification, les frères incarcérés ne faisant l’objet d’aucun chef d’accusation. Cela est suffisamment clair.

LA JUSTICE LIBANAISE, VICTIME COMME NOUS
A la commémoration de “Fateh” vous vous en êtes pris à la Justice libanaise. Pourquoi? Quels sont les Libanais recherchés dont vous avez parlé?
Je ne m’en suis pas pris à la Justice libanaise qui, comme nous, a été victime d’une injustice. Elle a été un moyen pour imposer une décision émanant d’une partie politique influente, dans le but d’interdire aux commandants de l’OLP de maintenir l’ordre dans les camps du Liban-Sud, en particulier. J’ai voulu dire que la Justice ne voit que d’un seul œil. D’ailleurs, ni elle, ni les organismes de sécurité ne disposent de preuves incriminant la conduite de tout membre ou responsable de l’OLP, concernant tout acte agressif à l’encontre du Liban.
J’ai le droit de m’informer à propos des criminels qui ont tué, au début des années 90, nos frères palestiniens, la plupart d’entre eux étant à l’extérieur des camps, dans la capitale, au Nord ou sur la route menant du Nord au Sud. Des organisations palestiniennes opposées à “Fateh” ont planifié ces crimes et leurs auteurs se déplaçaient en toute liberté d’une région à l’autre. N’est-il pas de notre droit de demander qui a tué 4.380 Palestiniens et Libanais dont des enfants, des femmes et des vieillards dans les camps de Sabra et Chatila? Pour cela, nous maintenons les armes à l’intérieur des camps, malgré les garanties données aux organisations palestiniennes.

CRAINTES ET PRÉSENCE D’ARMES
Cela justifie-t-il la présence d’armes à l’intérieur des camps?
Les armes à l’intérieur des camps sont motivées par les craintes que j’ai mentionnées. Lorsque la paix sera rétablie au Liban, en Syrie et en Palestine, nous livrerons nos armes à l’Armée libanaise.

Une paix a été signée entre l’OLP et Israël...
Ce n’est pas une paix. Jusqu’à présent, les clauses de l’accord de l’étape de transition ne sont pas respectées. L’étape finale décidera de la possibilité ou non d’instaurer la paix entre l’OLP et Israël. Quatre questions épineuses et complexes restent à être élucidées dont le retrait israélien en application des accords de Charm el-Cheikh et Wye River. Des milliers de détenus palestiniens se trouvent encore dans les geôles israéliennes; des colonies sont établies dans des régions palestiniennes. Comment pouvons-nous signer un accord de paix alors qu’aucun accord avec les Israéliens ne permet le retour de 60% du peuple palestinien à sa terre? L’OLP n’accordera pas à Israël le droit d’interdire le retour des Palestiniens à leur terre. Lorsque le droit de retour tel que le stipule la résolution 194 du Conseil de Sécurité sera garanti; le sort de Jérusalem sera décidé, quand les colonies de peuplement disparaîtront en Palestine, les frontières seront tracées et un Etat indépendant proclamé, nous traiterons la question à l’instar de nos frères arabes.

Rien ne justifie la présence des armes dans les camps, à l’ombre du régime actuel...
Vu notre conflit avec Israël, la présence des armes palestiniennes ne disparaîtra pas. Les Palestiniens veulent des garanties. Des crimes odieux ont été commis dans les camps, lors de la présence des forces internationales, lorsque les combattants palestiniens ont quitté le Liban vers la Tunisie. Nous refusons la situation d’avant 1982 et dénonçons les agissements de certaines organisations palestiniennes qui ont, à l’époque, enfreint la loi au Liban. Mais nous n’acceptons plus ce qui s’est passé durant les années 60.

NOUS NE BRAQUERONS L’ARME SUR AUCUN LIBANAIS
Il y a crainte de conflit entre les forces palestiniennes armées et les organismes de sécurité libanais.
Nous refusons de braquer notre arme, à n’importe quel moment, sur nos frères libanais, civils ou appartenant à un organisme de sécurité. Les camps palestiniens ne constituent pas un danger pour la paix civile au Liban. Cependant, nous combattrons tout projet qui contredit le droit de retour à notre terre.

NOUS REFUSONS L’IMPLANTATIONAVANT LES LIBANAIS
Mais Israël refuse ce retour...
Depuis la conférence de Madrid et jusqu’à présent, les objections israéliennes sont nombreuses. Mais il n’en reste que des souvenirs.

On dit qu’environ mille Palestiniens armés quitteront les camps au Liban pour aider au maintien de la sécurité dans les régions soumises à l’Autorité autonome. Qu’en dites-vous?
Il est du droit de tout citoyen palestinien de contribuer à l’édification de son Etat. Aussi, attendons-nous le retour à notre patrie.

Cette nouvelle n’est donc pas vraie?
Le retour des combattants palestiniens dont le nombre dépasse 2.000 et non un millier n’est pas encore confirmé.
Sans doute, il est imminent et sûr, mais ne relève pas d’une décision unilatérale, certaines parties concernées devant l’approuver.

Quand aura-t-il lieu?
La question relève du commandement de l’OLP dont nous exécutons les décisions. Mais je suis sûr que le nombre des combattants dépasse celui que vous avez cité.

Propos recueillis par
NADIM ABOU-GHANNAM.

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