NÉGOCIATIONS DE PAIX SYRO-ISRAÉLIENNES:
LE REPORT DU TROISIÈME ROUND, CRISE GRAVE OU MALENTENDU ÉPHÉMÈRE?

Quel avenir pour le processus de paix au Proche-Orient? Telle est, sans doute, la question que l’on se pose au niveau politique, diplomatique et militaire avec le report du troisième round des pourparlers syro-israéliens qui était prévu pour le 19 janvier à Washington.
S’agit-il d’une crise grave qui risque de faire percuter le processus? Ou plutôt d’un problème profond, mais surmontable, nécessitant un surcroît de temps et une plus grande implication du “God-father” américain?
 
Albright: “Notre défi consiste à travailler 
avec les deux parties et à trouver 
un moyen pour réduire leurs divergences”.
La Syrie exige un engagement israélien
écrit de retrait du Golan jusqu’aux 
frontières du 4 juin 1967 avant de
poursuivre les négociations.

Certes, il s’agit de la première vraie crise que connaissent ces négociations depuis leur reprise à très haut niveau en décembre 1999. Mais, tout en reconnaissant la profondeur du fossé qui sépare les deux parties, les analyses politiques de différents bords jugent, du moins pour l’heure, que le problème est surmontable. Ils se basent, évidemment, en premier lieu sur l’optimisme du parrain américain.
“Je reste convaincu qu’Israël et la Syrie veulent toujours faire la paix, le fossé entre eux n’étant pas aussi large qu’il le paraît”, assure le président Bill Clinton qui, après le report des pourparlers du 19 janvier, s’est entretenu par téléphone avec son homologue syrien le président Hafez Assad sur les derniers développements.
De son côté, le chef de la diplomatie américaine affirme “qu’il existe un authentique désir de paix au Proche-Orient malgré l’annulation de la rencontre du 19 janvier”. Mme Madeleine Albright a, par ailleurs, confirmé que Damas et Tel-Aviv ont approuvé l’envoi d’experts à Washington, pour étudier le document de travail que l’administration américaine avait remis aux deux parties à l’issue du deuxième round à Shepherdstown. Pour le président Clinton comme pour Mme Albright, l’envoi des experts est un signe du désir des protagonistes de poursuivre le dialogue.
Qu’est-ce qui a motivé le report? Plusieurs raisons, bien entendu. Tout d’abord, à Shepherdstown les pourparlers qui ont duré une semaine, n’ont abouti qu’à des percées symboliques sans produire le moindre progrès sur le fond des problèmes, malgré une intense implication américaine. Les deux parties sont restées attachées à leurs positions de base et le second round s’est achevé sur ce constat de non progrès.
Une autre raison du report de la rencontre du 19 janvier serait liée à ce qu’on peut qualifier: “une guerre de papiers”. Tel qu’on l’a déjà dit, à l’issue de la rencontre de Shepherdstown, le président Clinton avait remis à chacun des deux protagonistes, un document de travail consignant, d’une part, les points de rencontre et de divergence entre Syriens et Israéliens sur les principaux points des négociations et exprimant, d’autre part, la position américaine sur ces différentes questions.
Les Israéliens se sont dépêchés de divulguer ce document de travail, qui fut publié dans le “Haaretz”. Ceci a plutôt déplu à l’administration américaine qui, dès le départ, voulait que les négociations demeurent loin des feux de l’actualité et cela a, en même temps, provoqué une réaction syrienne.
 


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Damas a aussitôt publié son propre document de travail exposant, de façon claire et précise, sa position sur les différents points faisant l’objet des négociations, dont le tracé des frontières, le démantèlement des colonies, les garanties de sécurité, etc...
Dans ces conditions, entamer un nouveau round des négociations ne semblait pas très productif, d’autant plus que Damas exigeait qu’Israël accepte le tracé des frontières “selon la ligne du 4 juin 1967”, comme préalable à la poursuite de tout dialogue. Une condition que l’Etat hébreu n’est nullement disposé à accepter comme axiome de base pour toute négociation avec la Syrie, alors que Tel-Aviv veut faire prévaloir les dossiers relatifs à la sécurité et à la normalisation des relations avant de s’entendre sur le tracé final des frontières.
Quant au président Clinton, il avait proposé l’étude simultanée des différents dossiers afin de surmonter cet obstacle de procédure.
L’intransigeance syrienne sur la question de la frontière est donc considérée comme la raison essentielle de l’ajournement de la rencontre du 19 janvier. C’est, d’ailleurs, l’agence officielle syrienne d’information (Sana) qui fut la première à évoquer la possibilité d’un tel ajournement. Evidemment, la décision en a été prise par les Etats-Unis à 48 heures de la rencontre.
Les ponts ne sont pas pour autant coupés, ni le train bloqué et Israël tente de minimiser cette crise dans les négociations avec Damas.
Selon le ministre israélien du Tourisme, “il y a de bonnes chances pour que cette crise, qui ne sera pas la dernière, soit surmontée”. “Nous avons tout le temps”, renchérit le vice-ministre de la Défense. Quant au Premier ministre, Ehud Barak, il fait preuve à la fois d’ouverture et de fermeté. “Personne, dit-il, ne nous dictera ce qu’on doit faire. Mais nous respectons, profondément, le président Hafez Assad et s’il a besoin de temps pour reprendre les négociations, nous attendrons”.
Le temps a quand même son importance dans ces pourparlers. Côté américain, l’administration est plus que jamais décidée à régler, une fois pour toute, un problème qui n’a que trop duré.
Pour le chef de l’Exécutif américain, la question du temps est encore plus impérative: à la fin de cette année, son mandat présidentiel s’achèvera et, dès le mois d’avril, s’ouvrira la campagne des présidentielles américaines qui l’accaparera.
D’où la nécessité pour le chef de la Maison-Blanche d’amener le processus de paix dans tous ses volets à bon port, afin de figurer dans les annales historiques comme le faiseur de la paix au Proche-Orient.
Du côté syrien, la position de Damas est, généralement, considérée comme stratégiquement forte, le président Assad étant qualifié de fin stratège. Il vient encore de faire preuve de fermeté en demandant au négociateur israélien de s’engager, par écrit, à accepter le tracé des frontières du 4 juin 67. Mais le président syrien peut-il persévérer longtemps dans cette attitude intransigeante?
En Israël, le Premier ministre qui fait face à une vaste opposition populaire et de certains membres de sa coalition gouvernementale contre le retrait du Golan, a besoin d’un certain laps de temps pour convaincre son peuple de la nécessité de faire “des choix difficiles”. Barak veut donc avancer sur le chemin de la paix. Il est prêt à des concessions. S’il peut compter aujourd’hui sur un appui américain, il n’en sera peut-être plus de même avec l’ouverture de la campagne des présidentielles et de celle de Mme Hillary Clinton à New York où l’électorat juif est très influent.
Le facteur temps va-t-il jouer un rôle dans le processus de paix? Si l’on en croit les propos d’un homme politique du monde arabe, qui préfère garder l’anonymat: “les problèmes seront réglés d’ici fin février et la paix pourra être signée”. Inchallah!
La  communauté européenne est, quant à elle, décidée d’apporter sa contribution efficace à ce processus, tant pour aider à surmonter les obstacles de parcours, qu’à contribuer aux plans économique, militaire, sécuritaire, etc., pour consolider la paix, une fois signée.
Le processus de paix était donc au cœur des pourparlers d’une délégation européenne qui vient d’effectuer un périple au Proche-Orient englobant la Jordanie, Israël, les Territoires palestiniens, la Syrie, le Liban et l’Egypte. La délégation est formée de Jaime Gama, ministre portugais des A.E. dont le pays assure, actuellement, la présidence de l’U.E.; de l’Espagnol, Javier Solana, représentant de l’U.E. pour la politique extérieure et de M. Miguel Angel Moratinos, émissaire européen au Proche-Orient.
 
DAMAS RAIDIT SA POSITION
Dans une déclaration faite mardi à un quotidien libanais (“As-Safir”), M. Farouk Chareh a dit: “La Syrie ne reprendra pas les négociations avec Israël, si Ehud Barak ne s’engage pas par écrit à évacuer le Golan et à revenir aux frontières du 4 juin 1967 et avant de s’assurer des véritables intentions du Premier ministre israélien.”

Le président Clinton, apprend-on, est parvenu à convaincre les parties syrienne et israélienne à envoyer des experts à  Washington, aux fins de déblayer le terrain des embûches qui entravent le processus de paix.

ARAFAT AU CAIRE AVANT WASHINGTON
Avant de se rendre à Washington pour y rencontrer le chef de la Maison-Blanche, M. Yasser Arafat a gagné Le Caire, à l’effet d’informer le président Hosni Moubarak de la teneur et des résultats de l’entretien qu’il a eu, au début de la semaine, avec Ehud Barak.
Dans la capitale fédérale, le chef de l’Autorité fédérale se proposait de demander au président Clinton “de faire pression sur Barak pour hâter les pourparlers autour du  statut final.” 

LE SOMMET DE TEL-AVIV
Jusqu’ici les sommets israélo-palestiniens s’étaient tenus surtout au passage d’Eretz ou à Ramallah. C’est donc la première fois que le chef de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, se rend à Tel-Aviv pour une rencontre au sommet avec le Premier ministre israélien.
 

Afin de compenser le report du troisième round des pourparlers syro-israéliens, Ehud Barak a voulu, sans doute, réactiver le dialogue avec les Palestiniens qui, lui aussi, depuis quelque temps marquait le pas.
A Tel-Aviv, la rencontre au sommet a duré quatre heures et a, notamment, porté sur le report indéterminé d’un nouveau retrait israélien de 6,1% de Cisjordanie et qui aurait dû avoir lieu le jeudi 20 janvier.
Lors de ce sommet, il  fut surtout question des négociations sur le statut final des territoires palestiniens qui, en vertu du mémorandum de Charm el-Cheikh signé en septembre dernier, devraient être au point au mois de février, alors qu’elles piétinent toujours.
Lors de cette rencontre, Arafat était accompagné du numéro deux de l’OLP, Mahmoud Abbas (Abou Mazen) et par Ahmed Qoreh, président du Conseil législatif palestinien.
Barak avait à ses côtés son conseiller pour les questions de sécurité Dany Yatom et Yossi Genossar, autre proche du Premier ministre. La rencontre, qualifiée de fructueuse par les Israéliens, a précédé de quarante-huit heures la visite qu’effectue Arafat à Washington et sa rencontre au sommet avec le président Clinton à laquelle Barak aurait dû participer, s’il n’y avait pas eu l’ajournement du round syro-israélien du 19 janvier. 

PAR NELLY HÉLOU

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