DANS L’ATTENTE DU DÉBAT BUDGÉTAIRE
UN TOURNANT DANS L’ÉDIFICATION DE L’?TAT DE DROIT

L’initiative du président de la République ayant consisté à présenter une “déclaration de fortune” au Conseil constitutionnel, a tout éclipsé au plan local, cette semaine. En fait, elle constitue un grand tournant dans l’Histoire contemporaine du Liban, car il est déterminé à édifier l’Etat de la loi et des institutions, ainsi qu’il l’a solennellement proclamé dans son discours d’investiture.

L’initiative présidentielle a été favorablement accueillie dans tous les milieux et à tous les niveaux qui la considèrent comme un précédent historique à l’échelle nationale et constitutionnelle, incitant tous les responsables et hommes politiques à suivre son exemple, en optant pour la probité et la transparence.
Ainsi, le président Lahoud s’est rendu lundi à Hadeth où le Conseil constitutionnel a son siège, pour présenter une déclaration de ses biens immobiliers et mobiliers à M. Amine Nassar, président de cette haute juridiction, entouré de plusieurs de ses collègues. Et ce, en application de la loi sur l’enrichissement illicite ratifiée, dernièrement, par la Chambre des députés et dont le texte a été publié au Journal officiel, dans sa livraison du 27 décembre 99.

TOUS AU-DESSOUS DE LA LOI
Le chef de l’Etat s’est conformé, pratiquement, au passage du discours d’investiture par lequel il s’engageait à se placer au-dessous de la loi, à l’instar de tous les citoyens.
L’initiative présidentielle est intervenue dans le délai légal fixé par la loi mentionnée, soit trois mois à compter de sa publication; ce délai expirera le 28 mars prochain.
On s’attend donc que des responsables gouvernementaux et des députés suivent l’exemple du président Lahoud et présentent au Conseil constitutionnel des déclarations de patrimoine dans les jours et semaines à venir.
Quant aux fonctionnaires de l’Etat, ils doivent entreprendre une démarche similaire auprès des chefs hiérarchiques des départements ou organismes dont ils relèvent.
A titre d’exemple, le ministre de la Justice recevra les déclarations de fortune des membres du Conseil constitutionnel.
Il y a lieu de signaler qu’en vertu de l’article 6 de la loi sur l’enrichissement illicite, quiconque ne déclare pas ses biens mobiliers et immobiliers dans le délai légal, sera considéré comme démissionnaire.

UN COUP DE MAÎTRE
D’après un membre de l’Assemblée, l’initiative présidentielle constitue un coup de maître, en ce sens que le président de la République a placé tous ceux qui assument des charges publiques devant leurs responsabilités. Et ceux qui s’abstiendront de présenter une déclaration de fortune reconnaîtront, implicitement, leur culpabilité...
Fait à signaler: toute personne présentant une fausse déclaration est passible de poursuites judicaires et de la peine prévue par l’article 462 du code pénal.
Le même parlementaire prédit la prochaine réouverture de dossiers en rapport avec les malversations et le gaspillage des deniers publics, la loi sur l’enrichissement illicite constituant un moyen de réactiver l’opération de la réforme un moment gelée.
On s’attend que M. Rafic Hariri, qui a été reçu lundi par le chef de l’Etat, soit l’un des premiers à présenter une “déclaration de fortune”, dans l’idée que cela lui profitera au double plan politique et électoral.
M. Hariri sera précédé, naturellement, par les présidents Nabih Berri, Salim Hoss, les membres du gouvernement et le vice-président de la Chambre.
Le chef du Législatif qui vient de subir, avec succès, à l’hôpital de l’AUB une intervention chirurgicale, terminera cette semaine sa convalescence et reprendra ses activités incessamment.
Dès son retour au parlement, M. Berri, réactivera les réunions des commissions parlementaires, en particulier celle des Finances et du Budget, aux fins de hâter l’examen des prévisions budgétaires pour l’année courante, avant de les transmettre à l’Assemblée, pour ratification dans le délai constitutionnel.
De fait, la Chambre a été convoquée pour début février et consacrera trois journées consécutives au débat budgétaire.
Dans le même temps, le gouvernement aura mis dans sa forme définitive le projet de loi fixant le plafond des dépenses en période électorale, ainsi qu’un autre projet de loi portant fusion de certains ministères, sur base d’une étude effectuée par M. Hassan Chalak, ministre de la Réforme administrative.
Celui-ci préconise la fusion des ministères de l’Education, de la Culture et de l’Enseignement supérieur; ceux des Travaux publics et des Transports; le ministère des Affaires rurales et municipales devant être rattaché à l’Intérieur.
D’autre part, le ministère des Emigrés fusionnera avec celui des Affaires étrangères; le ministère des Affaires sociales avec celui de la Santé. Les secteurs de l’économie, du commerce et de l’industrie seront rattachés au ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie; ceux du Pétrole, des affaires hydrauliques et électriques au ministère des Ressources, alors que les ministères du Tourisme et de l’Environnement formeront un seul département.

L’OPÉRATION DE PAIX
Mais tout cela ne relègue pas à l’arrière-plan l’opération de paix et ses tribulations, le Liban s’attelant à la mise au point de ses dossiers, pour être prêt à reprendre les pourparlers à Israël dès qu’un progrès sera réalisé sur le volet syrien.
Il nous revient que Beyrouth poursuit ses concertations avec Damas, afin de suivre l’évolution des négociations syro-israéliennes et en dépit des difficultés auxquelles elles se trouvent en butte, M. Michel Murr, vice-président du Conseil, ministre de l’Intérieur, se montre optimiste quant à leur issue, contrairement à d’autres analystes et observateurs.
Par ailleurs, deux sujets importants figuraient à l’ordre du jour du dernier Conseil des ministres qui s’est tenu en son siège, sous la présidence du chef du gouvernement: le préambule du projet de budget dont le texte avait été distribué aux ministres, au cours d’une séance précédente et le projet relatif aux volets publicitaire et de propagande des campagnes électorales.
Les délibérations ont été particulièrement laborieuses, puisqu’elles se sont prolongées durant cinq heures en dépit du départ de trois ministres: MM. Mikati, Saïdi et Nazarian retenus par des rendez-vous urgents. Des modifications, apprenons-nous, ont été apportées à la loi de finances, surtout aux prévisions budgétaires du ministère de la Santé.
Le président de la commission parlementaire des Finances et du Budget avait conféré, la veille, avec le président du Conseil à ce sujet et M. Hoss avait décidé de s’en remettre au Conseil des ministres.
En ce qui concerne les dépenses électorales, le plafond a été fixé à cent mille dollars pour chaque candidat, y compris les frais de transport des votants, alors que le plafond des frais de propagande a été fixé à cent millions de livres.

QUID DU RECOURS EN INVALIDATION?
Cela dit, qu’est-il advenu du recours en invalidation de la nouvelle loi électorale que trois député: MM. Nassib Lahoud, Najah Wakim et Nadim Salem se proposent de présenter au Conseil constitutionnel?
Il semble que les trois parlementaires n’aient pas réussi à convaincre leurs collègues, preuve en est qu’ils n’ont pu recueillir jusqu’ici les dix signatures requises sur leur pétition.
Enfin, au plan général, il y a lieu de faire état de la réplique du président Hoss à une déclaration du chef d’état-major israélien, Chaoul Mofaz, insinuant que l’Etat hébreu pourrait réclamer une “rectification de la frontière libano-israélienne, dans le cadre d’un traité de paix.”
“Les frontières du Liban internationalement reconnues, a affirmé le Premier ministre, ne sont sujettes à aucune modification, d’autant que les résolutions de la légalité internationale, dont la 425, consacrent les droits du Liban reconnus par la communauté internationale.
“Si quelque modification devait être faite, conclut M. Hoss, elle le serait dans le but de restituer à notre pays les sept localités sudistes rattachées contre son gré à Israël.”

NADIM EL-HACHEM

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