SURPRIS PAR L’APPUI ARABE AU LIBAN
BARAK RÉVISE SES COMPTES

L’état de tension et de crispation qui caractérisait le climat, la semaine dernière, a fait place à une action diplomatique intensive, doublée de contacts et de rencontres au plus haut niveau sur la scène libanaise. Ainsi, le Liban n’est pas seul face aux plans des comploteurs.

Cette évolution positive a été provoquée par la visite inopinée que le président Hosni Moubarak a effectuée à Beyrouth, samedi dernier; suivie, quelques jours plus tard, par celle de cheikh Sabah el-Ahmed As-Sabah, ministre koweitien des Affaires étrangères.
Selon des renseignements fiables, le Raïs a informé son homologue libanais de l’intention d’Israël de perpétrer de nouvelles attaques contre des cibles civiles, dans l’espoir d’attirer la Syrie dans une confrontation sur notre territoire. Toujours d’après les mêmes sources, Barak estime qu’une agression contre le Liban et la Syrie justifierait le retrait de ses forces du Liban-Sud, sans que cela soit interprété comme un revers aux yeux de l’opinion israélienne. Du même coup, il amadouerait le “Likoud” qui projetait, au temps où il était au pouvoir, de contraindre les pays de l’étau à capituler en souscrivant aux conditions de Tel-Aviv. De plus, les “faucons” israéliens restent hostiles à la signature de la paix avec la Syrie dont ils redoutent la puissance militaire.
Selon les observateurs, la visite du président Moubarak à Beyrouth, décidée en coordination avec Beyrouth et Damas, a constitué un message politique, voire militaire, à Israël signifiant à l’Etat hébreu que “toute nouvelle agression contre le Liban (et la Syrie), se traduirait par une rupture des Etats arabes, y compris ceux - l’Egypte et la Jordanie - qui ont conclu la paix avec Israël.”
La visite du Raïs a donc atteint l’objectif visé, pour la raison que le Premier ministre israélien refait ses comptes, de même que l’Administration américaine. En effet, M. James Rubin, porte-parole du département d’Etat US, a déclaré avant l’arrivée du président Moubarak à Beyrouth, que “toute attaque contre des objectifs civils en territoire libanais, ne garantirait pas la sécurité au nord d’Israël”. On s’attend que la diplomatie libanaise poursuive ses contacts au double plan arabe et international et continue à observer de près les Israéliens, pour parer à toutes les éventualités. Dans le même temps, Beyrouth, Damas et Le Caire se concertent, quotidiennement et il est question de consultations entre les trois capitales et Amman, en vue de la convocation d’un sommet arabe élargi. La venue à Beyrouth mardi du chef de la diplomatie koweitienne, qui a été précédé d’une délégation du Fonds koweitien pour le développement socio-économique ayant à sa tête M. Badr el-Houmaidi, a apporté un nouveau soutien arabe au Liban, d’autant que cheikh Sabah el-Ahmed a promis l’aide de la principauté pour la reconstruction des installations électriques, en coordination avec l’Egypte.
On présume que d’autres visiteurs de marque arabes viendront à Beyrouth, incessamment, dont des responsables des pays du Golfe, l’Arabie séoudite en tête.
Il y a lieu de signaler qu’à la demande de l’Emir, cheikh Jaber As-Sabah, une délégation parlementaire formée de cinq membres, viendra au Liban à l’effet de se renseigner sur les dégâts causés à nos centrales électriques de Jamhour, Deir Nbouh et Baalbeck et présenter un rapport sur la base duquel sera fixé le montant de l’assistance koweitienne. D’autre part, le conseil des partis arabes a recommandé l’organisation de manifestations de rues, “en signe d’appui et de solidarité avec le Liban dans son épreuve”. Par ailleurs, le président Hoss qui a multiplié les contacts avec ses homologues arabes et occidentaux, n’a pas été satisfait de la teneur de la réponse de Mme Madeleine Albright, secrétaire d’Etat US, à son message, ce dernier lui ayant été transmis par M. David Satterfield, ambassadeur des Etats-Unis. Alors qu’il s’attendait que le chef du département d’Etat US l’informât des résultats de ses efforts visant à hâter la convocation du comité de surveillance, elle s’est contentée de déplorer les conséquences des raids israéliens sur nos installations électriques et de formuler l’espoir qu’il soit mis un terme au cycle de la violence et à l’escalade sur le terrain. Mme Albright n’a fait aucune allusion à la reprise des négociations syro-israéliennes, ni à la possibilité pour le comité mentionné de reprendre ses travaux, bien que l’Etat hébreu ait présenté une nouvelle plainte contre le Liban. De son côté, le président de la République n’a pas manqué de riposter aux menaces israéliennes, en réaffirmant la détermination du Liban à maintenir son option pour la résistance, tant que l’occupation n’est pas éliminée, en dépit de la “troïka destructrice”, comme l’a appelée le chef de l’Etat, constituée par le gouvernement Barak et qui est une violation flagrante des arrangements d’avril 96. Pendant ce temps, les mouvements protestataires ont fait tache d’huile au double plan estudiantin et populaire, en réprobation à la position des Etats-Unis. La manifestation la plus imposante s’est déroulée près du siège de l’ambassade américaine à Aoukar, où les manifestants se sont heurtés à la “police des émeutes” et ont eu quatre blessés dans leurs rangs. Ceux-ci ont brûlé les drapeaux américain et israélien et réclamé “l’expulsion de l’ambassadeur des Etats-Unis”. Ainsi, le Liban a transposé son action, politique et diplomatique, de la défensive à l’offensive, surtout après la visite du président Moubarak. En effet, le gouvernement a haussé le ton face à ses détracteurs, certains de ces derniers ayant insinué, que “les libertés publiques sont bafouées”, le chef de la centrale syndicale ayant pris à partie le chef du gouvernement. Le président Hoss a rétorqué en rappelant que, dès son entrée en fonctions, il avait abrogé la décision du précédent Cabinet interdisant les manifestations.
Le président Lahoud est venu à la rescousse du Premier ministre et a riposté, en termes fermes, à Ehud Barak et David Lévy qui ont menacé “de brûler la terre libanaise”. “La terre du Liban ne peut être brûlée et elle a fait sombrer Israël dans ses marécages”. De plus, le président Lahoud a rejeté, avec non moins de fermeté, toute tentative de modification des arrangements d’avril, tout en disant que “le fait pour l’Etat hébreu de dénoncer ces arrangements, n’est pas la fin du monde”. Et d’ajouter: “Israël se trompe s’il croit que par ce procédé, il peut exercer des pressions sur nous pour obtenir l’amendement des arrangements d’avril qui servent les intérêts des civils de part et d’autre de la frontière. Si Israël faisait tomber l’immunité de nos citoyens et nos installations civiles, il ferait tomber en même temps l’immunité de ses citoyens, ses installations et ses intérêts”. De plus, il a averti les Israéliens que “nos coups seront dans ce cas plus douloureux”.
Les déclarations présidentielles ont posé plus d’un point d’interrogation, mais il est apparu qu’il les a faites après avoir réussi à briser l’étau qu’Israël s’employait à imposer à notre pays au plan international. Le soutien des pays arabes et leur solidarité avec le nôtre, semblent avoir contraint Washington à changer de ton, la capitale fédérale ayant constaté que, même les pays de la région avec lesquels elle entretient d’excellentes relations, ont pris fait et cause pour le Liban et condamné Israël. Effectivement, et suite aux pressions américaines, l’Etat hébreu a atténué la violence de ses raids aériens sur les villages sudistes, de même que les tirs que ses canonnières dirigent sur les pêcheurs de Tyr. A ce même propos, on apprend que Mme Albright a adressé au président Lahoud, un message dont la teneur diffère quelque peu de celui qu’elle a destiné au président Hoss, puisqu’elle proclame “l’attachement de l’Administration US aux arrangements d’avril et sa détermination à réactiver le comité de surveillance de la trêve”.
A ce sujet, le nouvel ambassadeur de France, M. Philippe Le Courtier, a émis l’espoir, lors de sa visite au président Berri, de voir ce comité reprendre ses travaux dans le plus bref délai, afin de prévenir une nouvelle escalade.
Sur un autre plan et après la visite au Liban du président d’Arménie, M. Robert Kotcharian, les milieux officiels ont entamé les préparatifs des législatives, étant donné que la reprise des négociations au niveau syrien avec Israël reste problématique. Aussi, le projet de loi fixant le plafond des dépenses électorales sera-t-il au centre des délibérations au sein des commissions parlementaires qualifiées, dès qu’il leur sera transmis. Le ministre de l’Intérieur a émis l’espoir de voir ce projet ratifié avant la fin du mois. Quant au président Nabih Berri qui a participé, cette semaine, au congrès de l’Union parlementaire arabe à Alger, il a pris contact téléphoniquement avec les présidents Lahoud et Hoss, pour les informer de la prise de position favorable au Liban, adoptée par les congressistes.

NADIM EL-HACHEM

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