PIERRE HÉLOU:
“LA LIGUE MARONITE COMBLE LE VIDE LAISSÉ
PAR L’ABSENCE DE PARTIS POLITIQUES”

A son retour du Vatican où il a dirigé la délégation de la Ligue maronite aux solennités ayant marqué la “Journée maronite mondiale”, M. Pierre Hélou, a commenté les problèmes de l’heure et, en tout premier lieu, les derniers raids israéliens, ainsi que le mouvement de solidarité qu’ils ont suscité dans le monde.
Il a, en outre, annoncé qu’il posera, en principe, sa candidature aux prochaines élections législatives.

De sa visite à la capitale de la catholicité, il a déclaré: “Pour la première fois dans l’histoire de la Ligue et, peut-être, des maronites, nous avons touché du doigt la force de la présence maronite dans le monde, laquelle sert, non seulement l’intérêt de la communauté, mais de la nation tout entière.
De fait, en rencontrant à la Cité du Vatican des délégations représentant les maronites de la Diaspora et en échangeant les vues avec elles sur les questions d’intérêt commun, nous avons réalisé à quel point nos coreligionnaires sont présents et actifs dans les pays d’émigration, du Mexique au Koweit, en passant par l’Australie, le Canada, l’Equateur, les Etats-Unis, la France et jusqu’en Roumanie et en Bulgarie.
Au cours de notre première entrevue avec Mgr Tauran qui nous avait conseillé, l’année dernière, d’intensifier les contacts avec les Libanais des Etats-Unis “où se prennent les décisions”, nous lui avons présenté les représentants de l’Institut maronite international qui compte trente-mille membres aux USA.
“A l’issue de la messe que S.S. Jean-Paul II a célébrée en présence des maronites venus des quatre coins du globe, le Souverain Pontife a tenu à serrer la main de tous nos compatriotes présents à la réception, en dépit de son état de santé.
“Je suis très satisfait de nos rencontres avec les maronites de la Diaspora et je crois que nous pouvons parvenir à des résultats positifs par rapport à nos justes causes, du fait de notre coopération.
“Je voudrais préciser, à cette occasion, que la Ligue maronite comble un grand vide laissé par l’absence des partis politiques chrétiens dignes de ce nom.”

Quelle est la position de la Ligue envers la laïcité?
Je regrette de dire que tous ceux qui réclament l’instauration de la laïcité sont affiliés à des partis confessionnels.

La représentation officielle de la communauté maronite s’est-elle limitée à la délégation de la Ligue que vous présidez?
Le président Amine Gemayel était également présent. Nous avons eu l’occasion de le rencontrer plus d’une fois et avons déjeuné à la même table avec des ambassadeurs libanais au siège de l’Ordre des Antonins.

On prête à l’ancien chef de l’Etat l’intention de poser sa candidature aux prochaines élections législatives. Vous en a-t-il parlé?
J’ai senti auprès de lui un désir sincère de participer de nouveau à la vie politique libanaise.

- Comment évaluez-vous les derniers raids israéliens et la réaction enregistrée un peu partout dans le monde?
Aucune force sur terre ne peut empêcher notre peuple de résister à l’occupant israélien. La Résistance a le droit de poursuivre la lutte jusqu’à libérer le dernier pouce du territoire national. Ses opérations ont contraint les Israéliens à envisager d’évacuer les portions de ce territoire qu’ils occupent illégalement depuis tant d’années. Cependant, nous déplorons la passivité de l’opinion internationale face aux raids ennemis ayant pris pour cible des objectifs civils.

Comment jugez-vous le mouvement de solidarité arabe avec le Liban?
Tout compte fait, la solidarité et les effusions sentimentales ne profitent nullement au Liban, sans l’assistance que les sommets arabes avaient décidé d’octroyer à notre pays.
La venue du chef de l’Etat égyptien et du ministre koweitien des A.E. a contribué à dissiper l’impression, du reste fausse, que le Liban était isolé et laissé à lui-même. Nous remercions les Etats frères de leurs sentiments et de leur soutien. De toute façon, l’Egypte et la Jordanie ont signé un traité de paix avec l’Etat hébreu, mais dénoncent ses agressions contre le Liban, sans parvenir à normaliser leurs relations avec Israël au plan populaire. Cela prouve que la paix est, avant tout, celle des peuples et non des gouvernants, son prix devant être une paix juste et globale.

Quelles sont vos impressions de la visite que vous avez effectuée au président Emile Lahoud?
Le président Lahoud est rassuré quant à l’avenir et considère la paix comme imminente dans la région.

Où en sont les pourparlers de paix entre la Syrie et Israël?
Toutes les analyses indiquent que l’arrangement d’avril sera remis sur le tapis. Les négociations seront poursuivies, la paix étant imminente. Je contredis pourtant ceux qui croient que la paix est une fin à notre drame, puisqu’elle en est le commencement.

Sur le plan interne des échéances s’imposent, telles les législatives. Y êtes-vous candidat?
En principe, oui.

Comment trouvez-vous la loi électorale?
Contrairement à certains, je la trouve excellente, hormis la question de Bécharré et Jezzine. Cette loi a pris en considération nos propositions avancées au cours de la réunion tenue à l’appel de Mgr Youssef Béchara. On ne peut élaborer une loi parfaite pouvant satisfaire toutes les tendances. La loi électorale est la meilleure possible. Nous ne devons pas recourir de nouveau au boycottage puisque nous avons vu où il nous a menés.

A l’ombre de ce qui se passe, que deviendra la situation au Liban-Sud?
La situation au Liban-Sud et dans la Békaa-ouest ne sera rétablie qu’après le retrait israélien et l’application inconditionnelle de la
résolution 425.

Le retrait israélien aura-t-il des conséquences graves? Israël répétera-t-il le même scénario que par le passé?
La conjoncture, aujourd’hui, est différente de celle du passé, lors du retrait israélien de la Montagne. Les Libanais sont unis maintenant. Le retrait israélien du Sud et de la Békaa-ouest sera pareil à celui de Jezzine et n’aura aucune conséquence.
L’Armée libanaise pourra se déployer dans ces régions et y maintenir la sécurité. Ce que je crains, c’est le problème social dont pâtiraient les régions occupées après le retrait de “Tsahal”. Aussi, faut-il éviter cela en prenant des mesures à tous les niveaux en faveur de ces régions. En tout cas, nous espérons que ce retrait se réalisera bientôt, que l’état de crispation se dissipera et que la situation sociale s’améliorera dans tout le pays. Mais nous devons attendre, au préalable, de voir ce qui se passera au plan du processus de paix.

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

Home
Home