REGAIN D’ESPOIR DANS LA RELANCE DU PROCESSUS DE PAIX...

On devrait peut-être remercier le Premier ministre français Lionel Jospin de la bourde qu’il a sortie en Israël, en qualifiant de terroriste l’action des combattants du Hezbollah. Cette petite phrase prononcée, sans doute, pour des considérations électorales internes, a projeté le Liban sur le devant de la scène internationale, suscité un tollé général et des déclarations en faveur de la Résistance au Liban-Sud. Dans ce climat surchauffé, pointe l’espoir d’une reprise des pourparlers entre Damas et Tel-Aviv, le Cabinet israélien tentant de mettre au point son plan de retrait de la zone occupée au Liban, d’ici au mois de juillet 2000. Quant à Dennis Ross, émissaire américain pour le Proche-Orient, il est rentré bredouille à Washington n’ayant pu faire avancer le processus israélo-palestinien.


Importantes manifestations à Baalbeck, contre les propos de Jospin.

“JOSPIN, RACISTE”
“Le sang des Libanais ne conduit pas à l’Elysée” - “Lionel Jospin, agent américain” - “Raciste” - “Pro-juif”, etc..., tels étaient quelques-uns des slogans scandés lors des manifestations qui ont eu lieu au Liban, de Saïda à Baalbeck, en passant par Tyr, Tripoli et Beyrouth, ainsi qu’en Cisjordanie.
Ces manifestations révèlent, en premier lieu, l’appui populaire massif dont jouit, désormais, le “parti de Dieu” sur la scène libanaise, autant qu’arabe.
On note, aussi, un appui politique de la part des dirigeants arabes. Le chef de la diplomatie égyptienne, Amr Moussa, a espéré que les propos de M. Jospin “ne sont pas un signe de changement” dans la politique régionale de la France. La Syrie, la Jordanie, l’Autorité palestinienne et l’ensemble du monde arabe ont réagi vivement à la gaffe de Jospin, alors que la presse arabe parle de “choc”, de “bombe” et de “consternation”. “Ses déclarations ont suscité consternation et colère, en raison des relations privilégiées entre le Liban et la France et, aussi, entre les Arabes et la France”, écrit “Techrine”, quotidien gouvernemental syrien.
Impliquée sans le vouloir par la déclaration de son Premier ministre, la France et, en priorité, le président Jacques Chirac à qui le “Hezbollah” a demandé de sanctionner le chef du gouvernement, se hâte de conforter le Liban et le monde arabe sur les constantes de sa politique dans la région. Par le biais de Gérard Larcher, vice-président du Sénat français, en visite à Beyrouth, le chef de l’Elysée a fait parvenir à son homologue libanais le message suivant: “Le Liban peut toujours compter sur la France”.
“La France, déclare M. Larcher, a une politique constante en direction du Liban. Rien n’a changé. Nous sommes, naturellement, les amis du Liban”. Il souligne l’attachement de son pays aux arrangements d’avril 1996.
 
Chirac: “Le Liban peut toujours 
compter sur la France.”
Une semaine de médiation infructueuse.
 

PROFOND MALAISE PALESTINIEN
Une lecture à part s’impose suite aux incidents de Bir Zeit au cours desquels le Premier ministre français a été violemment pris à partie par de jeunes manifestants. M. Jospin sortait du campus de l’Université de Bir Zeit où il avait eu une rencontre avec des professeurs et des étudiants, lorsque la manifestation à l’extérieur dérape et des pierres se mettent à voler de partout. Ses gardes de corps essayent, tant bien que mal, de le protéger de cette pluie de projectiles et le poussent vers sa voiture blindée, contre laquelle les manifestants donnent des coups de pied et continuent à jeter des pierres.
L’incident est grave. L’Autorité palestinienne le reconnaît; aussi, son chef, M. Arafat le condamne-t-il, en ordonnant d’en vérifier les circonstances et de prendre les mesures appropriées contre les coupables.
L’incident révèle une grave défaillance sur le plan de la sécurité en Cisjordanie et à Gaza, un mauvais point pour l’Autorité palestinienne qui a, sans doute, sous-estimé les risques d’incidents, en ne prenant pas les mesures adéquates.
Plus importante encore que la sécurité, l’agression dont M. Jospin a été l’objet, traduit un profond malaise au sein de l’entité palestinienne. Pour un haut responsable politique palestinien, l’incident a été “tel un baromètre du sentiment populaire”, indiquant que la situation est dangereuse. “Les gens, dit-il, sont en colère en raison du blocage des négociations israélo-palestiniennes.” De fait, Dennis Ross, émissaire américain pour le P.-O., a achevé une mission d’une semaine dans la région, sur un constat d’échec. L’accord-cadre sur le statut définitif des territoires, prévu pour le 13 février en vertu de l’accord de Charm el-Cheikh du 5 septembre, n’a pas été signé et les négociations achoppent toujours sur un retrait israélien de 6,1% (de Cisjordanie) qui aurait dû avoir lieu le 20 janvier.
Un haut responsable israélien a, de son côté, mis en garde contre une reprise de la violence dans les territoires, s’il n’y a pas de progrès dans les négociations. Il affirme que l’explosion de colère de ces derniers jours, rappelle la situation qui existait avant l’Intifada. “Des incidents comme ceux de Bir Zeit, dit-il, montrent un retour en force de l’opposition radicale à Yasser Arafat regroupé autour du mouvement intégriste palestinien “Hamas”.
Arafat est conscient de cette situation et avait déjà dit à Barak: “Si les négociations continuent à piétiner, vous êtes en train de signer mon arrêt de mort.”
 
Le convoi de Jospin pris à partie 
par les manifestants, à Bir Zeit.
A Bethléem, les étudiants protestent
contre la fermeture de l’Université de Bir 
Zeit et réclament la liberté d’expression.

Dans cette atmosphère régionale plutôt surchauffée par les propos de Lionel Jospin, une lueur d’espoir pour une reprise des pourparlers syro-israéliens en suspens depuis le 10 janvier 2000, vient de pointer. Le Premier ministre israélien, Ehud Barak, prend l’initiative d’une éventuelle reprise du dialogue avec Damas, en insinuant qu’il pourrait envisager un retrait du Golan jusqu’aux lignes du 4 juin 1967, tel que l’exige le président Hafez Assad.
Selon le ministre israélien de la Justice, Yossi Beilin, M. Barak aurait dit en Conseil des ministres: “Que quatre ex-chefs de gouvernement avaient accepté en termes très généraux que cette ligne du 4 juin soit une base de discussion avec la Syrie en échange d’arrangements de sécurité.”
Face aux propos émanant de Barak, la Syrie s’est dépêchée de rappeler, à travers le journal “Al-Baas”, “que le Premier ministre israélien devait s’engager par écrit à un retrait total du Golan”.
Quant à James Rubin, porte-parole du département d’Etat, il devait tempérer les espoirs en disant: “Il reste un énorme travail à faire pour parvenir à une reprise des discussions de paix entre Israël et la Syrie... La pierre d’achoppement reste toujours la priorité à donner aux sujets à l’ordre du jour: Israël veut parler, en premier, des questions de sécurité et Damas insiste sur la restitution totale du Golan.”
Mais malgré les obstacles de parcours, les chroniqueurs et politiciens qu’on peut qualifier d’optimistes croient en une reprise des négociations syro-israéliennes d’ici à fin mars. Les médiations diplomatiques occidentales et arabes vont, d’ailleurs, se poursuivre pour débloquer le processus sur ses différents volets et assurer un retrait de “Tsahal” des zones occupées au Liban-Sud et dans la Békaa-ouest dans le cadre d’un accord pour éviter tout dérapage.
On parle même de l’envoi d’une force multinationale au Sud, en cas d’un retrait israélien unilatéral.

Par NELLY HÉLOU

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