Importantes manifestations à Baalbeck, contre
les propos de Jospin.
“JOSPIN, RACISTE”
“Le sang des Libanais ne conduit pas à l’Elysée” - “Lionel
Jospin, agent américain” - “Raciste” - “Pro-juif”, etc..., tels
étaient quelques-uns des slogans scandés lors des manifestations
qui ont eu lieu au Liban, de Saïda à Baalbeck, en passant par
Tyr, Tripoli et Beyrouth, ainsi qu’en Cisjordanie.
Ces manifestations révèlent, en premier lieu, l’appui
populaire massif dont jouit, désormais, le “parti de Dieu” sur la
scène libanaise, autant qu’arabe.
On note, aussi, un appui politique de la part des dirigeants arabes.
Le chef de la diplomatie égyptienne, Amr Moussa, a espéré
que les propos de M. Jospin “ne sont pas un signe de changement” dans la
politique régionale de la France. La Syrie, la Jordanie, l’Autorité
palestinienne et l’ensemble du monde arabe ont réagi vivement à
la gaffe de Jospin, alors que la presse arabe parle de “choc”, de “bombe”
et de “consternation”. “Ses déclarations ont suscité consternation
et colère, en raison des relations privilégiées entre
le Liban et la France et, aussi, entre les Arabes et la France”, écrit
“Techrine”, quotidien gouvernemental syrien.
Impliquée sans le vouloir par la déclaration de son Premier
ministre, la France et, en priorité, le président Jacques
Chirac à qui le “Hezbollah” a demandé de sanctionner le chef
du gouvernement, se hâte de conforter le Liban et le monde arabe
sur les constantes de sa politique dans la région. Par le biais
de Gérard Larcher, vice-président du Sénat français,
en visite à Beyrouth, le chef de l’Elysée a fait parvenir
à son homologue libanais le message suivant: “Le Liban peut toujours
compter sur la France”.
“La France, déclare M. Larcher, a une politique constante en
direction du Liban. Rien n’a changé. Nous sommes, naturellement,
les amis du Liban”. Il souligne l’attachement de son pays aux arrangements
d’avril 1996.
![]() compter sur la France.” |
![]() |
PROFOND MALAISE PALESTINIEN
Une lecture à part s’impose suite aux incidents de Bir Zeit
au cours desquels le Premier ministre français a été
violemment pris à partie par de jeunes manifestants. M. Jospin sortait
du campus de l’Université de Bir Zeit où il avait eu une
rencontre avec des professeurs et des étudiants, lorsque la manifestation
à l’extérieur dérape et des pierres se mettent à
voler de partout. Ses gardes de corps essayent, tant bien que mal, de le
protéger de cette pluie de projectiles et le poussent vers sa voiture
blindée, contre laquelle les manifestants donnent des coups de pied
et continuent à jeter des pierres.
L’incident est grave. L’Autorité palestinienne le reconnaît;
aussi, son chef, M. Arafat le condamne-t-il, en ordonnant d’en vérifier
les circonstances et de prendre les mesures appropriées contre les
coupables.
L’incident révèle une grave défaillance sur le
plan de la sécurité en Cisjordanie et à Gaza, un mauvais
point pour l’Autorité palestinienne qui a, sans doute, sous-estimé
les risques d’incidents, en ne prenant pas les mesures adéquates.
Plus importante encore que la sécurité, l’agression dont
M. Jospin a été l’objet, traduit un profond malaise au sein
de l’entité palestinienne. Pour un haut responsable politique palestinien,
l’incident a été “tel un baromètre du sentiment populaire”,
indiquant que la situation est dangereuse. “Les gens, dit-il, sont en colère
en raison du blocage des négociations israélo-palestiniennes.”
De fait, Dennis Ross, émissaire américain pour le P.-O.,
a achevé une mission d’une semaine dans la région, sur un
constat d’échec. L’accord-cadre sur le statut définitif des
territoires, prévu pour le 13 février en vertu de l’accord
de Charm el-Cheikh du 5 septembre, n’a pas été signé
et les négociations achoppent toujours sur un retrait israélien
de 6,1% (de Cisjordanie) qui aurait dû avoir lieu le 20 janvier.
Un haut responsable israélien a, de son côté, mis
en garde contre une reprise de la violence dans les territoires, s’il n’y
a pas de progrès dans les négociations. Il affirme que l’explosion
de colère de ces derniers jours, rappelle la situation qui existait
avant l’Intifada. “Des incidents comme ceux de Bir Zeit, dit-il, montrent
un retour en force de l’opposition radicale à Yasser Arafat regroupé
autour du mouvement intégriste palestinien “Hamas”.
Arafat est conscient de cette situation et avait déjà
dit à Barak: “Si les négociations continuent à piétiner,
vous êtes en train de signer mon arrêt de mort.”
![]() par les manifestants, à Bir Zeit. |
![]() contre la fermeture de l’Université de Bir Zeit et réclament la liberté d’expression. |
Dans cette atmosphère régionale plutôt surchauffée
par les propos de Lionel Jospin, une lueur d’espoir pour une reprise des
pourparlers syro-israéliens en suspens depuis le 10 janvier 2000,
vient de pointer. Le Premier ministre israélien, Ehud Barak, prend
l’initiative d’une éventuelle reprise du dialogue avec Damas, en
insinuant qu’il pourrait envisager un retrait du Golan jusqu’aux lignes
du 4 juin 1967, tel que l’exige le président Hafez Assad.
Selon le ministre israélien de la Justice, Yossi Beilin, M.
Barak aurait dit en Conseil des ministres: “Que quatre ex-chefs de gouvernement
avaient accepté en termes très généraux que
cette ligne du 4 juin soit une base de discussion avec la Syrie en échange
d’arrangements de sécurité.”
Face aux propos émanant de Barak, la Syrie s’est dépêchée
de rappeler, à travers le journal “Al-Baas”, “que le Premier ministre
israélien devait s’engager par écrit à un retrait
total du Golan”.
Quant à James Rubin, porte-parole du département d’Etat,
il devait tempérer les espoirs en disant: “Il reste un énorme
travail à faire pour parvenir à une reprise des discussions
de paix entre Israël et la Syrie... La pierre d’achoppement reste
toujours la priorité à donner aux sujets à l’ordre
du jour: Israël veut parler, en premier, des questions de sécurité
et Damas insiste sur la restitution totale du Golan.”
Mais malgré les obstacles de parcours, les chroniqueurs et politiciens
qu’on peut qualifier d’optimistes croient en une reprise des négociations
syro-israéliennes d’ici à fin mars. Les médiations
diplomatiques occidentales et arabes vont, d’ailleurs, se poursuivre pour
débloquer le processus sur ses différents volets et assurer
un retrait de “Tsahal” des zones occupées au Liban-Sud et dans la
Békaa-ouest dans le cadre d’un accord pour éviter tout dérapage.
On parle même de l’envoi d’une force multinationale au Sud, en
cas d’un retrait israélien unilatéral.