Pays pacifique, la Suisse a réussi là où beaucoup
d’autres ont échoué. Mandatée au processus de paix
multilatéral de Moscou pour discuter des droits de l’homme, la Confédération
helvétique tient à jouer son rôle auprès des
autres acteurs de ce processus. Après quinze ans d’absence, elle
dépêche son ministre des Affaires étrangères,
M. Joseph Deiss au Proche-Orient pour renouer les relations économiques,
offrir ses bons offices, afin de trouver un terrain d’entente permettant
de redresser la situation humanitaire découlant du conflit israélo-arabe.
... “La Confédération suisse contribue, notam-ment, à
soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté,
ainsi qu’à promouvoir le respect des droits de l’homme, la démocratie,
la coexistence pacifique des peuples et la préser-vation des ressources
naturelles”... (art. 54- 2- Affaires étrangères. Chapitre
2- Titre 3 - Nouvelle Constitution fédérale).
Cet article résume clairement le cadre dans lequel s’inscrivent
les relations extérieures de la Confédération helvétique.
Des relations qui seront d’autant plus accentuées au Proche-Orient
à travers le mandat accordé à la Suisse dans le processus
multilatéral de paix en matière de droit humanitaire. Ce
rôle sera renforcé par la visite officielle de M. Joseph Deiss,
chef du Département fédéral des Affaires étrangères
suisse, dans la région qui survient après quinze ans d’absence
et englobera l’Egypte, la Syrie et le Liban.
M. Joseph Deiss, Conseiller fédéral,
chef du Département fédéral des
Affaires étrangères suisse.
AGENDA CHARGÉ
En guise de préparation pour cette visite, le Département
fédéral des Affaires étrangères a organisé
une visite groupée en Suisse de journalistes égyptiens et
libanais. Ces derniers ont pu tout au long d’une semaine, rencontrer et
discuter avec des responsables suisses des différentes questions
concernant les relations bilatérales entre leurs pays respectifs,
du rôle de la Suisse dans le processus de paix, de ses relations
avec l’Union européenne avec M. José Bessard du Bureau de
l’intégration (DFAE); de la neutralité, avec M. Emmanuel
Bichet, de la Direction du droit international public; du tourisme, avec
M. Andreas Mehr; de la place financière suisse avec MM. James Nason
et Markus Staub, de l’Association Suisse des Banquiers.
Ils ont, aussi, discuté du fédéralisme et de la
coexistence entre différentes communautés linguistiques à
l’Institut du fédéralisme à l’Université de
Fribourg, avec MM. Pascal Arnold et Urs Thalmann; de la coopération
commerciale, avec M. Rudolf Kummer, chef de la Division Afrique et Moyen-Orient
au secrétariat d’Etat à l’économie. A l’ordre du jour
figurait, aussi, une rencontre au siège central à Genève
du CICR avec M. Jean Delesmilliers, chef-adjoint des opérations
pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et Mme Dominique Borgeat, responsable
des opérations au Proche-Orient. Cette rencontre fut précédée
d’une autre à l’Organisation Mondiale du Commerce avec Mme Lucie
Giraud. Les journalistes ont assisté aussi à une présentation
du Centre de politique de sécurité par M. Ulrich Lehner.
Ils ont eu, également, l’occasion de s’entretenir avec leurs
collègues suisses et de visiter avec M. Jean-Louis Bernier, attaché
de direction d’Edipresse Suisse, les rédactions des quotidiens “24
Heures” et “Le Matin”. A Chesaux-sur-Lausanne, ils ont visité la
Société Nagravision S.A. du Groupe Kudelski, une société
qui traite les technologies de pointe, alors qu’à “Birr” ils se
sont rendus à la société ABB.
![]() Le Jardin de Brunswick à Genève. |
![]() “Les Pétrifiés”, une sculpture de Carl Bucher au Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. |
ENGAGEMENT HUMANITAIRE
Ces rencontres furent couronnées par un entretien informel accordé
par le Conseiller fédéral, M. Joseph Deiss, aux journalistes
au Salon présidentiel du Palais fédéral Ouest à
Berne.
M. Joseph Deiss a affirmé que “la Suisse condamne toute resurgence
de la violence au Liban-Sud. Ce qui nous inquiète, dit-il, c’est
le sort de la population civile. Nous souhaitons qu’on puisse continuer
sur la base de ce qui a déjà été élaboré
entre Israël et le Liban.
“Pour ce qui est des négociations, on attend un progrès
du côté israélo-syrien pour que le Liban puisse parvenir
à un accord. Cependant, la question des réfugiés palestiniens
nous apparaît cruciale et la Suisse offre ses bons offices, même
si le patronage du processus est assumé par d’autres.
“Au niveau des négociations multilatérales, les Suisses
étaient présents à Moscou comme observateurs et chargés
de la dimension humaine et nous souhaitons assumer cette fonction de manière
plus intensive.
“Nous pensons que notre rôle peut être important, notamment
dans la question des réfugiés, groupe piloté par les
Canadiens et avec lesquels nous sommes en coopération. Aussi, allons-nous,
en particulier, organiser avec les Tunisiens une conférence sur
les questions et besoins des enfants, en général, dans la
région, mais il faut que les activités que nous entreprendrons,
puissent avoir des chances de succès. Cela dit, nous préférons
nous concentrer sur ce que nous faisons déjà, puisque nous
sommes engagés dans toute une série de projets surtout du
côté palestinien.” (Un crédit-cadre pour les territoires
palestiniens reconduit à 15 millions de F.S. par an).
M. Deiss qui a rencontré, auparavant, M. Peter Hanson, de l’UNRWA,
s’est déclaré affligé de constater que l’on marque
les cinquante ans de l’organisation, estimant que les pays de la région,
ainsi que la Communauté internationale devraient aller au-delà
de ce qui se fait actuellement, puisqu’aucune paix ne serait établie
sans avoir résolu le sort des réfugiés d’une manière
définitive.
Réforme et contre-réforme favorisèrent
la division
confessionnelle qui marque la Suisse depuis le XVIIème
siècle.
ACCORD POUR LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS
La visite du Conseiller fédéral pour la région
s’inscrit dans le cadre de la contribution de la Suisse à une solution
de pacification, d’aide, de coopération et de relations économiques
avec le Proche-Orient. M. Deiss saisira l’occasion au cours de son séjour
en Egypte, pour commémorer en privé les victimes de Louxor
qui ont affecté pour un moment les relations égypto-suisses.
Arrivé au Liban, le ministre des Affaires étrangères
visitera Beiteddine et Deir el-Kamar où la Suisse a négocié
avec MM. Walid Joumblatt, député, et Dory Chamoun, président
de la municipalité, un projet pour la réinsertion des déplacés
et de la consolidation de l’entente entre les différentes communautés.
Il visitera, aussi, le Musée national et signera un accord pour
la promotion des investissements essayant de la sorte de “créer
un cadre favorable pour les relations économiques dans un monde
où ces dernières sont gérées par des privés
défendant le système économique libéral de
marché et où il est difficile à l’Etat d’agir directement.
Dans cette optique, l’accord en vue vise à développer le
potentiel existant entre les deux pays”.
MM. Pascal Arnold et Urs Thalmann
à l’Institut du fédéralisme.
MANDAT HUMANITAIRE
La promotion des droits de l’homme, de la démocratie et des
principes de l’Etat de droit reste un objectif majeur pour la fédération
helvétique, pays traditionnellement neutre. Etat dépositaire
des quatre Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels,
la Suisse est investie d’un mandat spécifique, surtout en ce qui
concerne la Conférence internationale sur la protection des victimes
de la guerre tenue à Genève en 1993. “Ce rôle se traduit
par différents instruments”, indique M. Pierre-Yves Fux, collaborateur
diplomatique à la Division politique IV qui s’est chargé
d’expliquer les moyens d’application de cette politique humanitaire aux
journalistes libanais et égyptiens.
“Il existe, dit-il, des instruments juridiques pour ratifier les conventions,
favoriser l’émergence de nouvelles normes, de mécanismes
d’application universels, des instruments politiques concrétisés
par les dialogues et échanges qui s’instaurent entre les ambassades,
des instruments économiques positifs ou négatifs qui favorisent
ou bloquent toute coopération.”
Cette vocation humanitaire est appuyée par le mandat obtenu
dans le processus multilatéral de paix au Proche-Orient, un mandat
qui agit en fonction du progrès du processus bilatéral. Au
titre dudit mandat, la Suisse soutient plus de cinquante activités
depuis 1996 dans la région dont, particulièrement, des émissions
en langue arabe sur le droit humanitaire, réalisées par le
bureau de CICR au Caire qui seront diffusées par satellites en Egypte,
au Liban et, peut-être, au Qatar. Une conférence régionale
en Tunisie sur les droits de l’enfant, l’enseignement obligatoire des droits
de l’homme dans les écoles et universités palestiniennes,
projet proposé par Mme Hanane Achraoui et réalisé
en collaboration avec le CICR et la Suisse.
Au Liban, la Confédération helvétique a soutenu
financièrement l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Beyrouth,
ainsi que le forum libanais des ONG qui apporte l’assistance juridique
à des groupes n’ayant pas accès à cette assistance,
en plus de certains projets de développement dans le domaine de
la justice des mineurs.
En revanche, le Maroc est l’un des pays arabes où est institué
un dialogue intensif et des échanges d’experts et de délégations,
d’avocats, où il y a soutien à certaines universités
et ONG, etc.
Mais “pour certains pays de la région, l’expression “droits
de l’homme” est délicate, remarque M. Pierre-Yves Fux. Ce qui incite
la Suisse à agir de manière confidentielle et discrète
dans l’intérêt des victimes. Nous ne cherchons pas à
utiliser les droits de l’homme pour valoriser notre image auprès
de l’opinion suisse ou autre”, ajoute-t-il.
Ainsi, pour ce qui est des détenus libanais arbitrairement à
Khiam ou ailleurs, la Suisse intervient et suit de près ce dossier
depuis des années, épaulée par différentes
ONG internationales et locales qui lui fournissent des listes des personnes
et des conditions d’incarcération. Aussi, “conformément au
droit international pour lequel les Suisses ont un attachement viscéral,
la Suisse favorise-t-elle une prise de conscience du problème des
réfugiés palestiniens et une solution juste et durable prenant
en considération la résolution 194 du Conseil de Sécurité
de l’ONU qui accorde le droit au retour, à l’indemnisation.”
Les ruelles dans l’ancienne ville de Genève.
SOLUTION JUSTE ET VIABLE
Sur ce point, Mme Muriel Berset Kohen, collaboratrice diplomatique
à la Division politique II, qui accompagne M. Joseph Deiss dans
sa tournée, affirme: “Nous soutenons la position libanaise
qui a évolué ces derniers temps. Une solution au problème
des réfugiés est, désormais, examinée sur le
même pied d’égalité avec un retrait israélien
du Liban-Sud. Nous comprenons, aussi, la situation particulière
du Liban. Mais certainement au-delà de la position officielle, les
solutions qui seront trouvées, seront nuancées et diversifiées.
“D’ailleurs, la Suisse est l’un des dix premiers contributeurs à
l’UNRWA avec une donation de 8 millions de F.S. par an. Outre cette contribution,
elle joue un rôle actif au sein de l’organisation pour améliorer
son efficacité et les échanges entre les pays donateurs,
hôtes et l’UNRWA elle-même.”
Selon Mme Kohen, la position de la Suisse au Proche-Orient repose sur
des données centrales essentielles pour une solution viable; elles
se résument par le droit d’Israël à la sécurité
dans des frontières internationalement reconnues, le droit du peuple
palestinien à un Etat viable, à une solution juste et satisfaisante
pour les réfugiés palestiniens et le règlement du
statut de Jérusalem, ainsi que le recouvrement de l’intégrité
territoriale de la Syrie et du Liban.
INTÉGRITÉ TERRITORIALE ET INDÉPENDANCE
POLITIQUE
Mme Jolanda Pfister qui rejoindra son poste à l’ambassade suisse
à Beyrouth vers la fin du mois de mars, rappelle que “depuis que
le conflit existe, le Conseil fédéral suisse est intervenu
auprès des autorités israéliennes en faveur du respect
des conventions à Genève relatives à la protection
des combattants et des civils. La Suisse est intervenue pour que le CICR
puisse continuer à exercer ses activités sans entraves.
“En 1999, elle a de nouveau entrepris des démarches auprès
des Israéliens après l’occupation du village d’Arnoun et
a condamné clairement la nouvelle escalade de violence au Liban-Sud
et appelé au cessez-le-feu.
“Le Conseil fédéral considère, en outre, que le
Liban doit recouvrir pleinement son intégrité territoriale
et que la souveraineté de ce pays doit être strictement respectée
conformément à la résolution 425 du Conseil
de Sécurité de même que son indépendance politique”,
conclut-elle.
Cette politique helvétique proche-orientale est hautement influencée
par le processus de Barcelone. La création d’une zone de libre-échange
d’ici jusqu’à 2010 dans le Sud de la Méditerranée,
accentue l’intérêt économique de la Suisse pour cette
région. Ne faisant pas partie de l’Union européenne, elle
ne peut pas se permettre de se désavantager. Membre de l’Association
de libre-échange (ALE), elle conduit une politique parallèle
à celle de l’Union européenne.