Editorial



Par MELHEM KARAM 

LE DIALOGUE DU CIEL ET DE LA TERRE BEAUCOUP PLUS GRAND QUE L’AUTOCRITIQUE

Peu nombreuses sont les nations... et il n’y a pas de mal à dire qu’aucune d’elles ne peut ignorer des failles et des revers dans son Histoire. Aucune d’elles n’est exclue des ères de décadence ayant connu des renaissances effaçant les erreurs du passé pour écrire le pacte d’un avenir radieux.
Aucune nation n’a reconnu, de son propre gré, les erreurs de son passé et ses péchés. Comme si l’Histoire était sa propriété, n’enregistrant son cheminement que dans les chapitres de lumière. Pourtant, la vérité est un fait accompli qui s’impose de lui-même.
Ces paroles émanent d’un message de S.S. Jean-Paul II ayant pour titre: “Mémoires et réconciliation”. Car ce message évoque, pour la première fois, ce que l’Eglise n’a pas dit depuis qu’elle existe; excusez-moi, a dit l’Eglise, parce qu’une fois je n’ai pas réparé le préjudice et, une fois, parce que je l’ai passé sous silence. Une troisième fois, parce que moi-même ai causé du tort. Les tribunaux de l’Inquisition du XIIème au XVIIIème siècle, en passant par le XIIIème.
Bien que ces tribunaux n’aient rien pu faire contre le protestantisme, même s’il avait vécu seul en Espagne à “l’ère de la lumière”. Galilée était présent dans l’esprit de Jean-Paul II; Galilée, auteur des “Sources de la révolution”, ouvrage qui a été déféré devant l’Inquisition... L’Eglise l’a taxé d’athéisme, l’a condamné et l’a contraint à renoncer au système de Copernic.
Et Jan Hus était présent dans la mémoire du pape le jour où il a présenté des excuses, parce que Jan Hus fut poursuivi pour hérésie et sa dépouille brûlée comme celle des hérétiques. Il est vrai que l’Eglise a réhabilité Galilée en 1992, mais il est, également, vrai que l’homme de science a été soumis à des considérations jugées sur la base de critères autres que scientifiques.
Quelque chose de pareil à la “purification de la mémoire” a émané du siège de Pierre (le siège pontifical), comme s’il se remémorait l’excuse de Paul VI dans les années soixante aux protestants et aux orthodoxes au Jardin des oliviers, en la personne du patriarche de Fanar, Athenagoras. En pénétrant dans le corridor de la purification, l’Eglise n’a pas hésité à avouer son “péché”, comme sa “sainteté”. C’est un mélange de gens ayant commis des péchés et des erreurs et des gens de bien pour l’éternité.
Cette autocritique est empreinte de grandeur, parce qu’elle est franche, intime, affranchie de toute politique. Les marxistes ont connu l’autocritique. Mais celle des marxistes était, toujours fille de la nécessité politique et de l’engagement partisan. Bien que nous ne la comparons pas au hara-kiri japonais.
Ah! si tous adoptaient l’autocritique, tous hommes de religion et hommes du monde, en enlevant le voile épais couvrant la grandeur céleste, pour voir le droit face à face. La vision aurait été, alors, différente et le comportement deviendrait fils du repentir qui est un devoir pour tout homme.
Mais que demandons-nous? Nous demandons à l’homme de s’élever du quotidien, du fait terrestre, de la question présente pour regarder l’avenir. Que demanderions-nous, si nous avions dégringolé de la marche céleste aux histoires de la terre; d’Israël affligé d’un complexe de supériorité, considérant que toute la terre lui doit des excuses, pour ce que le peuple juif a enduré à travers l’Histoire? Tout en refusant d’avouer les méfaits et les péchés qu’il a commis contre l’homme, spécialement, l’homme arabe et, tout particulièrement, l’homme du Liban dans sa personne et son bien!
Que disons-nous à l’Europe qui accorde du crédit aux paroles d’Israël, comme si elle n’avait pas vu ce qu’il est advenu des calendriers écrits à l’encre par Israël qu’il a effacés avec le sang de gens paisibles.
Que dirons-nous aux Etats-Unis qui évoluent à travers les gouttes, le jour où ils tentent de tenir des propos acceptables sur l’avenir libanais et sur la position des Arabes réunis au Liban, par rapport à cet avenir?
Tout était acceptable du point de vue américain, au plan de la solidarité arabe avec le Liban, sauf une chose: la Résistance. Et tout était acceptable, du point de vue américain, au plan de la levée de l’embargo sur les produits iraniens, du tapis persan au caviar... hormis le pétrole et ses dérivés, en dépit de l’avidité américaine connue pour l’or noir.
Et que dirons-nous, dans le même contexte, à Joerg Haider quand il nomme son avocat, Dieter Bohmofrer, ministre de la Justice, bien que son avocat le soutenait dans bien des faits n’ayant aucun lien avec la justice!
Et que dirons-nous encore?
Nous dirons que le pape a parlé à la terre avec le langage du ciel. A l’instar du pape Léon XIII qui s’adressait au ciel avec le langage de la terre à propos des “choses modernes” (Rerum Novarum). Les messages se perpétuent après Pie XI, Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II lui-même dans “l’exercice du travail” (Laboren Exercen), message divulgué en 1980, quatre-vingt dix ans après “Rerum Novarum”.
Le dialogue du ciel et de la terre, puisse-t-il se perpétuer, car ainsi seront éclairés ceux qui prennent en charge la vie de l’homme au double plan religieux et temporel. 

Photo Melhem Karam

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