DEDD: PEINTRE FRANÇAIS SUR LES CIMAISES D’EPREUVE D’ARTISTE
UN LANGAGE PICTURAL INTÉRIORISÉ

"Terres déchirées”, le thème des dernières œuvres de Dedd, (artiste plasticienne de nationalité française), des collages sur toile ou sur papier, illustre parfaitement dans mon esprit le parallélisme suggéré entre le Liban et l’Arménie, deux pays sauvagement mutilés par la guerre.
 
Beyrouth: “Déchirures”.
Beyrouth: “Terre embrasée”.

es œuvres et collages qui représentent “Beyrouth”, ont la particularité d’être composés à partir de lambeaux de paysages urbains éventrés par les bombes. Ces lambeaux de photos de paysages urbains, savamment agencés et collés sur le support, repris à la gouache, ne semblent reposer sur rien, comme figés, suspendus, dans l’espace. Ainsi, Dedd incite le spectateur à créer son propre support, à inventer ce qui n’existe pas dans le collage, à composer avec l’invisible sa propre vision.
Ce parti-pris dans la conception de l’artiste n’est pas le fruit du hasard, il est la clé de l’œuvre à plusieurs titres. La composition qui attire le regard en premier lieu, intrigue le spectateur pour le conduire plus loin à travers l’image, jusqu’à passer un cap supplémentaire, celui de l’abstraction. Alors de nouveau et symboliquement la composition: collages et mixed médias, permet de saisir le message. Ici, le plus important ne semble pas être ce que le regard peut distinguer: bâtiments éventrés, maisons, ruelles, personnages, etc... mais ce vers quoi il est conduit par une structuration arbitraire des éléments: le passage du reconnaissable à l’informel. La sensation de déséquilibre des différents plans se révèle, alors, initiatique; ce déséquilibre apparent anime l’œuvre et lui sert de contrepoids. Au flou de certains plans répondent des éléments précis ce qui contrebalance les imbrications: éléments de photos et fonds.
 
Arménie: “Procession”.
Arménie: “Clocher éternel”.

Pour Dedd, un collage n’est réussi que lorsque les oppositions et les contrastes provoqués par l’assemblage des divers éléments, les rythmes, les couleurs et la matière font que l’œuvre se dynamise d’elle-même et devient autonome.
Au-delà d’une technique magistrale, les collages de Dedd sur l’Arménie peuvent, par leur complexité, donner le vertige à ceux qui les regardent, tant la plupart des thèmes et motifs représentés nous interpellent et nous obligent à réfléchir. Puisant dans les symboles et allégances de l’iconographie arménienne, elle nous propose des lieux ambigus où la terre d’Arménie et les cieux se fondent dans un univers mystique.
Par un mélange raffiné de tradition et de modernité, Dedd se veut un peintre continuateur de tous ceux qui, du Moyen Age à nos jours, ont voulu traduire, par un imaginaire exacerbé, des vérités difficiles à exprimer sans un langage subtilement codé. Et c’est bien par un jeu subtil de symboles que Dedd peut retrouver le sens profond de l’artiste en quête de l’absolu et nous le transmettre. S’intéressant au langage des signes, elle travaille avec, en elle, cette nécessité vitale de transposer ses fantasmes. Mais là où sa démarche devient très originale, c’est qu’elle parvient à superposer sur le support les différentes images que les lieux lui suggèrent. Aussi, on pourrait dire qu’il s’agit d’œuvres où s’identifient les visions intérieures de l’artiste.


Beyrouth: Une structuration arbitraire
des divers éléments composant l’œuvre.

Symboliste? Surréaliste? Fantastique? Il est très difficile de classer l’art de Dedd dans tel ou tel genre. Cet art regroupe quelque peu toutes ces tendances et une parfaite maîtrise du métier, ainsi que le grand talent de Dedd, lui permettent de créer un univers envoûtant dans lequel le spectateur se sent happé, immergé, découvrant une sensation curieuse venue de l’inconscient.

Par NICOLE MALHAMÉ HARFOUCHE

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