Cependant, les prévisions pessimistes ont été motivées
par la profondeur des divergences dans les positions opposant la Syrie
à Israël en ce qui concerne le retrait jusqu’à la ligne
du 4 juin 1967. Le président Clinton n’est pas parvenu à
réduire la brèche entre Damas et Tel-Aviv, en dépit
de tous les efforts qu’il a déployés pour les rapprocher.
D’aucuns s’attendent à une nouvelle escalade sur le terrain
qui déboucherait sur une relance des négociations de paix.
Par ailleurs, les prévisions optimistes partaient du fait qu’une
rencontre à un tel niveau ayant rassemblé des centaines de
conseillers, de part et d’autre, ne pouvait échouer. Bien que, pratiquement,
rien n’ait transpiré des entretiens bipartites, certains persistent
à soutenir que des résultats ont été bel et
bien obtenus, mais s’ils n’ont pas été divulgués,
c’est dans le but de ne pas compromettre la suite des négociations
et, aussi, à l’effet de clarifier quelques points non encore élucidés,
à travers les canaux diplomatiques et des parties directement concernées
par le conflit, pour parvenir à un accord sur le volet syrien et,
partant, sur le volet libanais dans une étape ultérieure.
RIEN À ESPÉRER AVANT LES PRÉSIDENTIELLES
US?
Entre les deux tendances, une troisième ne s’attend à
rien de décisif avant les prochaines élections présidentielles,
pour la simple raison que le chef de la Maison-Blanche ne disposera pas
du temps nécessaire pour sortir les négociations de paix
de l’impasse, car il doit consacrer tous ses efforts à assurer l’élection
de son vice-président, Al Gore.
Si la partie israélienne était désireuse d’accorder
quelque concession, elle l’aurait déjà fait. Mais elle préfère
traiter avec le futur chef de l’Exécutif américain, qu’avec
le président en exercice à qui il reste quelques mois de
son mandat.
Du côté palestinien, on se montre prudent et optimiste.
En effet, M. Yasser Arafat a déclaré que le sommet de Genève
n’a pas échoué, mais a constitué un pas en avant devant
préparer d’autres progrès.
Pourtant, Abou-Ammar n’a pas caché son désappointement
du résultat si peu positif auquel ont abouti les pourparlers palestino-israéliens
à la base aérienne US près de Washington. Ces derniers
ont été reportés au 6 avril, sans qu’on sache si des
percées se sont produites au terme d’une semaine de conciliabules.
Pour en revenir au sommet de Genève, les regards étaient
tournés dimanche dernier vers cette ville suisse, car de ses résultats
dépend l’avenir de la région proche-orientale tout entière.
Les concertations libano-syriennes qui avaient précédé
la rencontre Assad-Clinton, devaient reprendre après leurs entretiens,
lesquels pourraient être couronnés par une visite que M. Farouk
Chareh, chef de la diplomatie syrienne, effectuerait à Beyrouth.
Pendant ce temps, les problèmes intérieurs étaient
gelés au Liban, dans l’attente des nouvelles de Genève, à
l’exception d’une question soulevée par un quotidien local, relative
au redéploiement des forces syriennes stationnées sur notre
territoire.
Le président de la République a accusé le lobby
sioniste de relancer cette affaire dans un but qui n’échappe à
personne, disant que “le retrait syrien du Liban est lié à
un timing devant servir l’intérêt du Liban et non celui de
l’Etat hébreu”.
RÉPERCUSSIONS DU SOMMET AU SUD
Cela dit, les observateurs se perdent en conjectures quant aux répercussions
du sommet de Genève sur la situation au Liban-Sud, Israël ayant
réaffirmé sa détermination à évacuer
ses troupes de la région Frontalière avant le mois de juillet
prochain, tout en poursuivant ses raids quotidiens sur les villages sudistes,
même durant la tenue du sommet.
De plus, son aviation a pris pour cible un centre de la Croix-Rouge
libanaise à Nabatieh où plusieurs véhicules, dont
une ambulance de “Médecins sans frontières” ont été
détruits.
Une délégation militaire syrienne ayant à sa tête
le général Moustapha Tlass, ministre de la Défense,
avait effectué une visite au chef de l’Etat, au président
du Conseil et à l’ancien chef du gouvernement, M. Rafic Hariri qui
a offert un déjeuner en son honneur en sa résidence de Koraytem.
Les responsables syriens ont mis l’accent au cours de leurs entretiens,
sur la nécessité de dissiper toute tension sur la scène
intérieure, afin de renforcer le front libano-syrien dans cette
étape particulièrement délicate. Et ce, à la
suite des remous suscités par la crise des “deux décrets”
que le Premier ministre Salim Hoss n’a pas signés, parce qu’allant
à l’encontre de ses principes et convictions.
Le président Lahoud a, quant à lui, souligné l’importance
de l’unité de la position libano-syrienne, face aux défis
auxquels les deux pays sont actuellement confrontés.
“Le Liban, a déclaré le président de la République,
consolide sa résistance face aux agressions israéliennes,
grâce à l’appui permanent de la Syrie qui n’a cessé
à aucun moment, même dans les circonstances les plus difficiles”.
L’AFFAIRE DES “DEUX DÉCRETS”
En ce qui concerne les “deux décrets” concernant l’exécution
de deux condamnations, par la Cour criminelle, à la peine capitale,
le Conseil des ministres a décidé de les geler et d’en saisir
les instances compétentes pour trouver à cette question une
solution adéquate.
Il y a lieu de signaler, à ce propos, que les hautes autorités
n’ont pas caché leur mécontentement de la cabale déclenchée
par M. Hariri contre le gouvernement et son chef, celui-ci ayant répliqué
à son prédécesseur, prenant violemment à partie
sa manière de se comporter et la “puissance de l’argent” qu’il utilise
pour discréditer ses adversaires politiques.
Fait à signaler: M. Omar Karamé, ancien allié
du président Hoss a, lui aussi, critiqué le président
du Conseil, l’invitant à signer les deux décrets ou à
démissionner. M. Hoss a rappelé à M. Karamé
qu’au temps où il était au Pouvoir, il s’était abstenu
d’apposer sa signature sur trois décrets et accepté que son
vice-président les signe à sa place.
Le président Nabih Berri s’est, également, mis de la
partie et préconisé, entre autres moyens pour prévenir
des crises pareilles à celle suscitée par les deux décrets,
d’élaborer un règlement intérieur du Conseil des ministres.
Cependant, les démarches entreprises par leurs amis communs,
sont parvenus, semble-t-il, à dissiper tout malentendu et toute
tension dans les rapports entre Aïn el-Tiné et Aïché
Bakkar.
En effet, le président Berri a soutenu, franchement, le président
Hoss dans cette affaire, disant que le chef du gouvernement ne s’est nullement
dessaisi de ses prérogatives au profit de qui que ce soit.
De plus, il a critiqué l’opposition qui, prétendant vouloir
défendre les institutions, s’emploie au contraire en vue d’y faire
mainmise et de la mobiliser pour servir ses intérêts.