RISQUES DE CONFRONTATION AU SUD APRÈS L’ÉCHEC D’UN COMPROMIS SUR LE GOLAN
LE SOMMET DE GENÈVE: UNE ILLUSION PERDUE ET DES INQUIÉTUDES RETROUVÉS

La déception a été à la mesure de l’attente, car on avait fondé beaucoup d’espoir sur cette rencontre de Genève, qualifiée de sommet de la dernière chance.Dans les différents milieux politiques occidentaux et arabes, la première réaction sera celle d’un constat d’échec. Mais, à froid, les spéculations ont repris et même une ébauche d’espoir a été lancée par le Premier ministre israélien. A l’issue de son entretien avec Dennis Ross, émissaire américain, venu l’informer de la teneur du sommet, Ehud Barak a affirmé: “La porte de la négociation n’est pas fermée”. Reste à savoir si le président américain Bill Clinton a encore quelque chance d’instaurer la paix au Proche-Orient avant la fin de son mandat en janvier 2001?
 
Rencontre Assad-Clinton 
dans la bonne humeur.
Shake-hand Ross-Barak à Tel-Aviv.

Dimanche 26 mars, le président Bill Clinton et son homologue syrien, Hafez Assad, ont tenu à Genève un sommet de plus de cinq heures, ayant porté sur l’ensemble du processus de paix au Proche-Orient et sur le volet syro-israélien, en particulier. Entourée de beaucoup de secret, la rencontre a eu lieu à l’hôtel Intercontinental au milieu d’un impressionnant dispositif de sécurité. C’était la quatrième rencontre entre MM. Clinton et Assad. Ils s’étaient déjà réunis une première fois à Genève en janvier 94; une deuxième fois, à Damas en octobre 94 et, la troisième fois, en février 99 à Amman, en marge des funérailles du roi Hussein de Jordanie.
Le récent sommet était, toutefois, considéré comme le plus important, puisqu’il avait pour objectif de relancer les négociations entre Damas et Tel-Aviv interrompues le 10 janvier. Mais, apparemment, la rencontre n’a pas répondu aux espoirs. Après plus de cinq heures de discussions avec le président Assad et deux contacts téléphoniques avec M. Barak, le chef de l’Exécutif américain n’a pas réussi à aplanir les divergences entre les deux parties, afin de remettre le processus sur les rails.
Le sommet s’est achevé sans communiqué final et sans conférence de presse commune. Les journalistes présents à Genève devaient se contenter des déclarations faites, indépendamment l’un de l’autre, par les porte-parole américain et syrien.
Joe Lockhart  a parlé “de divergences significatives qui n’ont pu être réduites et que, du point de vue des Etats-Unis, il ne pense pas qu’il serait utile de reprendre maintenant les discussions”.
Il a ajouté que le président Clinton pense que la rencontre “a été utile” et “ne se sent pas découragé”, soulignant que “les Etats-Unis allaient poursuivre leurs efforts”.
Quant à la Syrie, elle a rejeté sur Israël la responsabilité de l’échec de Genève et Gebrane Kourié, porte-parole de la présidence syrienne, a affirmé: “Israël continue à mettre des obstacles devant la reprise des négociations”.

UN CONTENTIEUX DIFFICILE À RÉGLER
Le sommet de Genève a porté, évidemment, sur les dossiers épineux du processus de paix entre Israël et la Syrie. En tête de ces dossiers, figure le Golan. Ce plateau basaltique de 1150 km2, occupé par Israël en 1967 et annexé en 1981, constitue un atout stratégique, car il se trouve à une soixantaine de kilomètres de Damas et domine la vallée israélienne du “doigt de la Galilée”. Il est habité par quelque 17.000 colons israéliens et autant de druzes qui n’ont pas renoncé à leur nationalité syrienne.
Dans le cadre des négociations, la Syrie exige que la question du Golan soit examinée en priorité et réclame la restitution totale de ce plateau jusqu’à la frontière du 4 juin 1967. Israël, pour sa part, se dit prêt à discuter du tracé de la frontière et à revenir “à peu près” à la ligne du 4 juin 1967. En contrepartie, il désire conserver le contrôle de la rive nord-est du lac de Tibériade à laquelle la Syrie n’aurait pas accès.
Par ailleurs, l’Etat hébreu insiste pour discuter, d’abord, de la normalisation des relations entre les deux pays et du partage des ressources en eau, avant de délimiter la ligne frontalière devenue une pierre d’achoppement empêchant la reprise du dialogue interrompu le 10 janvier. D’ailleurs, la discussion porte sur quelques kilomètres et un retour à la ligne du 4 juin 1967 permettrait à la Syrie d’avoir accès au lac de Tibériade, principal réservoir d’eau d’Israël.
D’où l’importance accordée au dossier de l’eau, crucial dans cette région où les pays doivent faire face à un déficit chronique du précieux liquide. Tel-Aviv veut, pour cela, obtenir de Damas la garantie qu’un retrait du plateau du Golan n’aurait pas de conséquences sur son approvisionnement en eau, dont plus d’un tiers vient du Golan par les affluents du Jourdain.
Autre dossier important: les arrangements en matière de sécurité. Israël veut la mise en place de stations de pré-alerte sur le plateau du Golan et la création de zones démilitarisées en profondeur. Il souhaite, aussi, le maintien de forces israéliennes sur le mont Hermon qui domine le Golan.
La Syrie propose, en revanche, un système de surveillance aérien et spatial et exige, en vertu du principe de la réciprocité, que des zones démilitarisées s’étendent, également, du côté israélien de la frontière.
Pour ce qui est de la normalisation, l’Etat hébreu attend d’un accord de paix l’établissement de relations normales entre les deux pays, avec échange d’ambassades, des relations commerciales et touristiques. Or, pour la Syrie, cette normalisation paraît bien difficile à réaliser pour le moment, surtout au niveau des mentalités de tant de générations élevées et éduquées selon le concept de “l’ennemi israélien”. Faire un revirement de 180Þ degrés du jour au lendemain n’est pas chose facile.

CONSÉQUENCES DE L’ÉCHEC DE GENÈVE
Le président américain n’a donc pas réussi son pari de ramener à la table des négociations Israéliens et Syriens, en vue de mettre fin à plus d’un demi-siècle de conflit. Les raisons de l’échec sont analysées, décortiquées et les deux protagonistes se rejettent mutuellement la responsabilité de l’impasse.
Farouk Chareh, chef de la diplomatie syrienne, exprime l’amertume des Syriens et se dit “surpris par le fait que le président américain n’ait rien apporté de nouveau de la part d’Israël, mais qu’au contraire, il soit venu demander à la Syrie ce qu’elle pouvait faire pour aider Barak qui est dans une situation difficile”. Chareh d’ajouter: Israël recourt à la logique de la force dans ses négociations de paix et c’est pourquoi les efforts n’ont pas, à ce jour, débouché sur les résultats espérés”.
A ces propos, le Premier ministre israélien répond: “Les masques sont tombés. Le sommet entre les présidents Clinton et Assad a mis en lumière le fait que la Syrie, dans l’état actuel des choses, n’est apparemment pas prête à prendre le type de décisions nécessaires pour parvenir à un accord de paix”.
Mais au-delà de ces accusations réciproques, une question prioritaire se pose: Quelles vont être les conséquences de l’impasse dans les négociations?
“Cela pourrait bien être le premier pas vers une confrontation entre Israël et la Syrie au Liban”, estime le biographe du président Assad, le journaliste britannique Patrick Seale. Ce point de vue est partagé par différentes analyses politiques qui considèrent “qu’un réel échec pourrait avoir des conséquences graves sur le terrain, en particulier au Liban”. D’aucuns vont même jusqu’à dire que “tout est en place pour une crise majeure avec une nouvelle escalade dans les affrontements au Sud”. D’ailleurs,  Yossi Beilin, ministre israélien de la Justice, a été assez explicite en prévenant: “Quand il n’y a pas de paix... il y a toujours des risques de guerre”.
Le pire est que le Liban est supposé devoir en payer les frais et continue à être le bouc émissaire, l’éternelle victime des solutions de paix, comme des perspectives de guerre. Entre-temps, le flou persiste sur les modalités d’un retrait israélien du Liban-Sud avant fin juillet 2000 et de ses implications en l’absence de tout accord.
Pour cela, on voudrait tant espérer que la porte des négociations ne soit pas totalement fermée et que le président Clinton parviendra avant la fin de son mandat, à ramener Syriens et Israéliens à la table des négociations. Le quotidien officiel syrien “Techrine” insiste sur cette implication américaine: “L’administration US, écrit-il, doit faire un pas en avant pour amener le gouvernement israélien à ne pas perdre cette occasion historique de faire la paix”.
Quant au président égyptien, Hosni Moubarak il a, une fois de plus, rencontré le président Clinton à Washington, poursuivant son rôle d’intermédiaire, auprès des différentes parties en vue de faire avancer le processus sur tous les volets.

Par NELLY HÉLOU

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