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Dimanche 26 mars, le président Bill Clinton et son homologue
syrien, Hafez Assad, ont tenu à Genève un sommet de plus
de cinq heures, ayant porté sur l’ensemble du processus de paix
au Proche-Orient et sur le volet syro-israélien, en particulier.
Entourée de beaucoup de secret, la rencontre a eu lieu à
l’hôtel Intercontinental au milieu d’un impressionnant dispositif
de sécurité. C’était la quatrième rencontre
entre MM. Clinton et Assad. Ils s’étaient déjà réunis
une première fois à Genève en janvier 94; une deuxième
fois, à Damas en octobre 94 et, la troisième fois, en février
99 à Amman, en marge des funérailles du roi Hussein de Jordanie.
Le récent sommet était, toutefois, considéré
comme le plus important, puisqu’il avait pour objectif de relancer les
négociations entre Damas et Tel-Aviv interrompues le 10 janvier.
Mais, apparemment, la rencontre n’a pas répondu aux espoirs. Après
plus de cinq heures de discussions avec le président Assad et deux
contacts téléphoniques avec M. Barak, le chef de l’Exécutif
américain n’a pas réussi à aplanir les divergences
entre les deux parties, afin de remettre le processus sur les rails.
Le sommet s’est achevé sans communiqué final et sans
conférence de presse commune. Les journalistes présents à
Genève devaient se contenter des déclarations faites, indépendamment
l’un de l’autre, par les porte-parole américain et syrien.
Joe Lockhart a parlé “de divergences significatives qui
n’ont pu être réduites et que, du point de vue des Etats-Unis,
il ne pense pas qu’il serait utile de reprendre maintenant les discussions”.
Il a ajouté que le président Clinton pense que la rencontre
“a été utile” et “ne se sent pas découragé”,
soulignant que “les Etats-Unis allaient poursuivre leurs efforts”.
Quant à la Syrie, elle a rejeté sur Israël la responsabilité
de l’échec de Genève et Gebrane Kourié, porte-parole
de la présidence syrienne, a affirmé: “Israël continue
à mettre des obstacles devant la reprise des négociations”.
UN CONTENTIEUX DIFFICILE À RÉGLER
Le sommet de Genève a porté, évidemment, sur les
dossiers épineux du processus de paix entre Israël et la Syrie.
En tête de ces dossiers, figure le Golan. Ce plateau basaltique de
1150 km2, occupé par Israël en 1967 et annexé en 1981,
constitue un atout stratégique, car il se trouve à une soixantaine
de kilomètres de Damas et domine la vallée israélienne
du “doigt de la Galilée”. Il est habité par quelque 17.000
colons israéliens et autant de druzes qui n’ont pas renoncé
à leur nationalité syrienne.
Dans le cadre des négociations, la Syrie exige que la question
du Golan soit examinée en priorité et réclame la restitution
totale de ce plateau jusqu’à la frontière du 4 juin 1967.
Israël, pour sa part, se dit prêt à discuter du tracé
de la frontière et à revenir “à peu près” à
la ligne du 4 juin 1967. En contrepartie, il désire conserver le
contrôle de la rive nord-est du lac de Tibériade à
laquelle la Syrie n’aurait pas accès.
Par ailleurs, l’Etat hébreu insiste pour discuter, d’abord,
de la normalisation des relations entre les deux pays et du partage des
ressources en eau, avant de délimiter la ligne frontalière
devenue une pierre d’achoppement empêchant la reprise du dialogue
interrompu le 10 janvier. D’ailleurs, la discussion porte sur quelques
kilomètres et un retour à la ligne du 4 juin 1967 permettrait
à la Syrie d’avoir accès au lac de Tibériade, principal
réservoir d’eau d’Israël.
D’où l’importance accordée au dossier de l’eau, crucial
dans cette région où les pays doivent faire face à
un déficit chronique du précieux liquide. Tel-Aviv veut,
pour cela, obtenir de Damas la garantie qu’un retrait du plateau du Golan
n’aurait pas de conséquences sur son approvisionnement en eau, dont
plus d’un tiers vient du Golan par les affluents du Jourdain.
Autre dossier important: les arrangements en matière de sécurité.
Israël veut la mise en place de stations de pré-alerte sur
le plateau du Golan et la création de zones démilitarisées
en profondeur. Il souhaite, aussi, le maintien de forces israéliennes
sur le mont Hermon qui domine le Golan.
La Syrie propose, en revanche, un système de surveillance aérien
et spatial et exige, en vertu du principe de la réciprocité,
que des zones démilitarisées s’étendent, également,
du côté israélien de la frontière.
Pour ce qui est de la normalisation, l’Etat hébreu attend d’un
accord de paix l’établissement de relations normales entre les deux
pays, avec échange d’ambassades, des relations commerciales et touristiques.
Or, pour la Syrie, cette normalisation paraît bien difficile à
réaliser pour le moment, surtout au niveau des mentalités
de tant de générations élevées et éduquées
selon le concept de “l’ennemi israélien”. Faire un revirement de
180Þ degrés du jour au lendemain n’est pas chose facile.
CONSÉQUENCES DE L’ÉCHEC DE GENÈVE
Le président américain n’a donc pas réussi son
pari de ramener à la table des négociations Israéliens
et Syriens, en vue de mettre fin à plus d’un demi-siècle
de conflit. Les raisons de l’échec sont analysées, décortiquées
et les deux protagonistes se rejettent mutuellement la responsabilité
de l’impasse.
Farouk Chareh, chef de la diplomatie syrienne, exprime l’amertume des
Syriens et se dit “surpris par le fait que le président américain
n’ait rien apporté de nouveau de la part d’Israël, mais qu’au
contraire, il soit venu demander à la Syrie ce qu’elle pouvait faire
pour aider Barak qui est dans une situation difficile”. Chareh d’ajouter:
Israël recourt à la logique de la force dans ses négociations
de paix et c’est pourquoi les efforts n’ont pas, à ce jour, débouché
sur les résultats espérés”.
A ces propos, le Premier ministre israélien répond: “Les
masques sont tombés. Le sommet entre les présidents Clinton
et Assad a mis en lumière le fait que la Syrie, dans l’état
actuel des choses, n’est apparemment pas prête à prendre le
type de décisions nécessaires pour parvenir à un accord
de paix”.
Mais au-delà de ces accusations réciproques, une question
prioritaire se pose: Quelles vont être les conséquences de
l’impasse dans les négociations?
“Cela pourrait bien être le premier pas vers une confrontation
entre Israël et la Syrie au Liban”, estime le biographe du président
Assad, le journaliste britannique Patrick Seale. Ce point de vue est partagé
par différentes analyses politiques qui considèrent “qu’un
réel échec pourrait avoir des conséquences graves
sur le terrain, en particulier au Liban”. D’aucuns vont même jusqu’à
dire que “tout est en place pour une crise majeure avec une nouvelle escalade
dans les affrontements au Sud”. D’ailleurs, Yossi Beilin, ministre
israélien de la Justice, a été assez explicite en
prévenant: “Quand il n’y a pas de paix... il y a toujours des risques
de guerre”.
Le pire est que le Liban est supposé devoir en payer les frais
et continue à être le bouc émissaire, l’éternelle
victime des solutions de paix, comme des perspectives de guerre. Entre-temps,
le flou persiste sur les modalités d’un retrait israélien
du Liban-Sud avant fin juillet 2000 et de ses implications en l’absence
de tout accord.
Pour cela, on voudrait tant espérer que la porte des négociations
ne soit pas totalement fermée et que le président Clinton
parviendra avant la fin de son mandat, à ramener Syriens et Israéliens
à la table des négociations. Le quotidien officiel syrien
“Techrine” insiste sur cette implication américaine: “L’administration
US, écrit-il, doit faire un pas en avant pour amener le gouvernement
israélien à ne pas perdre cette occasion historique de faire
la paix”.
Quant au président égyptien, Hosni Moubarak il a, une
fois de plus, rencontré le président Clinton à Washington,
poursuivant son rôle d’intermédiaire, auprès des différentes
parties en vue de faire avancer le processus sur tous les volets.