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RESPONSABILITÉ D’UN ÉCHEC
M. Clinton est rentré bredouille de Genève, ont annoncé les journaux télévisés d’Europe durant la nuit du 26 au 27 mars. Ils ont manqué d’ajouter qu’il est, également,  rentré bredouille de New Delhi et de Karachi. La négociation syro-israélienne, dont il est le “parrain”, est toujours bloquée. On peut noter, par la même occasion, que la paix en Irlande du Nord, dont il est aussi le “parrain”, est de nouveau remise en question. Quant aux négociations israélo-palestiniennes qui ont repris à Washington, personne n’est optimiste sur leur issue.
Il faut croire que ces divers conflits n’ont pas de solution ou que M. Clinton n’a pas la main pour ce genre de problèmes.
En tout cas, échec partout.

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Cette rencontre de Genève avec le président Hafez Assad était présentée comme “la dernière chance” par les Israéliens. Leur gouvernement prévoyait que, faute d’un accord, les perspectives de paix seront repoussées de deux ans, le temps que le nouveau président américain, qui sera élu en novembre prochain, puisse reprendre les fils du “processus” de négociation. On voulait dire par là que c’est la Syrie qui serait responsable si la chance de Genève n’était pas saisie.
Maintenant que l’échec de la rencontre Clinton-Assad est avéré, chacune des deux parties en rejette la responsabilité sur l’autre. La polémique a été relancée à partir de Genève dès la fin de la rencontre.
En réalité, on se trompe de responsable. Barak n’est pas plus responsable que Hafez Assad du blocage des négociations. L’Israélien, selon Washington, est en trop mauvaise posture sur le plan intérieur pour pouvoir prendre des engagements de principe sur la restitution de la terre, sans être assuré de ce qu’il obtiendrait en retour pour apaiser ses alliés de la droite extrémiste. Il veut monnayer son retrait du Golan. Le Syrien, pour sa part, s’attache à un principe, “la paix contre la terre”, point de départ de la conférence de Madrid et conforme aux résolutions onusiennes.
Barak est politiquement trop faible. M. Clinton aurait, dit-on, incité M. Hafez Assad à aider M. Barak à s’en sortir! C’est un comble! Hafez Assad est parfaitement sûr de son bon droit. Et quand il offre la paix contre la restitution du territoire, il sait qu’il ouvre la voie à un développement irrésistible des relations d’Israël avec, non seulement la Syrie mais, aussi, avec l’ensemble du monde arabe. S’il y avait, en l’occurrence, une “dernière chance” à saisir, c’est bien Israël qui l’aurait ratée.
Mais la confiance ne règne pas. La propagande israélienne a, tellement, braqué l’opinion contre de prétendues menaces syriennes, que M. Barak est pris à son propre piège. Il n’est plus en mesure de reconnaître que plus personne ne menace Israël, que la paix avec ses voisins vaut des sacrifices de territoire.
Mais le vrai responsable de l’échec du processus de paix n’est-il pas en réalité son “parrain”?
L’hôte de la Maison-Blanche paraît se contenter d’écouter chacune des parties antagonistes, il s’abstient de proposer des solutions et d’utiliser les moyens, dont il dispose pour se faire entendre. Pourquoi donc a-t-on choisi son parrainage si ce n’est pas pour qu’il use de sa puissance de pression? Mais il semble que M. Clinton n’a pas la stature et l’autorité morale pour ce rôle. Imaginez ce qu’aurait été à sa place un Eisenhower qui, en 1956, n’a pas hésité à menacer publiquement Ben Gourion, de sanctions s’il n’obtempérait pas aux résolutions de l’ONU et n’évacuait pas immédiatement le Sinaï.
Aujourd’hui, l’Amérique n’invoque jamais l’autorité de l’ONU et n’a de sanctions que pour Cuba, l’Irak et quelques autres pays affaiblis. Israël, par contre, peut désormais, dicter ses priorités à la première puissance du monde. Sauvez Barak! a dit M. Clinton. Mais qui réhabilitera M. Clinton?

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Notez bien qu’en quittant Genève, M. Clinton n’avait pas l’air de renoncer. Il a laissé prévoir qu’il poursuivrait ses efforts. On peut admirer sa persévérance, si on n’approuve pas ses méthodes.
Quant à Israël que nul ne menace, c’est au seul Liban, qui ne lui a rien fait, qu’il en veut. Si le retrait de son armée du Liban-Sud n’a pu être monnayé comme il l’espérait, il entend en faire politiquement, une nouvelle machine de guerre contre notre paix intérieure. 


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