Editorial



Par MELHEM KARAM 

QUEL ARABE POURRAIT PARLER DE PAIX SI UN COUP ÉTAIT ASSÉNÉ À LA SYRIE?

Combien de temps nous sépare des élections législatives au Liban? Quel qu’il soit, il figure parmi les marques distinctives de ce temps. Cela signifie que la campagne ne commence qu’une fois prête la cuisine électorale; le plat cuit et pouvant être distribué aux convives.
Dans ce cadre étroit, très étroit, peut-on parler des élections? Cela pourrait être possible à l’instar des paroles des optimistes ayant de bonnes intentions, si la paix avait approché de l’étape de la signature. Peut-être! Mais la paix n’est pas proche, bien que nous ne sommes pas de ceux qui parlent de la “dernière chance”.
Les Libanais connaissent cette expression, car elle avait été utilisée avec eux durant les moments difficiles au cours des événements du Liban. Ce jour-là, et je le dis pour la mémoire, uniquement, nous rendaient visite Ikbal Akhund et son collaborateur, Mohamed Ezrawil. Akhund s’absentait, mais son adjoint restait parmi nous.
Quand Ezrawil s’absentait, Lakhdar Al-Ibrahimi nous apparaissait avec un sourire sage et prometteur. Prometteur, parce que l’espoir, à l’époque, reposait dans le coma de la déception. Et sage, parce que les gens qui espèrent, doivent mesurer leurs espoirs aux données de la réalité, non aux marges de l’ambition. Des émissaires nous venaient pour s’informer. Comme si ce qui se passait au Liban se déroulait à huis clos. D’autres nous venaient pour l’aide. L’aide à assurer la nourriture, parfois. Quelle honte! Comme si les Libanais avaient atteint le stade de la famine!
En dépit de cela et malgré des appels ayant mis en garde contre le drame des affamés dont les grands-pères avaint été affectés par l’étape ottomane dans sa dernière phase, les Libanais refusaient d’entendre parler de la “dernière chance”. Comme ils refusent les mêmes propos de l’étape à laquelle a abouti le processus de paix. Surtout après le dernier sommet, le sommet du 2 mars 2000 entre les présidents Hafez Assad et Bill Clinton.
Depuis près de cinquante ans, au mois de janvier 1994, les présidents syrien et américain s’étaient rencontrés à Genève même à l’Intercontinental et dans le même salon de cet hôtel. Il émanait de cette rencontre, ce jour-là, des paroles sur “la paix des braves”. Pouvait-il sortir du sommet de mars 2000 des propos insinuant que la “dernière chance” du processus de paix a été râtée?
Et d’autres propos, aussi... Même si nous poussons quelque peu nos échanges de vues autour des élections libanaises et de la réalité libanaise. Des paroles sur “l’empressement” israélien à se retirer du Liban, en application, dit Israël, de la résolution 425. Qu’il se retire, c’est son affaire. Mais qu’on dise que son retrait serait en application de l’une des résolutions internationales la plus franche et la plus claire exigeant le retrait inconditionnel du Sud en 1978, c’est une autre affaire qui nous concerne tous: les Libanais, les Arabes et la communauté internationale; de ses grands jusqu’à ceux qui ont en charge les organisations internationales, plus aptes à parler qu’à agir. Comme si la fin de la “Société des Nations”, la veille de la Seconde Guerre mondiale, apparaît dans le lointain horizon.
Le retrait israélien du Sud, oui, est notre affaire à tous. De ceux qui veulent nettoyer la terre de l’occupation et qui, dans le même temps, refusent de permettre à Israël de réitérer ses jeux depuis 1982.
Combien la mémoire est importante! La mémoire de laquelle Gratry a dit: “C’est la faculté d’oublier comme de se souvenir”. Et l’oubli est parfois meilleur que le souvenir.
Israël veut se retirer en application des résolutions des Nations-Unies, comme il le prétend. Qu’il se retire et nous empruntons, ici, une expression du président Emile Lahoud. Il nous restera a éviter les séquelles négatives de ce retrait. Là, la responsabilité est mise à l’épreuve, ainsi que les Libanais, les Arabes et la communauté internationale. Ils sont tenus d’être responsables à travers la vision des résolutions de l’ONU et de la loi et la vision équitable d’une paix des braves, non de parler de la dernière chance.
Il est vrai que le président américain est revenu de Genève et, précédemment, de New Delhi et d’Islamabad, sans réaliser un seul positivisme. Ni au Proche-Orient, ni au Cachemire, pas une lueur d’espoir en une démocratie que lui aurait promise le général Moucharraf, gouverneur d’Islamabad. A Genève, pour reprendre les termes du journal “Le Monde”, il s’est procuré un paquet de cigares cubains “Cohiba”, rare et interdit aux Etats-Unis.
Il est, également, vrai que le manque d’accord autour d’une vision unique au sommet de Genève a engendré une perplexité et, peut-être, davantage que cela quant à la fixation de la date des négociations.
Les paroles syriennes sur le sommet ont été différentes des paroles américaines, spécialement, au plan de l’espoir quant au résultat qu’on en attendait. L’espoir des Syriens dans le sommet a entraîné, en contrepartie, une réserve américaine. Mais il est toujours exact que la dernière chance reste dans la bouche de ceux qui désirent faire pression sur les nerfs.
Car la dernière chance, si elle venait à prendre fin, signifierait que la guerre est héritière de l’échec de la paix. Il importe ici de se remémorer des propos sur des frappes militaires, auxquelles on fait allusion, naturellement, à Damas. Ces frappes militaires dont beaucoup se gargarisent, où peuvent-elles mener? Elles conduiraient - et que les propos soient, cette fois, blessants - à l’effondrement de la paix, comme si un séisme l’aurait ensevelie jusqu’à un temps imprévisible.
Nous ne disons pas cela avec un enthousiasme que les Arabes devraient oublier, ne serait-ce que pour un temps. Mais avec une rationalité complète, lucide et sage. Quel Arabe pourrait parler de paix, si la Syrie était frappée? Israël lui-même sait qu’il n’en est pas capable, surtout que la Syrie ne signera pas une paix en y étant contrainte. Israël sait qu’il ne peut l’obtenir... par la logique diplomatique qui définit la logique de la guerre.
Pas de dernière chance dans le processus de paix, comme il n’y a pas de “mère des élections” au Liban. La concomitance existe entre ces deux données, parce que le conseil de la paix, la Chambre des députés qui doit être pour le Liban dans la phase pacifique est, indubitablement, différente de celle devant être engendrée par cette étape, l’étape des obsessions s’emparant de l’esprit de ceux qui aspirent à l’Etat de la loi au Liban et à éloigner l’implantation d’une patrie censée être une patrie véritable à ses fils, non une colonie pour n’importe qui d’autres qu’eux.
A ce moment, on peut parler de la “mère des batailles”, après que nous aurons franchi les paroles de la dernière chance, lorsque le train de la paix aura atteint son ultime station. 

Photo Melhem Karam

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