Cependant, après trois jours, ce fut le retour au calme, le président
Nabih Berri ayant pris contact avec le président Hoss, en formulant
le souhait de le voir soulever en Conseil des ministres la question des
“sources officielles” ayant divulgué la déclaration de M.
Zéaïter, afin d’empêcher la réédition d’une
telle bourde à l’avenir.
Le chef du gouvernement n’a pas caché son désappointement
de ce qui s’est produit, d’autant que la déclaration du ministre
de la Défense (proche de M. Berri) a indisposé le président
de la Chambre “qui, a affirmé le président du Conseil, ne
peut se tromper dans les questions nationales”.
M. Berri, rapporte sa coterie, compare les “sources officielles occultes”
au croassement des crapauds qui perturbe l’atmosphère et ajoute:
“On doit blâmer, moins ces derniers que le propriétaire de
la vasque où ils pataugent”. Le président de l’Assemblée
a réclamé l’ouverture d’une enquête pour tirer au clair
cette affaire qui a envenimé le climat politique.
Fait à signaler: la visite-éclair que le président
Hoss a effectuée lundi à Damas, n’a pas passé sous
silence la déclaration de M. Zéaïter, d’autant qu’elle
a failli compromettre les rapports au niveau du Pouvoir, spécialement
entre les présidents de la République et de la Chambre.
Comme d’habitude, la capitale syrienne s’est rapidement employée
à calmer l’atmosphère.
Il y a lieu de signaler que le président de la Chambre a explicité
sa position en recevant le conseil de l’Ordre des journalistes, ayant à
sa tête M. Melhem Karam, en affirmant: “Ce procédé
ne peut être utilisé avec moi: ni la “dactylo médiatique”
ni la “dactylo sécuritaire.”
M. Berri a dit encore que le ministre de la Défense a pêché
par erreur d’appréciation et blâmé le gouvernement
“pour ne pas mettre les ministres au courant de ce qui se passe sur la
scène locale et sur le terrain”.
MAUVAISE LECTURE DU CLIMAT DE GENÈVE
De toute manière, tous ces remous, assurent les observateurs,
ont été occasionnés par la mauvaise lecture qui a
été faite des informations relatives au sommet Assad-Clinton,.
Ils estiment que les entretiens des présidents syrien et américain
n’ont pas totalement échoué, mais appellent certaines réponses
de la part tant des Syriens que des Israéliens. La déclaration
du ministre de la Défense est venue mal à propos, au moment
où cette réponse était attendue avec impatience. Surtout
qu’elle a été exploitée par Tel-Aviv pour prétendre
que “la Syrie feint de vouloir hâter le processus de paix, alors
qu’elle agit pour le torpiller...”
Il ressort des entretiens Hoss-Miro sur les bords du Barada et contrairement
à certaines rumeurs persistantes, qu’il n’est pas question de tenir
un sommet libano-syrien dans l’immédiat. Puis, il s’est avéré
que Damas n’œuvre pas sur la base que “la balle est dans son camp”, comme
l’a dit le chef de la Maison-Blanche, mais plutôt dans celui d’Israël.
En ce sens que la reprise des négociations bipartites dépend
de l’engagement israélien à évacuer le Golan jusqu’à
la ligne du 4 juin 1967. Et ce, selon le principe défini à
Madrid de “la terre contre la paix”.
Le président Hoss a couronné sa visite à Damas
par une rencontre avec le Dr Bachar Assad, pour un tour d’horizon sur la
conjoncture régionale et les questions d’intérêt commun.
Le chef du gouvernement devait, par la suite, réaffirmer l’attachement
du Liban à l’application de la résolution 425, en insistant
sur le fait qu’Israël doit retirer inconditionnellement ses troupes
jusqu’aux frontières internationalement reconnues.
De même, il a souligné la concomitance des volets libanais
et syrien et la nécessité d’instaurer une paix juste et globale
dans la région.
De son côté, M. Farouk Chareh, ministre syrien des Affaires
étrangères, a assuré la concordance des vues entre
le Liban et la Syrie. “Si, a-t-il affirmé, l’Etat hébreu
veut réellement la paix, le Liban et la Syrie y sont prêts.
Qu’Israël prouve que la paix est son choix stratégique, comme
elle l’est pour Beyrouth et Damas”.
Après son entrevue avec M. Mohamed Miro, le président
Hoss a déclaré qu’il effectuait sa visite pour féliciter
son homologue syrien à l’occasion de son entrée en fonctions.
“Naturellement, a-t-il précisé, nous avons échangé
les vues sur les développements de la conjoncture régionale
et sur les relations bilatérales dans tous les domaines, en mettant
l’accent sur le volet économique, à la lumière de
l’accord signé entre les deux pays dans ce domaine.”
“Notre entretien, a-t-il poursuivi, a été utile et fructueux,
en ce sens que nous avons défini les moyens à mettre en œuvre
pour raffermir davantage nos relations dans l’intérêt commun”.
La veille de la visite de M. Hoss à Damas, M. Chareh était
venu au palais de Baabda où il a conféré avec les
chefs de l’Etat et du gouvernement. Il a profité de sa présence
pour mettre en garde contre des déclarations inadéquates
“dont Israël pourrait tirer profit”, faisant allusion aux propos tenus
par le ministre libanais de la Défense.
Ces derniers ont contraint le chef de la diplomatie syrienne à
venir à Baabda, ce qui n’était nullement prévu, d’autant
que le président Hoss était attendu le lendemain à
Damas. Mais la déclaration intempestive de M. Zéaïter
a nécessité son rapide déplacement pour remettre les
choses au clair.
Le président Lahoud a, quant à lui, réaffirmé
le souci du Liban de préserver la coopération et la coordination
avec la Syrie dans les circonstances présentes “qui exigent le renforcement
du front commun face à l’ennemi, lequel s’emploie à dissocier
les volets libanais et syrien”.
“Le Liban et la Syrie, a dit de son côté M. Chareh, veulent
une paix juste et globale, en application des résolutions 242, 338
et 425 du Conseil de Sécurité, comme du principe de la terre
contre la paix... Toute tentative de la part d’Israël visant à
changer ces données, que ce soit sur le volet syrien, libanais ou
palestinien, est vouée à l’échec.”
QUESTIONS ET INTERPELLATIONS
Par ailleurs, il nous faut revenir au débat institué,
la semaine dernière, sous l’hémicycle, à la faveur
de la séance parlementaire consacrée aux questions et interpellations.
Les interventions des députés laissaient entrevoir une campagne
électorale qui va commencer à battre son plein dans les prochaines
semaines.
Mais aucun d’eux n’a poussé l’hostilité jusqu’à
exiger du gouvernement ou de l’un de ses membres, de poser la question
de confiance. Sans doute, à cause de la conjoncture qui ne permet
pas de mettre le Cabinet des 16 en difficulté, le sort du pays étant
en jeu, parce qu’il est menacé en permanence par des périls
dont nul ne minimise la gravité. Surtout que l’Etat hébreu
parle de retirer ses troupes du Sud d’ici à fin juillet, même
sans accord avec Beyrouth et Damas.
Cette tendance s’est nettement dessinée, place de l’Etoile,
si l’on excepte les “Haririens” qui font feu de tout bois pour discréditer
le gouvernement et prouver que le pays se trouve dans une situation pire
que celle de leur temps.
Seul un député, M. Georges Kassarji, a invité
le ministre des Postes et Télécommunications à poser
la question de confiance... Mais en définitive, tout est rentré
dans l’ordre. Grâce, sans doute, à la manière adroite
avec laquelle le président Berri a dirigé le débat
et empêché les opposants d’asséner au gouvernement
des coups durs.
Les délibérations se sont, d’ailleurs, perdues dans la
discussion d’un point d’ordre constitutionnel en rapport avec les attributions
du Pouvoir exécutif, surtout en ce qui concerne les décisions
du Conseil des ministres.
Tout compte fait, ce débat parlementaire a eu pour conséquence
de normaliser les relations entre les Pouvoirs exécutif et législatif
à l’approche de la consultation populaire de l’été.