SOULEVÉE PAR LA “DÉCLARATION ZÉAÏTER”
LA TEMPÊTE POLITIQUE EST EN VOIE DE S’APAISER...

La tempête soulevée par M. Ghazi Zéaïter, ministre de la Défense, en évoquant la possibilité pour les troupes syriennes de convoyer l’armée libanaise au Liban-Sud après le retrait israélien prévu en juillet, a fait l’objet de commentaires enfiévrés et de réactions dont la plus violente a été celle du président de la Chambre.

Cependant, après trois jours, ce fut le retour au calme, le président Nabih Berri ayant pris contact avec le président Hoss, en formulant le souhait de le voir soulever en Conseil des ministres la question des “sources officielles” ayant divulgué la déclaration de M. Zéaïter, afin d’empêcher la réédition d’une telle bourde à l’avenir.
Le chef du gouvernement n’a pas caché son désappointement de ce qui s’est produit, d’autant que la déclaration du ministre de la Défense (proche de M. Berri) a indisposé le président de la Chambre “qui, a affirmé le président du Conseil, ne peut se tromper dans les questions nationales”.
M. Berri, rapporte sa coterie, compare les “sources officielles occultes” au croassement des crapauds qui perturbe l’atmosphère et ajoute: “On doit blâmer, moins ces derniers que le propriétaire de la vasque où ils pataugent”. Le président de l’Assemblée a réclamé l’ouverture d’une enquête pour tirer au clair cette affaire qui a envenimé le climat politique.
Fait à signaler: la visite-éclair que le président Hoss a effectuée lundi à Damas, n’a pas passé sous silence la déclaration de M. Zéaïter, d’autant qu’elle a failli compromettre les rapports au niveau du Pouvoir, spécialement entre les présidents de la République et de la Chambre.
Comme d’habitude, la capitale syrienne s’est rapidement employée à calmer l’atmosphère.
Il y a lieu de signaler que le président de la Chambre a explicité sa position en recevant le conseil de l’Ordre des journalistes, ayant à sa tête M. Melhem Karam, en affirmant: “Ce procédé ne peut être utilisé avec moi: ni la “dactylo médiatique” ni la “dactylo sécuritaire.”
M. Berri a dit encore que le ministre de la Défense a pêché par erreur d’appréciation et blâmé le gouvernement “pour ne pas mettre les ministres au courant de ce qui se passe sur la scène locale et sur le terrain”.

MAUVAISE LECTURE DU CLIMAT DE GENÈVE
De toute manière, tous ces remous, assurent les observateurs, ont été occasionnés par la mauvaise lecture qui a été faite des informations relatives au sommet Assad-Clinton,.
Ils estiment que les entretiens des présidents syrien et américain n’ont pas totalement échoué, mais appellent certaines réponses de la part tant des Syriens que des Israéliens. La déclaration du ministre de la Défense est venue mal à propos, au moment où cette réponse était attendue avec impatience. Surtout qu’elle a été exploitée par Tel-Aviv pour prétendre que “la Syrie feint de vouloir hâter le processus de paix, alors qu’elle agit pour le torpiller...”
Il ressort des entretiens Hoss-Miro sur les bords du Barada et contrairement à certaines rumeurs persistantes, qu’il n’est pas question de tenir un sommet libano-syrien dans l’immédiat. Puis, il s’est avéré que Damas n’œuvre pas sur la base que “la balle est dans son camp”, comme l’a dit le chef de la Maison-Blanche, mais plutôt dans celui d’Israël. En ce sens que la reprise des négociations bipartites dépend de l’engagement israélien à évacuer le Golan jusqu’à la ligne du 4 juin 1967. Et ce, selon le principe défini à Madrid de “la terre contre la paix”.
Le président Hoss a couronné sa visite à Damas par une rencontre avec le Dr Bachar Assad, pour un tour d’horizon sur la conjoncture régionale et les questions d’intérêt commun. Le chef du gouvernement devait, par la suite, réaffirmer l’attachement du Liban à l’application de la résolution 425, en insistant sur le fait qu’Israël doit retirer inconditionnellement ses troupes jusqu’aux frontières internationalement reconnues.
De même, il a souligné la concomitance des volets libanais et syrien et la nécessité d’instaurer une paix juste et globale dans la région.
De son côté, M. Farouk Chareh, ministre syrien des Affaires étrangères, a assuré la concordance des vues entre le Liban et la Syrie. “Si, a-t-il affirmé, l’Etat hébreu veut réellement la paix, le Liban et la Syrie y sont prêts. Qu’Israël prouve que la paix est son choix stratégique, comme elle l’est pour Beyrouth et Damas”.
Après son entrevue avec M. Mohamed Miro, le président Hoss a déclaré qu’il effectuait sa visite pour féliciter son homologue syrien à l’occasion de son entrée en fonctions. “Naturellement, a-t-il précisé, nous avons échangé les vues sur les développements de la conjoncture régionale et sur les relations bilatérales dans tous les domaines, en mettant l’accent sur le volet économique, à la lumière de l’accord signé entre les deux pays dans ce domaine.”
“Notre entretien, a-t-il poursuivi, a été utile et fructueux, en ce sens que nous avons défini les moyens à mettre en œuvre pour raffermir davantage nos relations dans l’intérêt commun”.
La veille de la visite de M. Hoss à Damas, M. Chareh était venu au palais de Baabda où il a conféré avec les chefs de l’Etat et du gouvernement. Il a profité de sa présence pour mettre en garde contre des déclarations inadéquates “dont Israël pourrait tirer profit”, faisant allusion aux propos tenus par le ministre libanais de la Défense.
Ces derniers ont contraint le chef de la diplomatie syrienne à venir à Baabda, ce qui n’était nullement prévu, d’autant que le président Hoss était attendu le lendemain à Damas. Mais la déclaration intempestive de M. Zéaïter a nécessité son rapide déplacement pour remettre les choses au clair.
Le président Lahoud a, quant à lui, réaffirmé le souci du Liban de préserver la coopération et la coordination avec la Syrie dans les circonstances présentes “qui exigent le renforcement du front commun face à l’ennemi, lequel s’emploie à dissocier les volets libanais et syrien”.
“Le Liban et la Syrie, a dit de son côté M. Chareh, veulent une paix juste et globale, en application des résolutions 242, 338 et 425 du Conseil de Sécurité, comme du principe de la terre contre la paix... Toute tentative de la part d’Israël visant à changer ces données, que ce soit sur le volet syrien, libanais ou palestinien, est vouée à l’échec.”

QUESTIONS ET INTERPELLATIONS
Par ailleurs, il nous faut revenir au débat institué, la semaine dernière, sous l’hémicycle, à la faveur de la séance parlementaire consacrée aux questions et interpellations. Les interventions des députés laissaient entrevoir une campagne électorale qui va commencer à battre son plein dans les prochaines semaines.
Mais aucun d’eux n’a poussé l’hostilité jusqu’à exiger du gouvernement ou de l’un de ses membres, de poser la question de confiance. Sans doute, à cause de la conjoncture qui ne permet pas de mettre le Cabinet des 16 en difficulté, le sort du pays étant en jeu, parce qu’il est menacé en permanence par des périls dont nul ne minimise la gravité. Surtout que l’Etat hébreu parle de retirer ses troupes du Sud d’ici à fin juillet, même sans accord avec Beyrouth et Damas.
Cette tendance s’est nettement dessinée, place de l’Etoile, si l’on excepte les “Haririens” qui font feu de tout bois pour discréditer le gouvernement et prouver que le pays se trouve dans une situation pire que celle de leur temps.
Seul un député, M. Georges Kassarji, a invité le ministre des Postes et Télécommunications à poser la question de confiance... Mais en définitive, tout est rentré dans l’ordre. Grâce, sans doute, à la manière adroite avec laquelle le président Berri a dirigé le débat et empêché les opposants d’asséner au gouvernement des coups durs.
Les délibérations se sont, d’ailleurs, perdues dans la discussion d’un point d’ordre constitutionnel en rapport avec les attributions du Pouvoir exécutif, surtout en ce qui concerne les décisions du Conseil des ministres.
Tout compte fait, ce débat parlementaire a eu pour conséquence de normaliser les relations entre les Pouvoirs exécutif et législatif à l’approche de la consultation populaire de l’été.

NADIM EL-HACHEM

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