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LE PROCESSUS DÉVOYÉ
Il s’agirait donc, pour le président Clinton, de sauver M. Barak que ses difficultés partisanes paralysent. Et, pour le sauver, on demande au président Hafez Assad de lui laisser un morceau du Golan, comme une part de gâteau.
Apparemment, le président américain n’a pas estimé nécessaire de se préoccuper, également, des conséquences de cette éventuelle cession de territoire sur la position personnelle du président syrien vis-à-vis de sa propre opinion publique.
Mais il ne s’agirait pas seulement d’aider le Premier ministre israélien à faire face à ses alliés de sa coalition gouvernementale, il faudrait aussi que le Syrien et l’Israélien, réunis à n’importe quelle condition, aident M. Clinton à terminer son mandat en beauté.
Ainsi, la négociation syro-israélienne, si elle reprenait, ne serait plus qu’une opération d’entraide mutuelle pour sauver des positions politiques personnelles.
Et la paix, dans tout cela? Qui songe à sauver les principes de droit international sans lesquels la paix n’aurait plus de fondements sûrs?

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Tel est, en somme, le raisonnement que suggère l’issue de la conférence de Genève entre M. Clinton et le président syrien. La manière dont a été présentée cette conférence et les commentaires qui l’ont suivie laissent une impression de dévoiement du processus de paix conduit par les Etats-Unis depuis dix ans.
La conférence internationale de Madrid, qui a posé les bases de ce processus, en avait confié la direction aux deux grandes puissances, dont les affrontements en Proche-Orient pendant près de cinquante ans étaient considérés comme la cause de la persistance de l’état de belligérance entre Israël et ses voisins. En fait, cependant, la Russie était, en 1991, mise hors-jeu et son co-parrainage avec les Etats-Unis du processus de paix s’est réduit à un rôle d’observation, sans plus. De bout en bout, depuis dix ans, la direction des opérations de recherche de la paix est restée entre les mains de la diplomatie américaine. Jusqu’ici, le résultat est mitigé et aléatoire. Le processus se heurte maintenant à l’obstacle principal: les conditions de paix syro-israélienne. Et tout le monde est conscient que de l’échec ou du succès de cette dernière négociation, dépend la véritable pacification ou normalisation des rapports entre Israël et le monde arabe dans son ensemble.
Cela veut dire que tout ce qui a été acquis jusqu’à présent (la relation Egypte-Israël, la paix jordano-israélienne, les progrès en Cisjordanie et à Gaza, l’attente impatiente des monarques de la presqu’île arabique et des Etats du Maghreb pour normaliser leurs relations avec Israël) serait aussitôt remis en cause en cas d’échec. Penser que le processus de paix pourrait être achevé en isolant la Syrie, serait le plus dangereux des paris.
L’enjeu est immense. Il l’est, d’abord, pour les Israéliens à qui la paix offerte ouvre la voie royale d’une intégration dans leur environnement, mais qui se montrent incapables d’en payer le prix sur la base de la loi internationale; ensuite, pour les Etats-Unis eux-mêmes, dont la position dans le monde arabe serait de plus en plus fragilisée.
Et, dans ce cas, pour la première fois depuis plus de cinquante ans, on ne pourra pas accuser de ces conséquences l’Union soviétique et le “communisme international” (comme on disait autrefois). Ils n’existent plus. Aujourd’hui, les Etats-Unis seuls sont en première ligne et seuls responsables de la paix et de la guerre. C’est eux qui financent et arment Israël et l’autorisent, ainsi, à multiplier les obstacles à la paix. Il faut toujours revenir à ce constat.

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L’échec ou le succès de la recherche de la paix est la responsabilité première de la puissance qui a voulu en conserver le parrainage exclusif. Ses alliés européens la soutiennent. La Russie la laisse faire. Son seul problème, c’est M. Barak.
Elle est censée, pour avoir quelque chance de lever l’obstacle israélien, de se fonder sur une doctrine claire et sur une position ferme.
C’est une lourde tâche pour M. Clinton. Elle le dépasse visiblement.
Cependant, on vient de voir que quand il s’agit des intérêts économiques des Etats-Unis, il n’hésite pas à user du bâton: pour obtenir de l’OPEP un accroissement de la production pétrolière, il a bien menacé les pays du Golfe et l’Arabie séoudite de ne plus leur vendre des armes. Ils ont obtempéré.
Seuls les Arabes peuvent être l’objet de tant de fermeté? 


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