ASSURER UN CLIMAT PROPICE À LA TOURNÉE ARABE DE LAHOUD

En dépit de l’immobilisme qui caractérise, ces temps-ci, la scène libanaise, perturbée souvent par les raids israéliens au Liban-Sud, une station prééminente en rapport avec ce qui se passe au Liban, à savoir: la rencontre Clinton-Barak à Washington, s’est avérée infructueuse.
Cependant, un événement marquant mérite d’être signalé au plan local, donnant une idée de ce que sera le scrutin du mois d’août. En effet, l’attention a été accaparée par l’élection partielle de Jdeideh-Bauchrieh, en vue du choix de nouveaux conseillers municipaux de cette localité, suite à la démission de l’ancien conseil.

Les résultats ont confirmé le succès de la “liste du changement” que soutenait M. Michel Murr, ministre de l’Intérieur, aux dépens de la “liste de la décision libre” qu’appuyait une coalition formée de M. Auguste Bakhos, ancien député du Metn, le Parti national libéral et le Parti social national syrien (PSNS).
La liste Murr a obtenu 5.277 voix, contre 1940 à la liste concurrente, ce qui laisse prévoir, d’ores et déjà, disent les observateurs, les résultats des prochaines législatives dans cette circonscription. Car il s’agit d’un indice annonciateur du succès des formations loyalistes; mais il ne faut pas généraliser.
Le fait pour le PSNS d’avoir soutenu la “liste de la décision libre”, ne peut être interprété comme une rupture définitive de ce parti avec M. Murr. De même, le soutien apporté à la “liste du changement” par les Kataëb, permet de prédire une alliance possible entre ce parti et le ministre de l’Intérieur aux élections générales.
Au plan international, l’attention était braquée sur le troisième sommet que le président Clinton a tenu mercredi avec Ehud Barak, après avoir conféré précédemment avec les présidents Hafez Assad et Hosni Moubarak.
La Syrie avait communiqué ses réponses aux questions que le chef de l’Exécutif US a posées au chef de l’Etat syrien lors de leur rencontre à Genève, par l’intermédiaire de l’ambassade des Etats-Unis à Damas. Quant à la teneur de ces réponses, Patrick Seale croit savoir qu’elles ont porté sur le lac de Tibériade qui serait maintenu sous la souveraineté d’Israël, celle de la Syrie devant s’y exercer du côté nord-est du lac, les autorités syriennes s’engageant à ne pas y prélever de l’eau et à ne pas le polluer.
En contrepartie, l’Etat hébreu promet d’assurer un passage pour permettre aux Syriens de s’adonner à la pêche dans le lac et de l’utiliser à des fins touristiques ou de toute autre nature. De plus, une commission mixte syro-israélienne élaborerait un système destiné à garantir les intérêts des deux pays dans le secteur et à assurer une répartition équitable des ressources hydrauliques.
De son côté, le Liban avait donné sa réponse à propos de la décision israélienne relative au retrait du Liban-Sud, à travers un mémorandum que le président Emile Lahoud a adressé à M. Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, consignant les constantes libanaises et la position du Liban officiel envers le retrait et l’opération de paix dans son ensemble.
Le chef de l’Etat y insiste sur la nécessité d’opérer le retrait (inconditionnel) de “Tsahal” conformément à la résolution 425 du Conseil de Sécurité, les effectifs de la FINUL étant appelés à aider l’Etat libanais à étendre sa souveraineté jusqu’aux frontières internationalement reconnues.
De plus, Israël doit dédommager le Liban de l’énorme préjudice qu’il lui a causé depuis 1978, date à laquelle la 425 a été approuvée et que l’Etat hébreu a refusé d’appliquer jusqu’ici.
Autre point soulevé par le mémorandum présidentiel: le problème des réfugiés palestiniens doit être réglé et leur droit au retour reconnu. Dans ce cas, la présence armée dans les camps palestiniens du Liban ne se poserait plus, cette présence que les Israéliens avaient invoquée de tout temps pour justifier leurs invasions successives du territoire libanais et leurs raids aériens sur nos infrastructures.
Les observateurs et les analystes considèrent que la réponse présidentielle à la lettre par laquelle le secrétaire général de l’ONU a consigné la teneur de son entretien avec le chef de la diplomatie israélienne à Genève, est un coup de maître, le président Lahoud y ayant mis les points sur les “i”, en réfutant les prétextes qu’invoque Israël pour justifier sa politique belliciste contre ses voisins. Il a insisté, en particulier, sur la nécessité d’instaurer une paix juste et globale garantissant les droits de tous les peuples de la région.
Le mémorandum présidentiel réitère l’attachement du Liban à l’option de paix, en même temps que ses partenaires de la Ligue arabe, la Syrie en tête.
Les observateurs attirent l’attention sur le fait qu’en parlant d’un retrait avec ou sans accord, Israël transgresse la résolution 425 qui exige son retrait immédiat et inconditionnel, dont le mécanisme est défini par la résolution 426.
M. Larsen, émissaire spécial de M. Annan, a pris connaissance de la position officielle du Liban et de la Syrie lors de ses entretiens avec les responsables de ces deux pays.
Après la présentation du mémorandum présidentiel au secrétaire général de l’ONU qui souligne la nécessité de régler le problème des réfugiés palestiniens établis au Liban et dans les autres pays d’accueil, des voix se sont élevées dans ces camps, dont celle du “colonel” Mounir Makdah, responsable de Fath, faisant état de l’entraînement de groupes de combattants, en prévision d’une action anti-israélienne au Liban-Sud. Et ce, jusqu’à ce que Tel-Aviv reconnaisse leur droit au retour en Palestine.
Ceci peut amener Israël à reconsidérer sa décision relative au retrait et en prendre prétexte pour modifier ses plans, en optant pour celui préconisé par les généraux de “Tsahal” qui proposent le maintien d’un certain nombre de fortins à quelques centaines de mètres de la frontière.
De son côté, Sultan Aboul-Aynaine, secrétaire de Fath, a pris le contre-pied du “colonel” Makdah, alors que le chef de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, a proclamé son refus du désarmement des camps palestiniens, arguant que “la présence armée dans les camps a été “légalisée” par le sommet du Caire en 1970”.
Cependant, après les remous suscités par les déclarations des responsables palestiniens, la tendance est maintenant à l’apaisement. En effet, il a été demandé aux uns et aux autres, de s’abstenir de prises de position et d’initiatives pouvant profiter à Israël.
Le mémorandum présidentiel a, quant à lui, provoqué des réactions favorables, à commencer par celle du secrétaire général de l’ONU qui a pris contact avec le chef de l’Etat et s’est engagé à œuvrer en vue d’instaurer une paix juste et globale dans la région.
On s’attend que M. Larsen, envoyé spécial de M. Annan, revienne à Beyrouth après son escale damascène, pour reprendre avec les responsables libanais, les pourparlers entamés la semaine dernière. Et ce, à la demande pressante du secrétaire général.
Pendant ce temps, Israël recourt de nouveau à l’escalade au Liban-Sud où son artillerie et son aviation attaquent, quotidiennement, les positions de la Résistance. Les Israéliens ont d’autant les mains libres, qu’ils refusent de se rasseoir à la table du comité de surveillance de la trêve issu des arrangements d’avril 96. Ils exigent que ce comité supervise la mise au point des “arrangements de sécurité” dans la zone frontalière, afin d’assurer le retrait de “Tsahal” dans les meilleures conditions, sans courir le risque d’accrochages avec les “Hezbollahis”.
Cela dit et étant donné l’escalade sur le terrain que l’Etat hébreu paraît déterminé à entretenir, les observateurs désespèrent de voir les sommets Clinton-Barak et Clinton-Arafat déboucher sur quelque résultat concret; aussi, désespèrent-ils de voir relancer le processus de paix sous le mandat de l’actuel chef de l’Exécutif américain.
Sur le plan local, les milieux politiques s’emploient à calmer le jeu, afin de permettre au président Lahoud d’effectuer sa tournée arabe à partir de la mi-avril dans un climat propice et garant de son succès.
Toujours au plan intérieur, il y a lieu de signaler le rapprochement intervenu mardi entre les présidents Hoss et Karamé, alors que le président Karamé et M. Sleiman Frangié, ministre de l’Agriculture, ne se sont pas encore réconciliés...

NADIM EL-HACHEM

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