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LE MESSAGE-RÉQUISITOIRE
Le message du 5 avril adressé par le président de la République au secrétaire général de l’ONU, n’est pas exactement une réponse au message de M. Kofi Annan concernant ses entretiens de Genève avec M. David Lévy, ministre des Affaires étrangères d’Israël. On pourrait plutôt le qualifier de réquisitoire. Sous la forme inhabituelle de questions, il dénonce, en fait, l’impuissance de l’ONU à faire respecter ses décisions par Israël. C’est cette impuissance qui est finalement responsable de la situation actuelle au Liban-Sud.
M. Kofi Annan demandait au Liban s’il est prêt à coopérer pour garantir la sécurité d’Israël à l’occasion du retrait de son armée du Liban-Sud après vingt-deux ans d’opposition systématique des gouvernements successifs d’Israël d’accepter la résolution 425 du Conseil de Sécurité et de permanente agression contre le territoire libanais.
En revanche, le Liban demande à M. Annan comment il entend lui garantir sa propre sécurité et lui obtenir les indemnités auxquelles il a droit du fait des dommages subis lors des bombardements israéliens. Qui est l’agresseur? Qui est l’agressé? Ce genre de questions nous fait remonter, de proche en proche, jusqu’aux origines du conflit de Palestine.
M. Ehud Barak décide maintenant de retirer son armée jusqu’aux frontières internationalement reconnues. C’est parfait; c’est bien ce que le Liban réclame depuis vingt-deux ans. Mais qui est le garant de la paix?
A cette question, on peut affirmer que M. Kofi Annan n’a pas de réponse, sauf à préconiser une négociation directe entre les deux parties. Et sur quoi pourrait porter la négociation?
Tel est le nœud du drame.

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La présence au Liban d’une population palestinienne armée et toujours endoctrinée sur le thème de la “libération de la Palestine et de Jérusalem”, implique le Liban dans la résurgence de la totalité d’un conflit historique arabo-israélien que les résultats partiels des divers processus de paix initiés depuis dix ans sous le parrainage des Etats-Unis n’ont pas réussi à résoudre, complètement, sur aucun des fronts de la confrontation.
Par le biais de ce problème des réfugiés, le Liban est ainsi amené à placer l’ONU devant ses responsabilités.
En même temps, il se trouve solidaire des autres pays arabes, particulièrement la Syrie voisine, engagés dans une négociation toujours aléatoire avec Israël.
M. Arafat vient, sans doute, de recommander à ses partisans dans les camps de réfugiés au Liban, de se tenir tranquilles pour ne pas mettre en péril la sécurité du pays hôte. Mais comment pourrait-il être obéi, alors qu’en même temps, il refuse que ces hommes soient désarmés? Et pourquoi donc sont-ils encore armés, alors que leur chef fait la paix avec Israël? Comment d’ailleurs tabler sur la sincérité de M. Arafat quand lui-même échoue encore à obtenir d’Israël la reconnaissance du droit des Palestiniens sur Jérusalem et sur la configuration territoriale du futur Etat palestinien? N’y a-t-il pas là la cause d’un revirement de M. Arafat susceptible d’entraîner une nouvelle “Intifada”, dont les effets sur le comportement des réfugiés au Liban seraient incontrôlables?
Déjà, dans les territoires placés sous l’autorité de M. Arafat, un dernier sondage d’opinion révèle une dégradation sans précédent du niveau de confiance dans le processus de paix et dans l’Autorité palestinienne elle-même. M. Arafat est menacé.
Le retrait de l’armée israélienne du Liban, non pas en réalité pour appliquer la résolution 425, mais pour mettre les soldats à l’abri des coups de la Résistance, ramène ainsi à la surface tous les problèmes liés à l’ensemble du conflit de Palestine et à l’incapacité des puissances qui, depuis cinquante ans, plutôt que de lui trouver une solution dans la justice, n’ont pas cessé de s’en servir avec duplicité pour maintenir leur domination sur le Proche-Orient et sur ses ressources.

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Que peut M. Annan, que le président Lahoud interpelle? Rien du tout!
Que peut M. Clinton, qui espère encore laisser dans l’Histoire son nom attaché à la paix arabo-juive? Tout... S’il a seulement le courage d’affronter les problèmes en se libérant totalement de ses sordides préoccupations électorales.
Quant aux Israéliens qui parlent de “dernière chance” en s’adressant à Damas, on pourrait leur rétorquer que la vraie chance qu’ils n’ont pas voulu saisir, ce fut la conférence de Madrid il y a dix ans. Les Etats arabes, pour la première fois, reconnaissaient l’existence de l’Etat d’Israël et acceptaient le retour au partage du territoire tel qu’il avait fonctionné de 1948 à 1967. Mais les Israéliens étaient résolus, dès ce moment, à mener le processus dans une impasse. M. Shamir l’avait bien annoncé sans rougir. Ils y réussissent chaque fois qu’il y a un prix à payer pour la paix.
Ils ne veulent pas reconnaître qu’ils ont un devoir de compensation à l’égard des populations qu’ils ont chassées de leur pays et pris leurs maisons, leurs champs et leurs eaux. 


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