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La situation locale dans son ensemble “qui se détériorera, dit-il, au fur et à mesure que la paix s’éloignera dans la région”; la mauvaise représentation nationale en l’absence de partis dignes de ce nom - ce qui l’incite à envisager de fonder une formation politique après les prochaines législatives; le retrait israélien et la manière inadéquate d’y faire face; la gestion gouvernementale “qui laisse à désirer” au point que le maintien du “Cabinet des 16” constitue un poids pour les présidents de la République et du Conseil; l’urgente nécessité de rechercher des solutions tactiques à l’économie qui ne peut ni ne doit plus se perpétuer, autant de sujets abordés par M. Farès Bouez, député du Kesrouan et ancien ministre des Affaires étrangères. |
Invité à expliquer son exclusion de la première
équipe ministérielle du régime, alors qu’il avait
réussi à la tête de la diplomatie libanaise durant
tout le mandat du président Hraoui, M. Bouez juge naturel que le
président Lahoud ait fait appel à de nouveaux visages.
Mais ce qui ne lui paraît pas naturel, c’est la non désignation
d’un ministre des Affaires étrangères “à plein temps”,
alors que le pays doit faire face à maintes échéances
les unes plus importantes que les autres. N’empêche, dit-il, que
je voue le plus grand respect au président Salim Hoss et reconnais
sa compétence en tant qu’homme d’Etat.
Des prochaines législatives, M. Bouez dit: “Elles sont
marquées par la crise économique étouffante qui se
répercute, également, au plan social. A cela, il faut ajouter
la perplexité suscitée par les prévisions ambiguës
concernant le Liban-Sud, notamment au plan gouvernemental.
De fait, le gouvernement s’est avéré incapable de traiter
tant de dossiers chauds, à commencer par celui de la réforme
qui s’est arrêtée en début de chemin. Qu’est-il advenu
de l’édification de l’Etat de la loi et des institutions?
Tout cela se répercute sur le climat électoral, preuve
en est que, jusqu’ici, rien ne s’est encore concrétisé au
niveau des candidatures et on doit s’attendre à l’émergence
de nouveaux visages. Etant entendu que les alliances et la formation des
listes n’interviendront qu’au cours du dernier mois précédant
le scrutin.
Puis, en l’absence de partis politiques ayant des programmes
bien définis, le choix des députés s’effectue selon
des critères différents de ceux qui doivent être pris
en considération pour élire des éléments aptes
à légiférer et à contrôler l’Exécutif.
COMMENT CHOISIR LES DÉPUTÉS
Dans ce même ordre d’idées, je voudrais relever que peu
de députés interviennent dans le débat budgétaire
et en discutent les dispositions d’une manière scientifique. Parmi
les membres de l’Assemblée, bon nombre n’ont ni couleur, ni convictions,
ni prises de position politiques. Ils se contentent d’entreprendre des
démarches auprès des organismes étatiques pour hâter
l’accomplissement des formalités, tout en partageant les joies et
les peines des électeurs.
Dans la circonscription de Jbeil-Kesrouan, un véritable problème
se présente que S.Em. le cardinal Sfeir a évoqué en
posant la question suivante: Est-il vrai que nous élisons le député
en tenant compte des services qu’il nous rend, uniquement, même si
ses interventions transgressent les lois et règlements en vigueur?
La mission du député ne diffère-t-elle pas de cela?
Je crois qu’un nouveau courant se dessine dans ma circonscription,
visant à sortir des sentiers battus, afin d’assurer une représentation
populaire authentique, en s’élevant au-dessus des petitesses, car
il existe une crise au niveau de la patrie qu’il faut traiter sans plus
de retard. Puis, peut-on passer sous silence les plaintes résultant
du niveau de la représentation, de sa justesse et de sa vitalité?
Vous paraissez enclin à vous rapprocher des nouveaux visages...
Il s’agit d’un courant avec lequel les gens réagissent favorablement,
car ils en ont assez du loyalisme aveugle et de la tendance à faire
le jeu de parties déterminées à agir à des
fins électorales.
C’est pourquoi, l’homme politique se doit d’améliorer le niveau
de ses alliances et de la liste sur la base de laquelle il pose sa candidature
aux élections générales. Dans la mesure où
l’électeur apporte son soutien à de pareils éléments,
il contribue à rehausser la représentation nationale.
Croyez-vous qu’il soit possible de changer quoi que ce soit dans
la vie politique, en l’absence des partis?
La vie de parti est nécessaire et la représentation est
faussée en l’absence de prises de position politiques, comme c’est
le cas aujourd’hui. A tel point qu’en formant un Cabinet, on ne peut déterminer
la majorité dont il disposera au parlement. Un gouvernement est
donc constitué d’éléments disparates qui ne tardent
pas à passer du loyalisme à l’opposition ou vice-versa. Ceci
est une cause d’instabilité au plan gouvernemental.
Du point de vue populaire, l’absence de partis fausse la représentation
nationale et dans la plupart des pays européens, le parti choisit
le candidat. Autrefois, le parti Kataëb désignait ses candidats
aux législatives et ceux-ci, une fois élus, formaient un
bloc cohérent se conformant aux directives du bureau politique.
Comment remédier au vide laissé par l’absence des partis?
Il faut réactiver la vie partisane et, dès la fin des
prochaines élections, je m’emploierai en coopération avec
certaines forces nationales, à fonder un parti politique.
L’OPÉRATION DE PAIX COMPROMISE
Comment se traduit sur le terrain la conférence des ministres
arabes des Affaires étrangères et que pensez-vous du dernier
sommet Assad-Clinton à Genève?
Lorsqu’un sommet se tient entre deux présidents sans être
suivi d’une conférence de presse ou d’un communiqué et sans
que soit déterminée une date, à long ou moyen terme,
pour la reprise des pourparlers syro-israéliens et lorsque le porte-parole
de la Maison-Blanche déclare qu’il est impossible de supprimer l’abîme
qui existe entre les deux parties, ceci veut dire que la divergence est
grande. Lorsque le secrétaire d’Etat américain est remplacé
par son adjoint qui tient la Syrie responsable de l’échec du sommet,
nous ne pouvons que considérer l’espoir de la poursuite du processus
de paix comme faible, dans un avenir visible.
En politique rien n’est impossible. J’étais parmi ceux qui ont
parlé de tentatives pour la reprise des négociations un mois
avant la tenue du sommet, dont les chances de succès ne dépassaient
pas, à mon avis, les 50%. S’il est maintenant impossible de rectifier
les erreurs commises, il faut attendre la nouvelle administration américaine
qui sera mise en place dans un an et demi. Barak serait, alors, incapable
de prendre des décisions historiques et il faudrait attendre de
nouvelles élections israéliennes. On peut dire que les chances
de réussite du processus de paix sont à un niveau très
bas.
Quelles sont les répercussions de cet échec sur le
Liban?
L’arrêt du processus de paix aura ses répercussions sur
la situation socio-économique et je crains que la crise s’aggrave
en l’absence de solutions de la part du gouvernement. La situation sera,
peut-être, plus explosive dans les territoires occupés après
le retrait israélien. Notre façon de traiter avec ce retrait
était erronée. Nous avons parlé de résistance
à l’occupation et Israël a manifesté son intention d’appliquer
la résolution 425. Certains ont, alors, soulevé la question
de la sécurité de nos frontières. Et Israël de
rétorquer qu’il œuvrerait en vue de modifier la résolution
426 à travers la transformation de la FINUL en forces de frappe.
Nous avons réitéré notre résistance et Israël
pourrait peut-être nous menacer par la résolution 520. Il
ne fallait donc pas dévoiler nos cartes et attendre de voir ce que
ferait Israël. S’il n’appliquait pas la résolution 425, à
ce moment nous devrions expliquer au monde que le retrait israélien
équivaudrait à un redéploiement et qu’il serait du
droit du Liban de résister. Au cas où la 425 était
appliquée, nous devrions accepter cela et il est inadmissible que
nous changions d’attitude d’un jour à l’autre quel que soit l’argument
invoqué. A ce propos, je crois que le président Hoss est
suffisamment raisonnable.
CONCOMITANCE ET SOUVERAINETÉ
Le retrait israélien est-il un moyen de pression pour faire
échouer la concomitance des volets libanais et syrien?
La question de la concomitance des volets libanais et syrien est soulevée
dans le processus de paix ou de règlement et non dans l’application
de la résolution 425 qui est unilatérale. Cette question
a été mal interprétée et la nature unilatérale
a été la cible de critiques à travers les moyens d’information.
La concomitance des volets libanais et syrien concerne les négociations
de paix et la résolution 242.
Le Liban doit accueillir, favorablement, l’application de la 425 et
considérer cela comme une victoire pour lui et la Résistance,
l’Etat devant exercer, alors son autorité et recouvrer sa souveraineté.
La 425 est un droit du Liban et personne ne doit en user pour des intérêts
électoraux.
LES CONSÉQUENCES DU RETRAIT ISRAÉLIEN
Le retrait israélien présente-t-il quelque danger
pour le Liban?
L’opération du retrait est délicate. Si elle est effectuée
selon la résolution 425 et s’accompagne d’un retrait de la milice
du Sud, l’Etat libanais doit étendre sa souveraineté et récupérer
les portions occupées de son territoire. Notre position politique
qui est une constante, se définit par notre engagement envers une
paix juste et globale. Puisque la résolution 242 concernant les
pourparlers arabo-israéliens ne prévoit pas des négociations
isolées et étant donné la solidarité libano-syrienne
et l’unité de vision, la concomitance des volets libanais et syrien
dans le processus de paix est indispensable.
En ce qui concerne le Liban-Sud, l’Etat ne doit pas sortir du cadre
de la légalité internationale tant qu’Israël y est engagé.
Nous ne devons pas donner à l’Etat hébreu l’occasion de jouer
avec les résolutions de l’ONU, la 242 étant la plus importante.