Une vue de la bourse de New York.
A quelques jours de la session du printemps des institutions de Bretton
Woods, (Fonds monétaire international (FMI) et Banque mondiale (BM)),
qui s’est déroulée, au cours du week-end dernier à
Washington, parallèlement à la réunion des ministres
des Finances du Groupe des sept pays les plus industrialisés (G7),
le FMI avait dressé un bilan très flatteur de l’économie
mondiale dépassant toutes ses prévisions, estimant la croissance
à 4,2% pour 2000 et à 3,9% pour 2001 dépassant les
3,3% de 1999.
Une bonne note est décernée aux pays émergents
d’Asie qui ont renoué, plus tôt que prévu, avec la
croissance et sont invités à poursuivre les réformes.
De même qu’à la Russie pressée, toutefois, de “mettre
en œuvre les réformes structurelles nécessaires”. Cependant,
les pays riches avec en tête les Etats-Unis, continuent à
s’enrichir, tandis que les pays pauvres restent prisonniers du sous-développement.
Ce qui a porté Michel Mussa, directeur des études du FMI,
à condamner “l’un des plus grands échecs du XXème
siècle”.
1,2 MILLIARD D’ÊTRES HUMAINS VIVENT AVEC
MOINS D’UN DOLLAR PAR JOUR
Selon les World Development indicators (Indicateurs de développement)
dans leur édition 2000, 1,2 milliard d’êtres humains vivent
avec moins d’un dollar par jour . Ils font partie de la catégorie
des 2,8 milliards qui ne possèdent que 6% de la richesse mondiale
et disposent de moins de deux dollars par jour. Dans les pays riches, 7
enfants sur 1.000 meurent avant l’âge de 5 ans. Ils sont 90% à
mourir dans les pays pauvres.
Ce sont les pays les plus pauvres qui sont les plus endettés.
En juin dernier, le G8 de Cologne avait voté dans l’ensemble l’annulation
à 100% des dettes publiques des pays les plus endettés d’un
montant de 60 milliards de dollars. Mais s’il fallait annuler les dettes
publiques et privées des pays en développement, cela reviendrait
à effacer 2.000 milliards de dollars, selon le président
de la Banque mondiale James Wolfhenson, 200 milliards de dollars rien que
pour les quarante pays les plus pauvres. Tâche quasi impossible en
dépit de la volonté affichée par les grands argentiers
internationaux de faire de la lutte contre la pauvreté une priorité.
![]() et Gordon Brown, chancelier de l’Echiquier, lors d’une séance de travail du FMI. |
![]() manifestants aux abords du siège du FMI. |
LES ANTIMONDIALISTES AUX PORTES DU FMI ET DE
LA BANQUE MONDIALE
Pour contester ce qu’il appelle “l’impérialisme libéral”,
le Mouvement pour la justice mondiale, regroupant une multitude d’associations
variées qui étaient parvenues à bloquer les travaux
de la conférence de l’OMC à Seattle (nord-ouest des Etats-Unis)
en novembre-décembre 1999, a préparé depuis des mois
sa prise d’assaut de la 19ème rue à Washington, où
devaient se dérouler les travaux du FMI et de la BM. Quelque 10.000
antimondialistes se sont ainsi rassemblés à quelques blocs
de la Maison-Blanche, manifestant, sous des déguisements variés
et avec force banderoles revendicatives, leur courroux face aux responsables
de la haute finance internationale dont ils sont parvenus à paralyser
les déplacements sans pour autant arrêter les débats.
Les autorités de Washington avaient retenu la leçon de
Seattle. La police anti-émeute était sur les dents, les abords
du siège du FMI et de la BM avaient été interdits
au trafic et les contestataires, dispersés par des gaz lacrymogènes,
les plus véhéments au nombre de 1.300 interpellés,
embarqués dans les bus scolaires jaunes. Parmi eux, le photographe
du Washington Post, Carol Guzy, Prix Pullitzer et même un touriste
de passage.
Laurent Fabius qui faisait son entrée sur la scène internationale
en qualité de ministre de l’Economie et des Finances, a annoncé
que “les critiques ont été entendues et que le FMI et la
BM jouent un rôle très utile pour lutter contre la pauvreté.
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de progrès à faire”.
Gordon Brown, chancelier de l’Echiquier, dit: “Nous ne pouvons pas réduire
la pauvreté en tournant le dos à la mondialisation. Celle-ci
est une situation que nous vivons et c’est sous sa bannière que
la lutte contre le sous-développement pourra être menée.
Néanmoins, les pays industrialisés ont reconnu qu’il fallait
fournir de grands efforts “pour améliorer l’accès de leurs
marchés aux exportations des nations en développement”.
Autant de propos tombés dans les oreilles d’un sourd. Le mouvement
contestataire étant porté par des motivations variées
allant de l’appauvrissement des plus pauvres à l’atteinte à
l’environnement, la politique carcérale, l’hégémonie
des Etats-Unis, l’approche de la santé et de l’éducation.
Paradoxalement, ces contestataires ont rejoint ceux du Congrès
américain qui, pour des raisons tout à fait opposées,
fustigent les institutions de Bretton Woods qu’ils veulent moins généreuses
envers les pays du tiers-monde et qui réclament une redéfinition
de leurs attributions.
Manifestants antimondialistes.
L’EFFONDREMENT DES MARCHÉS BOURSIERS:
UNE CORRECTION
Paradoxalement, les grands argentiers n’ont pas semblé s’émouvoir
des turbulences des marchés financiers, les considérant,
sans doute, comme une correction souhaitée par la Réserve
fédérale américaine afin de ralentir la forte croissance
de l’économie américaine (4,4%) et la consommation des Américains.
L’annonce d’une hausse surprise des prix à la consommation (0,7%)
en mars, par le département du travail et la crainte d’un retour
à l’inflation avait provoqué la veille une tempête
à Wall Street. Le vendredi noir (14 avril) a fait planer le spectre
du krach du 19 octobre 1987. Car l’indice Nasdaq des valeurs technologiques
et de l’Internet a chuté de 9,67% (en une semaine, il perdait 25,3%
de sa valeur) et le Dow Jones, indice de l’économie plus classique
perdait 5,66%.
L’effondrement des cours boursiers provoquait une onde de choc sur
les places boursières d’Europe, d’Amérique latine et d’Asie,
enregistrant toutes de fortes baisses et connaissant un temps de répit
au cours du week-end, pour se manifester en mouvements contradictoires
lundi matin.
En début de semaine, les marchés asiatiques se trouvaient
en chute libre. La bourse de Tokyo s’effondrait de 8,6%, Hongkong chutait
de 7,9%, Singapour de 8,2%, Séoul de 11,3% et Manille de 3,2%. Contrairement
à ce que l’on craignait, l’Europe restait sous contrôle limitant
ses pertes en oscillant entre 2,5 et 4%. Les analystes s’attendaient à
un lundi noir, ce fut un lundi gris.
Wall Street s’est nettement ressaisi. L’indice des 30 valeurs vedettes,
le DJIA a progressé de 2,68%, le Nasdaq de 6,55%. Les marchés
asiatiques suivaient le mouvement à la hausse dans un marché
très volatile. Le krach tant redouté n’a pas eu lieu. Le
jeu de yo-yo peut se poursuivre indéfiniment.