EN ATTENDANT LE RETRAIT ISRAÉLIEN:
LE LIBAN DANS L’EXPECTATIVE

Fait nouveau à signaler, cette semaine: une rumeur persistante selon laquelle les élections législatives du mois d’août seraient organisées à une date plus rapprochée, sinon reportées, suite au retrait israélien du Liban-Sud et à ce qui peut en résulter au plan sécuritaire.

De fait, certains députés ont soumis au président de la Chambre une proposition (non écrite) suggérant de fixer la date du scrutin au mois de juin.
Cette suggestion est étudiée au plus haut niveau et on s’attend qu’une décision définitive soit prise à son sujet après le chômage de Pâques. D’ailleurs, le président Omar Karamé a assuré que les législatives se dérouleront en juin et non au mois d’août, alors que des parlementaires n’écartent pas la possibilité de les ajourner au printemps 2001.
De toute façon, M. Michel Murr, ministre de l’Intérieur, a confié au chef du Législatif que son département était fin prêt à superviser la consultation populaire à la date que l’Assemblée fixera, à condition d’apporter à la nouvelle loi électorale les amendements requis. Il importe de préciser que, selon cette loi, la convocation des électeurs doit intervenir soixante jours au moins avant le scrutin.
La Chambre des députés qui devait siéger hier jeudi, pour statuer sur le litige opposant le ministère des Postes et Télécommunications aux deux sociétés exploitant le réseau de téléphonie mobile, pourrait être amenée à débattre des élections d’une manière générale. Car, comme on s’en doute, on ne peut rien entreprendre avant le retour du président de la République de sa tournée arabe.

LES ÉLECTIONS EN JUIN?
Pendant ce temps, des sources renseignées font état des contacts qu’a effectués le président Rafic Hariri auprès du président Berri et du “Hezbollah”, en vue de sonder leurs intentions quant aux alliances électorales, mais jusqu’ici, l’ancien chef du gouvernement n’a reçu aucune réponse.
M. Hariri confie à sa coterie que le président Salim Hoss posera sa candidature dans la troisième circonscription de Beyrouth et M. Tammam Salam dans la seconde, alors qu’il posera la sienne dans la première et soutiendra des candidats dans toute la capitale. M. Hariri a précisé que M. Salim Diab, son ancien colistier, ne sera pas candidat cette fois mais dirigera sa “machine électorale” à la place de Me Omar el-Zein.
M. Hariri affirmait que les législatives auront lieu au mois de juin. Mais après avoir eu la certitude que les Israéliens évacueront le Sud le 15 de ce mois, il juge difficile d’organiser le scrutin en juin.
Le président Omar Karamé est également persuadé que la date des élections générales serait fixée en juin (au lieu du mois d’août) et assure que le “Cabinet des 16” les supervisera et s’attend que la future législature soit différente de l’actuelle, d’autant qu’elle aura à élire le prochain chef de l’Etat.
M. Karamé considère que le gouvernement Hoss devrait démissionner, si les législatives étaient ajournées. Dans ce cas, il est d’avis qu’il faudrait former un gouvernement constitué de personnalités politiques, représentatif de toutes les tendances, afin de faire face, avantageusement, aux développements de la conjoncture et à toutes les éventualités. En ce qui concerne sa relation avec M. Sleiman Frangié, le président Karamé a dit: “J’ai rompu mon mariage maronite avec le ministre de l’Agriculture et nous sommes maintenant en instance de divorce. M. Frangié est donc libre de ses nouvelles alliances”.
De la tournée du président Lahoud, M. Karamé l’a qualifiée de “nécessaire, d’importante et de réussie”, car elle vise à obtenir le soutien politique au Liban et non à réclamer de l’aide, avant de conclure: “Les prises de position du chef de l’Etat traduisent la volonté de tous les Libanais”.

LE RETRAIT ISRAÉLIEN CONFIRMÉ
Pour en revenir au retrait israélien du Sud avant le 7 juillet, il a été confirmé à travers la lettre que le Premier ministre Barak a adressée à M. Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, qui en a informé les présidents Lahoud et Hoss, en précisant que le retrait s’effectuera en vertu de la résolution 425 du Conseil de Sécurité.
La lettre de Barak réclame la constitution d’une commission internationale ayant pour tâche de se prononcer sur le tracé des frontières avec le Liban.
Mais les présidents Lahoud et Hoss ont rejeté cette demande israélienne, partant du fait que les frontières libanaises sont déterminées depuis 1923 et reconnues internationalement. Elles n’ont donc pas besoin d’être tracées de nouveau. De plus, ils ont accueilli favorablement tout retrait en application de la 425 et se sont opposés à tout retrait partiel ou à un redéploiement des effectifs de “Tsahal” dans la zone frontalière.
On s’attend, à présent, à l’intensification des contacts entre le Liban et les Nations Unies, en vue de déterminer le mécanisme en vertu duquel les forces israéliennes évacueront le Sud, leur retrait devant être inconditionnel, comme le stipule la résolution 425.
La délégation libanaise permanente aux Nations Unies dirigée par M. Salim Tedmory, a informé le président Hoss, en sa qualité de ministre des A.E., de la teneur de la lettre de Tel-Aviv à M. Annan et attend ses instructions.
Le secrétaire général de l’ONU doit informer les membres du Conseil de Sécurité de la décision israélienne, d’autant que l’Etat hébreu précise qu’il retirera ses forces du Sud en vertu des résolutions 425 et 426.
En recevant, comme il le fait chaque lundi, les membres de l’Assemblée, le président du Conseil faisant allusion aux déclarations du président Lahoud lors de sa tournée arabe, a rappelé les constantes libanaises sur la base desquelles le gouvernement élabore son plan d’action (voir le compte-rendu de la tournée présidentielle).
Cela dit, il y a lieu de revenir à la visite-éclair que le Premier ministre canadien, M. Jean Chrétien a effectuée à Beyrouth, la semaine dernière, en raison de l’importance des sujets ayant fait l’objet de ses échanges de vues avec le président de la République et les autres responsables.
Ceux-ci ont rappelé la position du Liban envers la résolution 425 et le mécanisme de son application réclamée avec insistance depuis son adoption par le Conseil de Sécurité en 1978.
Les entretiens libano-canadiens ont porté, également, sur le problème des réfugiés palestiniens et M. Chrétien a tenu à expliciter la position d’Ottawa, en précisant que le Canada limitait son intérêt aux aspects social et humanitaire des réfugiés. “Quant à leur retour en Palestine, a-t-il poursuivi, c’est une question qui est du ressort des parties concernées et doit être tranchée dans le cadre des négociations”.

BERRI ET LE RETRAIT ISRAÉLIEN
Par ailleurs, il sied de s’arrêter aux déclarations faites par le président Nabih Berri à l’issue de son entrevue hebdomadaire avec le chef de l’Etat, à propos du retrait israélien.
Le chef du Législatif pense que cette opération suscitera des problèmes graves pour toutes les parties, y compris les Etats-Unis et, naturellement, le Liban, car elle laisse derrière elle des “bombes à retardement” palestiniennes.
“Le prix de ce retrait, ajoute M. Berri, sera exorbitant et incitera la Résistance à pilonner les kibboutzim dans la région nord d’Israël. Tout cela met à rude épreuve la crédibilité de Washington qui s’avère impuissante à sortir les négociations de l’impasse et à convaincre l’Etat hébreu de respecter les principes définis à Madrid, dont celui de la terre contre la paix.
Le président de la Chambre s’attend, aussi, que le retrait provoque des problèmes aux pays arabes ayant conclu des traités de paix avec Israël, le blocage du processus de paix devant avoir pour conséquence d’embraser, une fois de plus, la région proche-orientale tout entière.
M. Berri est persuadé que la solution réside dans l’instauration d’une paix juste, globale et permanente, l’Etat hébreu n’ayant d’autre choix que de revenir à la table des négociations, de se retirer du Golan jusqu’à la ligne du 4 juin 1967 et d’appliquer les résolutions de la légalité internationale.

NADIM EL-HACHEM

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