LE RETRAIT ISRAÉLIEN DU LIBAN:
INQUIÉTUDES ET INTERROGATIONS

Le secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, a informé les autorités libanaises de la décision officielle d’Israël de se retirer du Liban “en une seule phase” avant le 7 juillet prochain.


14 mars 1978: Début de l’invasion israélienne du Liban-Sud.

Israël avait notifié, la veille, à l’ONU la décision de l’Etat hébreu de se retirer unilatéralement du Liban-Sud, ce qui a accru les craintes d’une éventuelle reprise des violences. Beyrouth s’était toutefois gardé de tout commentaire; d’autant plus que le président Lahoud entamait sa tournée dans les pays arabes. Mais l’on affirmait clairement dans les milieux gouvernementaux que le Liban tenait à l’application intégrale de la résolution 425 et refusait toute remise en question de sa frontière de 1923.
Or, Israël a annoncé son retrait, indépendamment de tout accord préalable avec Beyrouth et Damas.
Dans sa lettre à Kofi Annan, le ministre israélien des Affaires étrangères David Lévy, avait exprimé son “intention de mener à bien ce retrait en plein respect des résolutions 425 et 426 du Conseil de Sécurité... et de coopérer pleinement avec les Nations Unies pour mettre en œuvre cette décision”. Chose qui a semblé plonger les diplomates de l’ONU dans une grande perplexité quant au rôle que joueraient dans ce cas les forces de la FINUL, qui “ne peuvent être une vraie force d’interposition”, selon Bernard Miyet, secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix. D’où la nécessité pour les Nations Unies qui réalisent être en possession d’une “grenade dégoupillée”, d’obtenir des garanties de sécurité de toutes les parties, notamment du Hezbollah. Mais on estime que cette notification officielle accompagnée des dernières déclarations menaçantes du vice-ministre israélien de la Défense, Ephraïm Sneh auraient pour effet de relancer les discussions entre les pays intéressés et, notamment, de débloquer les négociations avec la Syrie.
Le porte-parole de l’ONU, Fred Eckhard a indiqué que “le défi de l’ONU est de faire en sorte que le retrait soit mené en toute sécurité, sans reprise du conflit ou escalade de violence d’autant plus qu’Israël a prévenu clairement qu’il répondrait militairement et de façon décisive à toute menace et le risque d’escalade est grand”. Paris avait, par ailleurs, approuvé la démarche de Tel-Aviv de se conformer aux résolutions de l’ONU, mais M. Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères, avait manifesté son inquiétude quant aux velléités des groupes qui, au Liban, profiteraient du vide laissé par le retrait israélien pour “créer un climat d’insécurité”. Quant à M. Lévy, il a indiqué que le départ du Liban priverait “les armées étrangères” de prétextes pour s’en prendre à Israël.
Des sources diplomatiques assurent que la France a déjà élaboré un “projet complet” visant à préciser les détails de l’application de la 425 et prévoit le renforcement des effectifs de la FINUL, points discutés lors de la visite du ministre français de la Défense, Alain Richard, en Israël.
Entre-temps, le président Emile Lahoud avait entamé samedi dernier une tournée régionale à caractère diplomatique qui devait le mener en Arabie séoudite, aux Emirats, au Koweit, au Qatar, à Bahrein, en Iran et en Egypte.
Objectif: expliquer aux dirigeants de ces pays, les dangers liés à un retrait israélien unilatéral du Liban-Sud et les craintes de l’implantation palestinienne dans notre pays; présence palestinienne “qui constitue un problème militaire et de sécurité qui s’accumule depuis des dizaines d’années”, a-t-il souligné. (Voir pages 14, 15, 16 et 17).
Dans ses entretiens avec ses interlocuteurs arabes, il a insisté sur “un retrait sans conditions ou menaces” et sur son attachement à la 425 et à une paix globale et permanente à l’avenir”, manifestant le refus de voir le Liban jouer le rôle de garde-frontière pour Israël. Un communiqué de la présidence de la République a indiqué que la tournée du président Lahoud vise “à renforcer la résistance du Liban face aux agressions israéliennes et à souligner la nécessité du retrait israélien jusqu’à la frontière internationalement reconnue”.
C’est en raison de cette tournée, que le gouvernement libanais ne s’est pas encore véritablement prononcé sur la note adressée par Tel-Aviv à l’ONU, en attendant le retour de M. Lahoud et une prise de position en Conseil des ministres. Les cadres étatiques avaient été priés de s’abstenir de tout commentaire à cet égard, un clin d’œil peut-être à l’affaire Sayyed. Cependant, le président Hoss note qu’un reflux militaire israélien qui n’irait pas au-delà des frontières tracées en 1923 ne serait qu’un simple redéploiement et non pas un retrait mettant fin à l’occupation. Il réitère son souhait de l’application de la 425 dans le cadre d’un règlement global incluant la Syrie. Cet arrangement de paix global devrait, également, traiter la question des réfugiés palestiniens et le contentieux libano-israélien.
Enfin, et pour couronner toutes ces inquiétudes et interrogations, Paris estime que “la Syrie veut maintenir sa domination sur le Liban”, raison pour laquelle elle refuserait l’accord avec Israël. En effet, le ministre français de la Défense, M. Alain Richard dit “redouter - pour dire les choses très franchement - que le pouvoir syrien compte parmi ses atouts principaux, celui d’avoir la domination sur le Liban. Par conséquent, toute solution, même lui rendant son intégrité territoriale, mais qui remettrait en cause sa domination sur le Liban ne lui convient pas”, a dit M. Richard dans une interview accordée à la radio France-Inter.
Le retrait israélien attendu depuis si longtemps comme preuve d’une paix équitable, durable et globale, sera-t-il au contraire l’étincelle qui enflammera à nouveau, notre pays devenu la poudrière du Proche-Orient?

NICOLE EL-KAREH

Home
Home