14 mars 1978: Début de l’invasion israélienne
du Liban-Sud.
Israël avait notifié, la veille, à l’ONU la décision
de l’Etat hébreu de se retirer unilatéralement du Liban-Sud,
ce qui a accru les craintes d’une éventuelle reprise des violences.
Beyrouth s’était toutefois gardé de tout commentaire; d’autant
plus que le président Lahoud entamait sa tournée dans les
pays arabes. Mais l’on affirmait clairement dans les milieux gouvernementaux
que le Liban tenait à l’application intégrale de la résolution
425 et refusait toute remise en question de sa frontière de 1923.
Or, Israël a annoncé son retrait, indépendamment
de tout accord préalable avec Beyrouth et Damas.
Dans sa lettre à Kofi Annan, le ministre israélien des
Affaires étrangères David Lévy, avait exprimé
son “intention de mener à bien ce retrait en plein respect des résolutions
425 et 426 du Conseil de Sécurité... et de coopérer
pleinement avec les Nations Unies pour mettre en œuvre cette décision”.
Chose qui a semblé plonger les diplomates de l’ONU dans une grande
perplexité quant au rôle que joueraient dans ce cas les forces
de la FINUL, qui “ne peuvent être une vraie force d’interposition”,
selon Bernard Miyet, secrétaire général adjoint chargé
des opérations de maintien de la paix. D’où la nécessité
pour les Nations Unies qui réalisent être en possession d’une
“grenade dégoupillée”, d’obtenir des garanties de sécurité
de toutes les parties, notamment du Hezbollah. Mais on estime que cette
notification officielle accompagnée des dernières déclarations
menaçantes du vice-ministre israélien de la Défense,
Ephraïm Sneh auraient pour effet de relancer les discussions entre
les pays intéressés et, notamment, de débloquer les
négociations avec la Syrie.
Le porte-parole de l’ONU, Fred Eckhard a indiqué que “le défi
de l’ONU est de faire en sorte que le retrait soit mené en toute
sécurité, sans reprise du conflit ou escalade de violence
d’autant plus qu’Israël a prévenu clairement qu’il répondrait
militairement et de façon décisive à toute menace
et le risque d’escalade est grand”. Paris avait, par ailleurs, approuvé
la démarche de Tel-Aviv de se conformer aux résolutions de
l’ONU, mais M. Hubert Védrine, ministre français des Affaires
étrangères, avait manifesté son inquiétude
quant aux velléités des groupes qui, au Liban, profiteraient
du vide laissé par le retrait israélien pour “créer
un climat d’insécurité”. Quant à M. Lévy, il
a indiqué que le départ du Liban priverait “les armées
étrangères” de prétextes pour s’en prendre à
Israël.
Des sources diplomatiques assurent que la France a déjà
élaboré un “projet complet” visant à préciser
les détails de l’application de la 425 et prévoit le renforcement
des effectifs de la FINUL, points discutés lors de la visite du
ministre français de la Défense, Alain Richard, en Israël.
Entre-temps, le président Emile Lahoud avait entamé samedi
dernier une tournée régionale à caractère diplomatique
qui devait le mener en Arabie séoudite, aux Emirats, au Koweit,
au Qatar, à Bahrein, en Iran et en Egypte.
Objectif: expliquer aux dirigeants de ces pays, les dangers liés
à un retrait israélien unilatéral du Liban-Sud et
les craintes de l’implantation palestinienne dans notre pays; présence
palestinienne “qui constitue un problème militaire et de sécurité
qui s’accumule depuis des dizaines d’années”, a-t-il souligné.
(Voir pages 14, 15, 16 et 17).
Dans ses entretiens avec ses interlocuteurs arabes, il a insisté
sur “un retrait sans conditions ou menaces” et sur son attachement à
la 425 et à une paix globale et permanente à l’avenir”, manifestant
le refus de voir le Liban jouer le rôle de garde-frontière
pour Israël. Un communiqué de la présidence de la République
a indiqué que la tournée du président Lahoud vise
“à renforcer la résistance du Liban face aux agressions israéliennes
et à souligner la nécessité du retrait israélien
jusqu’à la frontière internationalement reconnue”.
C’est en raison de cette tournée, que le gouvernement libanais
ne s’est pas encore véritablement prononcé sur la note adressée
par Tel-Aviv à l’ONU, en attendant le retour de M. Lahoud et une
prise de position en Conseil des ministres. Les cadres étatiques
avaient été priés de s’abstenir de tout commentaire
à cet égard, un clin d’œil peut-être à l’affaire
Sayyed. Cependant, le président Hoss note qu’un reflux militaire
israélien qui n’irait pas au-delà des frontières tracées
en 1923 ne serait qu’un simple redéploiement et non pas un retrait
mettant fin à l’occupation. Il réitère son souhait
de l’application de la 425 dans le cadre d’un règlement global incluant
la Syrie. Cet arrangement de paix global devrait, également, traiter
la question des réfugiés palestiniens et le contentieux libano-israélien.
Enfin, et pour couronner toutes ces inquiétudes et interrogations,
Paris estime que “la Syrie veut maintenir sa domination sur le Liban”,
raison pour laquelle elle refuserait l’accord avec Israël. En effet,
le ministre français de la Défense, M. Alain Richard dit
“redouter - pour dire les choses très franchement - que le pouvoir
syrien compte parmi ses atouts principaux, celui d’avoir la domination
sur le Liban. Par conséquent, toute solution, même lui rendant
son intégrité territoriale, mais qui remettrait en cause
sa domination sur le Liban ne lui convient pas”, a dit M. Richard dans
une interview accordée à la radio France-Inter.
Le retrait israélien attendu depuis si longtemps comme preuve
d’une paix équitable, durable et globale, sera-t-il au contraire
l’étincelle qui enflammera à nouveau, notre pays devenu la
poudrière du Proche-Orient?